Tout est pénurie en RDC

Le pays ne parvient pas à réduire ses dépenses en devises à l’importation de biens de première nécessité. Pire, le budget d’importation est au moins le double de ce qu’il faut pour produire localement. Mais non continue d’importer comme si de rien n’était…  

 En République démocratique du Congo, plus de 80 % des céréales consommés sont importés. Les importations en denrées alimentaires coûtent chaque année autour de1.5 milliard de dollars. Continuer à importer la nourriture est une « honte nationale », estime le ministre d’État et ministre du Plan, Modeste Bahati Lukwebo. En tirant les leçons de la crise financière internationale, il fait sien l’adage qui dit : « Aux grands maux, des grands remèdes ». Surtout en ce moment où le pays est face à plusieurs défis économiques et cherche à se sortir de cette crise.

À ses yeux, l’importation de denrées alimentaires depuis des lustres est un phénomène anormal. Bien des observateurs souhaitent que l’argent dépensé à l’importation de la nourriture serve à relancer le secteur agricole laissé à l’abandon. Les autorités congolaises sont souvent sourdes aux conseils et recommandations des experts sur la nécessité de diversifier l’économie nationale. Maintenant, ils ont sans doute appris beaucoup des conséquences de la crise financière internationale. Face à la vulnérabilité de l’économie nationale dépendante de ressources naturelles, l’agriculture est la parade toute trouvée pour maintenir la stabilité macroéconomique face aux chocs exogènes.

Un géant qui s’ignore

Comme le dit le ministre d’État Bahati, « le potentiel des terres agricoles congolaises est encore trop peu exploité ». En direction des opérateurs économiques qu’il rencontre, Modeste Bahati cherche à passer le message selon lequel « il n’est pas normal qu’on continue d’importer de la nourriture alors que nous avons des millions d’hectares de terres arables. »

Les secteurs des mines et des hydrocarbures représentent près de 95 % des recettes d’exportation de la RDC. La baisse des prix des matières premières et de la demande mondiale ont un impact négatif sur les équilibres macroéconomiques du pays.

C’est pourquoi le gouvernement a décidé, sans vraiment décider, de se tourner vers l’agriculture pour diversifier l’économie nationale. Avec 80 millions d’ha d’étendue des terres arables, 4 millions d’ha de terres irriguées, de nombreux cours d’eau avec d’importantes ressources halieutiques, la RDC a tout ce qu’il faut pour devenir une puissance agricole mondiale, pourrait-on ainsi dire.

Actuellement, bien que le secteur agricole contribue pour 36 % dans la formation du Produit intérieur brut (PIB) et participe pour plus de 60 % à la création d’emplois, il ne parvient pas encore à assurer l’indépendance alimentaire du pays et à générer suffisamment de revenus et d’emplois durables. En 2012, le gouvernement a défini dans le cadre du quinquennat un programme qui vise à renforcer la contribution de l’agriculture à la croissance économique, restaurer la sécurité alimentaire du pays, réduire la pauvreté et la précarité dans les milieux ruraux, accroître la production des produits vivriers et pérennes.

Pour atteindre tous ces objectifs, il s’est doté des stratégies et politiques agricoles et rurales qui touchent à la sensibilisation, la production, l’évacuation, le stockage, la transformation et la commercialisation.

Au niveau de la production végétale, l’objectif a été d’intensifier la production vivrière en vue d’atteindre l’autosuffisance alimentaire en denrées de base en 2015.

Pour cela, il fallait renforcer la mécanisation agricole, améliorer les infrastructures de recherche agronomique, disponibiliser les intrants agricoles auprès des agriculteurs et promouvoir la technologie appropriée post récolte. Un autre objectif : redynamiser l’agriculture à la base, par la mobilisation et l’encadrement des populations rurales, de manière à atteindre l’objectif de superficie de 1 ha par ménage. Il s’agit principalement de promouvoir la professionnalisation des acteurs agricoles (incubateurs), des jeunes désœuvrés, des retraités et des démobilisés dans la production agricole en vue de leur auto-prise en charge.

Dans ce cadre, la stratégie du gouvernement prévoyait d’étendre l’expérience de relance de la production agricole dans l’hinterland du Grand Katanga à travers des grands blocs de champs mécanisés réalisés avec l’implication des privés et l’allocation d’un appui budgétaire important des gouvernements provinciaux.

La stratégie consiste également à intensifier la production du maïs, notamment à Mweka, Kabinda et Ngandanjika (Kasaï), au Sud-Ubangi et Businga (Équateur)… Le gouvernement a également prévu de mobiliser et encadrer des planteurs dans les champs en couloirs pour la production du riz (Maniema), dans la Mongala, la Tshopo et au Sankuru ainsi que dans la vallée de la Ruzizi au Sud-Kivu.

D’intensifier aussi la production du manioc (Province Orientale, Équateur, Maniema, Kongo-Central et Bandundu) par la disponibilisation du matériel végétal amélioré couplée au processus de transformation, la production des pommes de terre et haricots (Nord-Kivu).

En ce qui concerne le renforcement du programme de mécanisation agricole, le programme prévoyait l’acquisition annuelle de 1000 tracteurs avec accessoires et pièces de rechange, ainsi que des paires de bœufs pour la traction animale ; créer des brigades agricoles mécanisées dans toutes les provinces, avec objectif judicieux d’exploitation de 100 ha en moyenne par tracteur/campagne ; développer les cultures industrielles par la relance de 1 790 exploitations agroindustrielles existantes et/ou abandonnées, sensibiliser les privés à la création de nouvelles unités et au développement des petites et moyennes exploitations paysannes.

À cet effet, le programme se penche plus particulièrement sur la relance de la culture du café (Province Orientale, Nord-Kivu et Équateur), la reprise de l’exploitation de l’hévéa (Équateur et Province Orientale), celle du sucre à Kiliba (Sud-Kivu) et Lotokila (Province Orientale) ;  la restructuration et l’appui au Service national (SN) et à la Réserve stratégique générale (RSG) avec des équipements agricoles et intrants, pour la réalisation de grands centres de production agricole intensive à travers le pays ; la mise en place, au niveau de chaque province, d’un programme spécial pour la réhabilitation et l’entretien d’au moins 50 km de pistes rurales dans chaque territoire…

Manque de pragmatisme

Si ce programme ambitieux est difficilement réalisable en l’espace d’un quinquennat, au moins il peut s’inscrire dans la durée. Jadis florissant, avec une production plus réduite, le secteur agricole est aujourd’hui totalement paralysé. Plus de 70 % de la population vit en insécurité alimentaire et les importations de denrées alimentaires (produits de première nécessité) augmentent tandis que les exportations de produits de rente baissent. La production agricole s’est en effet réduite, depuis quelques années, à des activités de subsistance malgré des conditions naturelles favorables (environ 97 % des terres arables bénéficient d’une saison culturale de plus de huit mois dans l’année. De plus, 34 % du territoire national sont de terres agricoles, dont 10 % seulement sont mis en valeur). Partiellement lié à la faiblesse de la productivité, ce problème relève de l’accès au marché, l’évacuation des produits, la conservation, la perte de main-d’œuvre agricole (à la suite des conflits et aux maladies endémiques) et des semences de qualité…