Que peut-on retenir du projet de budget 2020 par rapport aux théories économiques ?

Selon des observateurs, la loi de finances 2020 en discussion à l’Assemblée nationale reflète un travail tout en finesse. On constate des différences entre l’esprit d’intérêt public et l’esprit ancien d’État cigale. Mais il n’importe pas seulement de connaître les finesses de la politique, il faut surtout être perspicace pour ce qui répréhensible, c’est-à-dire découvrir et reconnaître les faiblesses dans son exécution.

LES DÉPUTÉS ont encore cette semaine pour débattre dans la commission économique et financière et de contrôle budgétaire du projet de budget 2020 qu’ils ont déclaré « recevable » mercredi 20 novembre. Les membres du gouvernement sont tenus de prendre part à toutes les réunions de la commission ECOFIN. Sauf imprévu, le rapport de cette commission sera épluché en plénière au plus tard le 3 décembre. Puis, le bureau de l’Assemblée nationale transmettra le texte voté en première lecture au Sénat, pour examen et adoption en seconde lecture. En cas de désaccord, c’est le principe, il y aura tenue d’une commission mixte paritaire à la mi-décembre. 

En attendant, en dehors de l’hémicycle, des voix s’élèvent pour que les dépenses non pertinentes souvent aux libellés obscurs soient carrément élaguées de la loi de finances. Au ministère du Budget, on pointe du doigt les dépenses exceptionnelles, les frais secrets de recherche, les fonds d’intervention économique, etc. Ce jour-là, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le 1ER Ministre, devait répondre aux différentes préoccupations exprimées 48 heures auparavant par les députés en plein débat général du projet de budget 2020 arrêté à 10 milliards de dollars.

Les Douze travaux d’Hercule

Au cours de cette plénière, il y a eu 41 prises de parole que le 1ER Ministre a tenté de regrouper. Un : les éléments de référence du budget de l’État. Deux : le réalisme et l’équité du budget tant en recettes qu’en dépenses. Trois : les problèmes sécuritaires principalement liés aux groupes armés nationaux et étrangers. 

Quatre : la problématique de la gratuité de l’enseignement de base. Cinq : la couverture santé universelle. Six : la rémunération spécialement des hommes en uniforme, des fonctionnaires, des enseignants. Sept : la budgétisation des élections. Huit : le parachèvement de la décentralisation et la mise en œuvre de la Caisse nationale de péréquation. Neuf : les infrastructures et la connectivité des provinces. Dix : la desserte en eau et électricité. Onze : la gestion des catastrophes humanitaires. Et douze : la problématique du fonctionnement de l’appareil judiciaire.

En réponse, le chef de l’exécutif a déclaré, s’agissant des éléments de référence du budget de l’État, que le cadrage macroéconomique se fonde sur le comportement de l’économie à moyen terme tel que présenté par le ministère du Plan. Comportement perçu en termes d’évolutions du taux de croissance, du taux d’inflation, du taux de change et du produit intérieur brut (PIB). 

Concernant la conciliation de la pression fiscale de 13,3 % avec le pouvoir d’achat de la population, cette pression se situe en deçà de la moyenne de l’Afrique subsaharienne estimée à 15 %. Pour Sylvestre Ilunga, le gouvernement a pris des mesures pour la faire passer de près de 9 % à 13 %, sans influer négativement sur le pouvoir d’achat de la population, en préconisant notamment la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. 

Quant au réalisme du budget, le 1ER Ministre a rassuré que les mesures préconisées pour la mobilisation maximale des recettes feront l’objet d’un suivi régulier et rigoureux par le gouvernement. « Tout incivisme fiscal sera sévèrement sanctionné. » Les recettes des comptes spéciaux issues de certains actes générateurs seront affectées aux dépenses correspondantes approuvées par le gouvernement dans le cadre du programme d’action assigné à chaque compte spécial. Il s’agit principalement des recettes attendues de : Fonds national d’entretien routier (FONER), Fonds de promotion de l’industrie (FPI), Régie des voies aériennes (RVA), Fonds de promotion de l’éducation nationale (FPEN), Fonds de promotion de la culture (FPC), Fonds forestier national (FFN), Cadastre minier (CAMI), Fonds de promotion du tourisme (FPT) et Fonds minier pour les générations futures.

