SELON le Consortium pour les infrastructures en Afrique (ICA), c’est le secteur de l’énergie qui a attiré le plus des investissements d’une valeur de 43,8 milliards de dollars. Soit une marge de progression (historique) de 67 % comparé à la moyenne de la période de 2015-2017. L’énergie est suivie par les technologies de l’information et de la communication (TIC) qui ont drainé 7,1 milliards de dollars d’investissements en 2018, provenant principalement du secteur privé. Par contre, l’eau et l’assainissement n’ont pas attiré d’importants investissements. Entre 2016 et 2018, ce secteur n’a mobilisé que 13 milliards de dollars en moyenne, pour des besoins annuels estimés entre 56 et 66 milliards de dollars.
La problématique des infrastructures en Afrique préoccupe les institutions financières internationales. À la Banque africaine de développement (BAD), par exemple, les experts soulignent qu’il faut entre 130 et 170 milliards de dollars annuels d’investissements par an, si le continent africain veut réellement combler son déficit, et envisager avec sérénité l’atteinte des objectifs de l’Agenda 2063 de l’Union africaine (UA). Le Plan de mise en œuvre de l’Agenda 2063 est la vision de long terme de l’UA et le cadre stratégique pour la transformation socio-économique du continent.
Le Rapport annuel 2017 du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) donne un aperçu des domaines d’impact stratégique: la création de richesse, la prospérité partagée, les capacités de transformation et l’environnement durable. L’année 2017 annonce le plan de développement à moyen terme (2018-2023), aligné sur le Plan de mise en œuvre des dix premières années de l’Agenda 2063.
Une contrainte aux affaires
Les effets d’une amélioration supplémentaire des infrastructures africaines sur la croissance pourraient être encore plus importants. En effet, des simulations suggèrent que si tous les pays africains rattrapaient l’Île Maurice (le leader régional en matière d’infrastructures), la croissance par habitant dans la région pourrait augmenter de 2,2 points de pourcentage. Rattraper la République de Corée l’augmenterait de 2,6 points de pourcentage par an. En Côte d’Ivoire, en République démocratique du Congo et au Sénégal, les effets seraient encore plus importants.
Dans la plupart des pays africains, en particulier les pays à faible revenu, les infrastructures apparaissent comme la principale contrainte imposée aux affaires, faisant baisser la productivité des entreprises d’environ 40 %. Très souvent, les effets négatifs de l’insuffisance des infrastructures sont au moins aussi pénalisants que ceux de la criminalité, la bureaucratie, la corruption et les contraintes des marchés financiers.
Le retard de l’Afrique subsaharienne est très important pour ses pays à revenu faible ou revenu intermédiaire. Les différences sont considérables au niveau des routes revêtues, des lignes téléphoniques et de la production d’énergie. Dans ces trois domaines, l’Afrique a développé son parc d’infrastructures beaucoup plus lentement que d’autres régions en développement.
Et si rien ne change, l’écart va continuer à se creuser. L’Afrique a débuté avec un parc qui n’était généralement pas très différent de ceux de l’Asie du Sud et de l’Est des années 1960 pour les routes, des années 1970 pour le téléphone et des années 1980 pour l’énergie.
La comparaison avec l’Asie du Sud, dont le revenu par habitant est similaire à celui de l’Afrique, est particulièrement frappante. En 1970, l’Afrique subsaharienne disposait d’une capacité de production d’électricité par million d’habitants presque trois fois supérieure à celle de l’Asie du Sud. En 2000, celle-ci avait laissé l’Afrique loin derrière elle, avec une capacité de production d’électricité par million d’habitants près de deux fois supérieure. Toujours en 1970, l’Afrique subsaharienne avait une densité de lignes téléphoniques. Depuis 1990, la fourniture des services aux ménages s’est à peine améliorée.
Il est donc peu probable que l’Afrique atteigne les ODD relatifs à l’eau et à l’assainissement. Non seulement les réseaux d’infrastructures d’Afrique sont déficients, mais le prix des services fournis est très élevé par rapport aux normes mondiales.
Que ce soit pour l’énergie, l’eau, le transport routier, la téléphonie mobile ou les services Internet, les tarifs africains sont plusieurs fois supérieurs à ceux pratiqués dans les autres parties du monde en développement. L’explication de ces prix plus élevés réside parfois dans des coûts réellement supérieurs et d’autres fois dans des profits élevés. Ces deux cas relèvent, bien évidemment, de politiques radicalement différentes.
L’énergie constitue l’exemple le plus flagrant d’une infrastructure présentant des coûts réellement plus élevés en Afrique qu’ailleurs. Beaucoup de petits pays ont des systèmes énergétiques nationaux inférieurs à 500 mégawatts, et ils dépendent donc souvent d’une petite production au diesel. Grosso modo, la satisfaction des besoins d’infrastructure de l’Afrique exige un important programme d’investissement dans l’infrastructure et l’entretien : mettre en place une capacité de production supplémentaire de 7 000 mégawatts par an (dont environ la moitié à travers des systèmes de stockage de l’eau à usages multiples), rendre possible la vente d’électricité au niveau régional grâce à l’installation de lignes de transport transfrontalières de 22 000 mégawatts.
Il faut aussi achever le réseau interrégional principal de communication par fibre optique et la boucle du câble sous-marin autour du continent. Relier les capitales, ports, points de passages des frontières ainsi que les villes secondaires par un réseau routier de bonne qualité. Fournir un accès routier en toutes saisons aux terres agricoles à haute valeur de l’Afrique.