RDC-FMI : la dernière ligne droite avant un accord triennal formel

Le Fonds monétaire international pose des conditions avant la conclusion d’un programme triennal d’ici la fin de l’année avec le gouvernement congolais. Ce programme va permettre à la République démocratique du Congo de bénéficier d’importants appuis des partenaires financiers internationaux.

LES DISCUSSIONS avec la mission des experts du Fonds monétaire international (FMI) se sont poursuivies la semaine dernière à Kinshasa sous la houlette de José Sele Yalaghuli, le ministre des Finances. Débutés le jeudi 3 septembre, les pourparlers par visioconférence ont continué le mardi 8 septembre avec Mauricio Villafuerte, le chef de division au département Afrique, et Philippe Egoumé, le représentant-résident du FMI en République démocratique du Congo. À en croire des sources au cabinet du ministre des Finances, le FMI pose « trois préalables majeurs » pour la conclusion d’un accord formel en vue d’un programme triennal. Premier préalable : le gouvernement doit présenter « un projet de budget 2021 réaliste ». Deuxième préalable : la Banque centrale du Congo doit être restructurée, notamment la nomination des commissaires aux comptes et le renouvellement du conseil d’administration. Troisième préalable : la transparence dans le secteur minier, notamment la publication du rapport ITIE et des contrats miniers, en particulier avec la Minière de Bakwanga (MIBA) et la SOKIMO.

En ouvrant des négociations avec le FMI, le gouvernement Ilunga a promis de respecter les engagements. Ce qui lui a permis en octobre 2019 de bénéficier d’un programme de référence de six mois avec le FMI. Ce programme arrivait à échéance en mai dernier. Mais à cause de la crise sanitaire due à pandémie de coronavirus il s’achèvera ce mois-ci, pour laisser la place aux négociations proprement dites début octobre prochain en vue de l’accord formel tant attendu. Grâce à ce programme de référence, la RDC a bénéficié en décembre dernier d’une facilité de crédit rapide de 368,4 millions de dollars ((pour renforcer les réserves internationales de la Banque centrale du Congo). Puis en avril dernier d’un autre appui budgétaire de 363 millions de dollars au titre de la facilité de crédit rapide, en plus de 20 millions de dollars d’allègement de la dette par le Fonds.

Reprise de la coopération

En novembre 2019, le gouvernement et le FMI étaient tombés d’accord pour mettre en place un programme intérimaire. Ce dernier comporte une série d’exigences pour le gouvernement, comme préalables à la reprise de la coopération avec le Fonds. En rappel, il s’agit pour le gouvernement d’augmenter les réserves internationales ; rembourser la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) des miniers et lever la mesure portant   suspension de la perception  de la TVA des sociétés  minières à fin mars 2020 ; retenir à la source l’impôt professionnel sur les revenus (IPR) pour tous les fonctionnaires et agents de l’État, ainsi que pour les membres de toutes les institutions politiques, afin d’augmenter les recettes ; publier un plan de  trésorerie pour 2020 en  cohérence avec les niveaux réalistes des recettes et des  prévisions de financement des dépenses, pour améliorer la qualité de la  gestion des finances  publiques. 

Il s’agit aussi pour le gouvernement de publier les états financiers complets et audités de la BCC pour l’exercice 2018 sur le site de l’institut d’émission, afin de renforcer la transparence et sa gouvernance ; recruter le coordonnateur  national de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), conformément aux procédures et code de conduite de l’ITIE, afin d’assurer la transparence dans la gouvernance du secteur minier ; assurer le transfert d’une partie des ressources des comptes spéciaux au compte général du Trésor (FPI pour 1 million de dollars par mois, FONER pour 1 million de dollars par mois, RVA pour 100 000 dollars par mois, Fonds pour les générations futures pour 1 million de dollars par mois, à affecter aux investissements en capital physique et humain), dans le but d’augmenter l’espace budgétaire de l’État. 

Enfin, il s’agit pour le gouvernement d’assurer le reversement de la TVA et de l’impôt sur les revenus collectés par les entreprises publiques en vue d’augmenter le niveau des recettes ; et plafonner les dépenses de fonctionnement des institutions politiques pour rationaliser les dépenses publiques. Tout cela devait être fait à l’échéance de janvier 2020. Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, s’est engagé à « assurer le succès du programme de référence à travers le respect tant de ses repères quantitatifs que structurels », promettant de porter « une attention particulière sur la discipline budgétaire ». 

Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le 1ER Ministre, avait reçu le 20 février dernier une délégation du Fonds monétaire international conduite par Mauricio Villafuerte, le conseiller du département Afrique. Le même jour, se tenait le Conseil des ministres au cours duquel le ministre des Finances a alerté les membres du gouvernement sur la nécessité de parvenir à un programme de référence avec l’institution de Bretton Wood. La mission des experts du FMI s’inscrivait dans la suite logique des concertations avec les autorités du pays en vue de parvenir à un programme formel de coopération. 

Pour les experts du FMI, le respect des engagements signifie « une gestion saine des finances publiques ». C’est la bataille de José Sele Yalaghuli. La publication par son ministère du plan de trésorerie (PTR) et du plan d’engagement budgétaire en fait partie. À l’heure où les finances publiques de la République démocratique du Congo connaissent un tour de vis, la mobilisation des recettes de l’État devient une priorité nationale majeure. En réalité, la controverse née de cette publication n’avait pas raison d’être car c’est une exigence du FMI pour rassurer les partenaires financiers. 

Un rapport du FMI souligne que les autorités congolaises sont d’accord pour baser l’exécution du budget 2020 sur « des prévisions plus réalistes. C’est ce à quoi sert le plan de trésorerie pour avoir une estimation plus juste de ce que l’État va pouvoir dépenser cette année. Au ministère des Finances, on explique que le PTR permet d’éviter le dérapage des dépenses publiques. C’est donc un instrument de gestion pour rationaliser les dépenses publiques après les dérapages constatés en 2019. C’est aussi un outil de pilotage de l’exécution du budget de l’État en tenant compte de la conjoncture et des contraintes du moment. Il est donc dynamique, révisable et ajustable sur la base annuelle ou infra-annuelle.

Dépenses base caisse

Le plan de trésorerie publié par le ministère des Finances prévoit de dépenser 5,64 milliards de dollars. Autrement dit, le gouvernement est en capacité de ne mobiliser que 5,4 milliards de dollars en termes de recettes. L’écart de quelque 200 millions devrait être comblé par des bons du Trésor émis par la Banque centrale. Dépenser uniquement sur base caisse, c’est l’un des engagements pris avec le FMI.