Par ailleurs, dans le volet des dépenses (en rapport avec la gratuité de l’enseignement de base, l’organisation des élections, la santé, l’agriculture, la pêche et l’élevage, le tourisme, la défense et la sécurité, la justice, l’enseignement supérieur et universitaire, la recherche scientifique et l’innovation technologique), le 1ER Ministre a indiqué que comme toute réforme importante, la gratuité de la scolarité au premier degré entraîne diverses conséquences sur le système éducatif national. 

Cela implique des mesures de réajustement des salaires des enseignants à tous les niveaux, la mécanisation des enseignants non payés, la prise en charge des frais de fonctionnement des écoles et des bureaux gestionnaires, ainsi que l’octroi d’une indemnité de transport et de logement aux enseignants des grandes villes. Le gouvernement compte également sur ses partenaires techniques et financiers qui ont exprimé leur engagement d’accompagnement de cette réforme.

À propos des élections, le gouvernement a inscrit dans les prévisions budgétaires 2020 des crédits spécialement dédiés aux prochaines opérations électorales. Ainsi, pour l’année prochaine, 220 milliards de nos francs sont réservés à l’organisation des élections urbaines, municipales et locales. Quant aux élections de 2023, les crédits y afférents seront inscrits dans les budgets des exercices des 2021 à 2023.

Les gagnants et les perdants

En matière de budget, les économistes s’amusent en comparant l’État à un ménage. D’après eux, un ménage qui dépense tout son revenu ou presque pour satisfaire ses besoins de consommation, s’appauvrit davantage, tandis que celui investit, s’enrichit… La RDC se trouve dans la situation d’un ménage qui dépense plus qu’il n’investit, c’est-à-dire qui s’appauvrit davantage. 

Tenez : dans la structure des dépenses (en pourcentage) de l’État en cumul au 6 septembre 2019 (Banque centrale du Congo), les rémunérations représentent 42 %, les frais de fonctionnement 20 %, les dépenses urgentes 19 %, autres (dépenses) 14 %, la dette publique 3 % et les dépenses en capital (investissements) 2 %.

Dans le budget 2020, « il y a un véritable rééquilibrage », constate Alfred Nkossi, doctorant en économie. « Par exemple, les dépenses d’investissements vont passer de 2 % environ à 33,4 % du budget général. 

C’est très significatif !  Le 1ER Ministre l’a dit : le projet de budget 2020 est principalement axé sur le social du peuple congolais. Les dépenses sociales sont prévues à 30,1 % du budget général, dont 21,8 % pour l’éducation (la part de la gratuité de la scolarité dans l’enseignement de base s’élève à 11,3 %), 5,9 % pour la santé et 2, 4 % pour la protection sociale. Il y a là un effort louable du respect des fondamentaux », note-t-il. Alfred Nkossi pense que la majorité des ménages en RDC bénéficieraient des mesures socio-fiscales du budget 2020. D’après lui, les dispositifs annoncés par Sylvestre Ilunga contribueraient à améliorer la croissance en 2020. « Clairement, le budget 2020 devrait redonner du pouvoir d’achat aux Congolais. Ce qui pourrait avoir un impact relativement conséquent sur l’économie nationale si ces gains se traduisent dans la croissance. Bref, c’est un budget ciblé sur les classes moyennes. » De nombreuses incertitudes pourraient cependant venir plomber la croissance, notamment au niveau international.

Les recettes internes dans le projet de budget 2020 sont prévues à environ 8,4 milliards de dollars, soit un accroissement de près de 57 % par rapport au budget 2019. Pour atteindre ce niveau de recettes, le gouvernement a pris des mesures concrètes afin d’élargir l’assiette fiscale, endiguer la fraude et lutter contre l’évasion fiscale. En tout cas, le 1ER Ministre s’est engagé à poursuivre « tous ceux qui s’adonnent au détournement de deniers publics ». Ceux qui détournent l’argent de l’État sont-ils effectivement sanctionnés ? 

Pourquoi le coulage des recettes n’est pas toujours sérieusement découragé dans notre pays ? « Personne ne sera épargnée. Rien ne nous empêchera d’envisager la multiplication d’enquêtes déclenchées à partir des signes extérieurs d’enrichissement rapide et illicite… », a déclaré Sylvestre Ilunga. Décidé à poursuivre, s’il le faut, « ceux qui s’adonnent à la corruption puisque ce mal est profond ». Surtout en premier lieu les membres du gouvernement ainsi que tous les grands responsables de l’État.