Taxer les GAFA et autres en fonction de la présence physique, l’idée fait consensus

LA VOLONTÉ de bâtir ensemble « un système fiscal international qui soit plus efficace et plus juste » fait du chemin, voire consensus. « Nous devons nous dépêcher! », a lancé Bruno Le Maire, le ministre français de l’Économie, à l’occasion d’un symposium sur le sujet de la fiscalité internationale, avant le coup d’envoi officiel des sessions de travail entre grands argentiers à Fukuoka (sud-ouest du Japon). « La réalité, c’est la digitalisation de l’économie et des grandes entreprises du numérique qui font des profits considérables grâce à la valorisation des données », tout en payant leurs impôts dans des pays aux taux plus favorables, a-t-il souligné plus tard à l’AFP.

Le système actuel est « perçu par les citoyens comme une grave injustice », a estimé Philip Hammond, le ministre britannique des Finances. Taxer Facebook, Google et autres multinationales du numérique non plus en fonction de la présence physique, de là où se situent leurs bureaux, mais de là où elles enregistrent leurs revenus: voilà l’idée. Angel Gurria, le secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies pour la coopération et le développement économiques (OCDE), a salué « des progrès significatifs », avec l’adoption par 129 pays d’une feuille de route ouvrant la voie à la conclusion d’un accord « d’ici à 2020 ».

Divergences sur l’application

Les divergences restent toutefois fortes sur les moyens d’application. « Sur le fait de se dépêcher, je ne suis on ne peut plus d »accord », mais « ce sont des questions compliquées », a réagi Steven Mnuchin, le secrétaire américain au Trésor, soucieux de ne pas « discriminer » le secteur technologique. Il a ainsi manifesté son désaccord vis-à-vis de la décision de la France et de la Grande-Bretagne d’imposer unilatéralement les Gafa sur leur chiffre d’affaires.

« Les États-Unis ont de grandes inquiétudes » par rapport à ces initiatives, a affirmé le responsable américain. « Mais c’est tout à leur honneur d’avoir fait de telles propositions dans le sens que cela a créé un sentiment d’urgence » et « une impulsion » pour prendre le problème à bras le corps. Parmi les trois pistes soumises à l’OCDE, celle de Washington se veut beaucoup plus large et ambitieuse et ne se limite pas à l’économie numérique. Elle s’étendrait à tous les groupes qui « ont de la distribution » dans des autres pays, comme les entreprises du luxe françaises aux États-Unis, ou les firmes américaines en Europe.

Bruno Le Maire s’est, lui, dit « ouvert » à l’idée américaine, répétant que la France retirerait ses propres mesures de taxation dès qu’une solution internationale serait trouvée. Il a aussi insisté sur l’importance de mettre en place un taux de taxation minimum sur les multinationales, « pour éviter qu’elles puissent délocaliser leurs profits vers des paradis fiscaux ou des pays où l’imposition sur les sociétés est plus faible ».

Dans un communiqué publié en amont de la réunion, l’Oxfam, l’ONG britannique de lutte contre la pauvreté et les inégalités, a évoqué une « chance unique de mettre un terme à l’évasion fiscale des multinationales et au nivellement par le bas de l’impôt sur les sociétés ». Quentin Parrinello, le porte-parole d’Oxfam France, insiste : « Les gouvernements ne doivent pas laisser passer cette opportunité quand on sait que les multinationales transfèrent dans les paradis fiscaux jusqu’à 40 % de leurs bénéfices réalisés à l’étranger. »

Tensions commerciales

Autre sujet incontournable, les tensions commerciales entre les États-Unis et leurs partenaires ont connu un petit répit. Washington et Mexico sont parvenus à un accord sur l’immigration, levant ainsi la menace de droits de douane sur les produits mexicains brandie par Donald Trump, le président américain. À Fukuoka, Mnuchin s’est aussitôt félicité de cet accord « très, très important ». 

Quant à lui, Haruhiko Kuroda, le gouverneur de la Banque du Japon (BoJ), a déclaré : « L’incertitude demeure sur le front du commerce, mais c’est une très bonne nouvelle. » Du côté de la Chine, les États-Unis, par la voix de Mnuchin, ont laissé la porte ouverte à la reprise des discussions. « Nous étions en passe de conclure un accord historique. S’ils veulent revenir à la table et signer selon les termes que nous étions en train de négocier, ce serait très bien. Sinon, comme le président l’a dit, nous irons de l’avant avec les droits de douane », a averti Mnuchin. Donald Trump décidera après le sommet du G20 à Osaka, où il doit rencontrer son homologue chinois Xi Jinping, s’il met à exécution sa menace de surtaxer la quasi-totalité des importations venues de Chine.

Face à lui, la Chine ne plie pas, montant au combat et Yi Gang, le gouverneur de la Banque populaire de Chine, présent à Fukuoka, a cité dans un entretien avec Bloomberg TV une série d’instruments de politique économique pour faire face à la guerre commerciale avec les États-Unis.