80 réformes en vue pour améliorer le climat des affaires

Le Conseil des ministres a adopté le vendredi 5 juin une feuille de route pour l’amélioration de l’environnement des affaires et une matrice des priorités et actions urgentes, présentées et défendues par la vice-1ER Ministre, ministre du Plan.

DANS les détails, il s’agit de 13 réformes à court terme, 25 réformes à moyen terme et 42 réformes sur l’environnement général des affaires en République démocratique du Congo. La feuille de route en question présente un tableau matriciel indiquant clairement les réformes et leurs impacts, les actions à engager et les responsabilités, les parties prenantes, les actes juridiques à prendre, l’échéance prévisionnelle ainsi que l’état d’avancement. De l’avis d’Elysée Munembwe Tamukumwe, la vice-1ER Ministre, ministre du Plan, cette feuille de route est indispensable à l’assainissement du climat des affaires, à la promotion de l’emploi ainsi qu’à la création de richesses. 

Une table ronde

En septembre 2019, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, avait tenu, à l’ouverture du 5è forum économique de Sultani Makutano à Pullman Hotel Kinshasa, un discours jugé « responsable » par les chefs d’entreprise, qui espèrent que plus rien ne sera désormais comme avant. Dans certains milieux d’affaires à Kinshasa, on a réagi « très positivement » au propos « mesuré et responsable » du chef de l’État sur les « tracasseries de tous ordres » dont les entreprises sont la cible par les agents des services publics. 

En effet, en tant que de chambre de commerce et syndicat patronal, ayant pour mission de promouvoir les activités économiques et de défendre les intérêts de ses membres, en conformité avec les lois et règlements du pays, la Fédération des entreprises du Congo (FEC) dénonce régulièrement les tracasseries dont sont l’objet les entreprises de la part des agents des services de l’État. Et pour un climat des affaires véritablement assaini, le chef de l’État a donné des orientations nouvelles. D’abord, il avait promis en septembre dernier une série de mesures pour mettre fin aux tracasseries dont se plaignent les chefs d’entreprise et les investisseurs en RDC. 

« L’entrepreneur, le créateur de richesses, doit cesser d’être perçu comme un gibier ! C’est notre premier partenaire pour le développement. Je voudrai rassurer le monde des affaires que j’ai commencé à prendre un train de mesures pour éviter les tracasseries de tous ordres dont les entreprises font l’objet de la part de certains services de l’État. Je veillerai personnellement à ce que toutes les convocations intempestives dont font l’objet les opérateurs économiques puissent cesser et que, seules, celles qui sont légales et régulières soient autorisées (…) », avait déclaré Félix Antoine Tshisekedi, chaleureusement applaudi.

Le chef de l’État a également annoncé la convocation très prochaine d’une table ronde sur le climat des affaires en RDC. Et il lui a assigné un objectif : écouter les opérateurs économiques, prendre en compte toutes leurs doléances et surtout mettre en place un mécanisme de suivi pour un environnement propice du climat des affaires. Face à un cadre macroéconomique « peu propice au développement de l’activité des opérateurs-investisseurs » et à un appareil d’État qui « ne joue pas le rôle de soutien du secteur privé », y aurait-il des raisons d’espérer ? 

L’incertitude politique des années 2016-2018 n’a pas été propice aux investissements dans tous les secteurs d’activité économique. Les opérateurs craignant le risque politique élevé ont préféré attendre le dénouement du processus électoral dans une position de retrait. Les élections se sont déroulées de la façon que tout le monde sait. Est-ce pour autant suffisant pour dire que les perspectives sont désormais claires pour les années à venir ? 

Les points faibles

Depuis que des réformes ont été engagées par le gouvernement pour attirer des investisseurs, des progrès ont été enregistrés dans le cadre de l’amélioration du climat des affaires. Mais les différents rapports Doing Business, réalisés tous les ans par la Banque mondiale, mettent en évidence les carences du cadre réglementaire des entreprises en RDC. L’environnement des affaires, c’est l’ensemble des conditions politiques, légales, institutionnelles et réglementaires qui régissent les activités des entreprises. 

Réformer l’environnement des affaires est depuis quelques années une priorité pour les États qui aspirent à l’émergence du fait de son influence significative sur le développement du secteur privé, sur la croissance économique et la création d’emplois et de moyens de subsistance. La RDC continue d’adopter des réformes favorables au secteur privé. Par exemple, les réformes mettent l’accent sur la facilitation de la création d’entreprise et la réduction des coûts d’importation et d’exportation. Mais il reste beaucoup à faire. Les entreprises se heurtent encore à des contraintes réglementaires et administratives plus lourdes que dans les autres pays du monde. Les droits de propriété et ceux des investisseurs sont moins bien protégés qu’ailleurs. 

Parmi les réformes à faire, il faut premièrement consolider l’État de droit. Les investisseurs nationaux et étrangers font de la bonne gouvernance judiciaire un axe central des réformes qu’ils souhaitent voir d’abord mises en œuvre. En effet, ils considèrent que la justice a une fonction de régulation économique essentielle et constitue, de ce fait, un vecteur capital de développement économique et social. Or la justice est le parent pauvre des trois pouvoirs constitutionnels sur lesquels reposent l’État et la démocratie en Afrique. Dans la plupart des pays africains, notamment en RDC, la justice se caractérise par un manque de moyens criant, souvent source de dysfonctionnements importants. Le nombre réduit de cours et tribunaux et une corruption omniprésente rendent l’accès à la justice problématique pour les PME qui constituent de loin la majorité des entreprises nationales. 

Les entreprises ont peu de confiance dans le système judiciaire, contrairement à la Chine ou l’Afrique du Sud. Des initiatives ont été prises pour restaurer la confiance et la crédibilité de la justice, notamment l’adhésion au Traité de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA). La corruption, l’accaparement des richesses par la classe politique au pouvoir ainsi que les différents systèmes mis au point par des sociétés transnationales pour rapatrier des fonds sont une des caractéristiques des sociétés congolaises et l’un des freins majeurs au développement des PME. 

Phénomène multiforme, la corruption est un problème critique pour de nombreuses entreprises. Les unes considèrent que la corruption constitue un facteur de blocage pour leur croissance tandis que d’autres pensent le contraire. Pour la majorité des entreprises, les processus d’attribution des marchés restent encore trop peu transparents et sont un terrain propice pour le développement de pratiques de corruption et de trafic d’influences en RDC. La lutte contre la corruption est un combat difficile à mener étant donné les habitudes et les liens qui se sont progressivement tissés entre administrations publiques et entreprises privées. 

Par ailleurs, l’accès aux ressources financières constitue une contrainte forte pour la majorité des entreprises et notamment pour les PME. Pour les grandes entreprises et les entreprises à capitaux étrangers le problème se pose avec moins d’acuité, quand bien même il existerait… Le coût du crédit, quand il existe, est considéré par la majorité des entrepreneurs comme prohibitif. Comparées aux entreprises des pays émergents, les entreprises congolaises sont dans une situation défavorable. Elles ont moins accès aux crédits et aux comptes à découvert, utilisent plus de fonds propres et de bénéfices non redistribués pour financer l’investissement et les coûts de fonctionnement, paient des taux d’intérêt plus élevés qu’ailleurs et sont obligées d’engager des biens d’un montant excessivement élevé en nantissement des emprunts qu’elles contractent. En plus, le marché financier fait également l’objet d’une défaillance importante dont les PME/PMI sont les premières victimes.