RDC: l’armée prend deux places fortes rebelles, un Casque bleu tanzanien tué

AFP PHOTO / PHIL MOORE
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GOMA, L’armée congolaise a pris dimanche deux places fortes de la rébellion du M23, à Kiwanja et Rutshuru, dans l’est de la République démocratique du Congo, au cours de violents combats pendant lesquels un Casque bleu tanzanien a été tué.

Deux fronts ont été ouverts dans l’instable et riche province du Nord-Kivu, le premier vendredi, le second samedi. Les combats se poursuivaient dimanche sur un terrain accidenté entre l’armée congolaise et le Mouvement du 23 mars (M23) qui reculait, selon les autorités congolaises et l’ONU.

Le front ouvert samedi se situe dans les environs de Kiwanja, à environ 80 km au nord de Goma, la capitale du Nord-Kivu.

La Mission de l’ONU pour la stabilisation de la RDC (Monusco), chargée de la protection des civils et qui appuie l’armée sur le terrain, dispose d’une importante base à Kiwanja, où de nombreux déplacés ont trouvé refuge.

“La Monusco y est à présent déployée, en lien avec les FARDC” (Forces armées de RDC)”, a déclaré dimanche matin à l’AFP un officier de la Monusco, sans plus de précision.

Mais un lieutenant tanzanien de la brigade d’intervention de l’ONU a été abattu pendant le déploiement de la brigade avec l’armée à Kiwanja, a-t-il ajouté.

Avant ce lieutenant, deux soldats tanzaniens de la brigade ont été tués au cours des derniers mois.

“Un Casque bleu est mort ce dimanche suite aux combats contre le M23 à Kiwanja”, indique un communiqué de la Monusco, sans préciser la nationalité de la victime. “Je suis très indigné par cette information tragique. Ce soldat est mort alors qu’il protégeait la population civile de Kiwanja”, a déclaré le chef de la Mission, Martin Kobler.

Le M23 menace

Dans un communiqué, le M23 a annoncé son départ de Kiwanja “sans combat” et a menacé de quitter les pourparlers de paix de Kampala si la médiation du dialogue n’obtenait pas une “cessation immédiate des hostilités”.

Auquel cas, il promet d’organiser une “contre-offensive de grande envergure contre toutes les positions ennemies”.

En fin d’après-midi, alors que des affrontements se poursuivaient aux alentours de Kiwanja, les FARDC ont conquis Rutshuru Centre, chef lieu de la région de Rutshuru, quelques km plus loin.

“Rutshuru vient de tomber entre les mains des FARDC. Il y a eu quelques combats mais ils (les rebelles) ont fui”, a déclaré à l’AFP le gouverneur de la province du Nord-Kivu, Julien Paluku.

Bruno, un habitant de la ville, s’est dit “très content”. “C’est une grande manifestation: des femmes, des hommes, des enfants ont étalé des pagnes dans la rue, ils ont jeté des fleurs sur les soldats pour les remercier de leur soutien… C’est magnifique!”, s’est-il réjoui.

Quant au premier front ouvert vendredi, à Kibumba, à environ 25 km au nord de Goma, le gouverneur provincial a annoncé “l’existence de deux fosses communes”. Il a réclamé une “enquête internationale pour aller établir les responsabilités et le contenu avec des spécialistes”, car “si on sort les corps nous-mêmes, j’ai peur qu’on nous prête des intentions”.

Kibumba, postée sur un plateau à près de 1.800 mètres d’altitude, verrouille la zone contrôlée par la rébellion M23 plus au nord.

Vendredi, de violents combats, les plus engagés depuis fin août, avaient éclaté dans cette région.

Samedi, l’armée avait indiqué avoir pris Kibumba, ce que le M23 a démenti. L’officier de la Monusco avait évoqué une prise partielle.

Reste que, pensant la localité sous contrôle de l’armée, plusieurs centaines de personnes réfugiées dans le parc des Virunga sont sorties dimanche matin pour regagner leur domicile, avant de se retrouver prises entre deux feux. “A la demande des FARDC”, la Monusco a créé un “corridor humanitaire” pour “évacuer” les déplacés, a souligné l’officier de la Monusco.

L’intensité des combats redouble

En fin d’après-midi, la situation restait tendue. “Le M23 résiste sur une colline à la frontière avec le Rwanda”, a expliqué l’officier supérieur de l’armée. L’intensité des combats a redoublé, selon un défenseur des droits de l’Homme originaire de Kibumba et qui a fui à Kabagana, localité frontalière avec le Rwanda. D’après lui, les habitants restent terrés chez eux.

Issu en avril 2012 d’une mutinerie d’anciens rebelles intégrés dans l’armée congolaise, le M23 demande la pleine application de l’accord ayant régi l’incorporation en 2009. Il défend plus généralement les droits des populations congolaises rwandophones. Des experts de l’ONU accusent régulièrement le Rwanda et l’Ouganda voisins – malgré leurs démentis – de soutenir le M23.

Samedi, un officier des FARDC avait affirmé que le Rwanda appuyait le M23. “Il y a des tirs qui viennent très ouvertement du territoire rwandais depuis hier”, a quant à lui affirmé dimanche le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende. Il s’agit de “plusieurs dizaines de tirs d’armes lourdes” qui prouvent une “collusion entre le M23 et le Rwanda”, a-t-il accusé.

Samedi, le porte-parole de l’armée rwandaise, le général Joseph Nzabamwita, a qualifié de “fausse rumeur” les accusations de soutien au M23.

Le 21 septembre, les pourparlers de paix en cours à Kampala avaient été suspendus entre M23 et pouvoir central, faisant craindre une nouvelle flambée de violence au Nord-Kivu, riche province agricole et minière convoitée et déchirée par la guerre depuis une vingtaine d’années.