Alors que les enfants retrouvent le chemin de l’école, le sommet des Objectifs de développement durable s’est ouvert vendredi 25 septembre à New York, pour fixer de nouveaux objectifs universels, notamment en matière d’éducation : quinze ans après le Sommet de Dakar et le lancement des Objectifs du millénaire.
Les progrès considérables accomplis ces quinze dernières années nous montrent que les efforts n’ont pas été vains. Il faut poursuivre dans cette voie. À la rentrée 2015, en Afrique francophone, huit enfants sur dix auront la chance d’aller à l’école. Ils n’étaient que cinq en 1990, et 60 % d’entre eux auront acquis ou seront en train d’acquérir les compétences essentielles à l’issue du CM2.
Certes, des défis majeurs subsistent et les gains en termes de qualité ne sont pas à la hauteur des avancées dans l’accès à l’éducation. Cependant, pour cent enfants, soixante-dix auront achevé une scolarisation primaire leur permettant d’être alphabétisé et de construire un avenir meilleur. Leur pourcentage a doublé en vingt-cinq ans. Ces résultats représentent un progrès majeur à l’échelle d’une population, d’une génération. Nous devons continuer à investir massivement dans l’éducation en Afrique.
Il est admis que tous les pays, quelles que soient les régions et les époques, déclenchent un cycle de réduction de la pauvreté et de développement à partir du moment où ils ont scolarisé au primaire toute leur population. Que ce soit au début du XXe siècle en France ou aux États-Unis, ou au tournant des années 1990 en Asie du Sud, l’atteinte du niveau seuil primaire est corrélée au décollage de la croissance et du développement.
Pour changer la société
L’éducation change la société dans son ensemble. Les effets sont connus et multiples, en termes de bien-être individuel et collectif, de revenus, de santé maternelle et infantile, de transition démographique, de réduction des inégalités. L’impact majeur est également démontré en termes de cohésion sociale. Chaque année d’étude augmente de 2,4 points la probabilité de faire confiance aux autres et de 2,8 points la probabilité de participation civique (Huang et al, 2009).
Les recherches d’Evans et Rose (2007) ont montré que la population adulte ayant suivi des études primaires a 1,5 fois plus de chances de soutenir la démocratie que si elle n’a pas été scolarisée, cette probabilité étant 2 fois plus élevée si elle a suivi des études secondaires. Dans une population ayant un ratio de 38 % de jeunes, le risque de conflit est réduit de moitié si on passe de 30 % à 60 % de jeunes au secondaire – l’effet étant plus important pour les garçons, d’après les travaux de Barakat et Urdal (2009).
L’Afrique est désormais proche du point de basculement qu’ont franchi les autres régions du monde et le continent pourrait bientôt profiter pleinement des bénéfices de ses efforts d’éducation. Le niveau moyen de scolarisation est en progression continue et rapide depuis vingt ans et pour les quinze ans à venir. Les pays investissent déjà massivement dans ce domaine, qui représente près de 20 % de leurs dépenses publiques mais leurs marges de manœuvre demeurent limitées en raison d’un potentiel fiscal très réduit et des améliorations pour un meilleur usage des fonds publics qui doivent être trouvées.
Il est crucial pour la communauté internationale d’accompagner cette entrée du continent dans un cercle vertueux. Pourtant, alors que l’Afrique n’a jamais été aussi près du but, l’aide internationale se détourne du secteur de l’éducation : sa part a chuté et l’aide apportée à l’éducation a absorbé à elle seule 65 % de la baisse du volume total d’APD en 2012. C’est une erreur qu’il nous faut corriger au plus vite.
La coopération française a occupé une place centrale dans l’aide en faveur de l’éducation et contribué aux progrès réalisés depuis quinze ans. Sa valeur ajoutée est reconnue, attendue et recherchée, en particulier par nos partenaires dans l’espace francophone. La France était parmi les membres fondateurs du Partenariat mondial pour l’éducation qui a joué un rôle déterminant pour accompagner la définition et la mise en œuvre de politiques publiques d’éducation rénovées. Sur le plan bilatéral, l’Agence française de développement (AFD, partenaire du Monde Afrique) a investi plus d’un milliard d’euros en faveur du secteur de l’éducation en Afrique francophone à travers un dialogue continu, des programmes alignés sur les politiques nationales et coordonnés avec les autres bailleurs, à travers des initiatives clés en faveur de la qualité, avec la formation des enseignants, l’usage des langues nationales, les systèmes d’évaluation des élèves…
C’est le moment pour nous d’aller jusqu’au bout. La feuille de route universelle qui sera définie à New York en faveur d’une « éducation pour tous, de qualité, tout au long de la vie », est un objectif que nous devons soutenir. C’est notre responsabilité et c’est aussi dans notre intérêt. Concrètement, les besoins sont financiers et techniques. Leur mise en œuvre passe par des programmes bilatéraux ou à travers des instances internationales, le PME en particulier.
L’éducation est l’une des clés pour bâtir un monde plus équitable, plus responsable, plus sûr. Face aux défis géopolitiques actuels, la France doit continuer à tenir son rang pour soutenir cette priorité.