Régulièrement, des ONG fustigent la gouvernance du secteur minier en République démocratique du Congo. Elles constatent que « le boom minier » ne profite pas au Trésor public et, par ricochet, à la population. Ainsi, dans un rapport publié en mai, elles reprochaient à l’État congolais de ne pas contrôler suffisamment les investissements dans le secteur minier laissé à la merci des investisseurs qui le gèrent selon leur bon vouloir. Les rédacteurs du rapport affirmaient tirer ces conclusions d’un audit commandité par le gouvernement en 2012 sur la gestion des entreprises minières Tenke Fungurume Mining (TFM) et Kamoto Copper Company (KCC).
D’après le rapport, seuls les minings gèrent les investissements pendant que le gouvernement se fie à leurs déclarations et n’a jamais initié un audit sur deux autres sociétés. En cause : la tenue de la comptabilité en dehors du pays, alors que la loi minière enjoint les entreprises du secteur le faire sur place. Le rapport indiquait également que le rapatriement des 40 % des recettes d’exportation des entreprises minières tel que prévu dans le code minier n’est pas effectué. De même, tous les paiements importants des sous-traitants qui sont effectués à l’étranger par les maisons mères (des deux entreprises auditées), échappent au fisc. La conséquence de toutes ces pratiques est la perte de capitaux pour le pays qui connaît pourtant une hausse de la production minière.
Fausses déclarations
En 2013, celle-ci avait atteint près d’un million de tonnes de cuivre, près de 100 000 tonnes de cobalt et plus de 5 tonnes d’or industriel.Pour tirer profit de cette production, il faut gérer correctement le secteur minier dont beaucoup de paramètres semblent échapper au gouvernement, à moins que cela se fasse avec la bénédiction de certaines personnes qui y trouvent leur compte, écrivaient les ONG, pointant du doigt KCC du groupe KML, contrôlé par Glencore. D’après elles, malgré une forte croissance, l’entreprise affiche systématiquement des résultats déficitaires depuis 2008 et ses fonds propres (négatifs) se sont presque élevés à 2 milliards de dollars. Selon ses accusateurs, dans une telle situation, l’entreprise aurait dû être dissoute ou recapitalisée.
En fait, les fortes pertes s’expliquent principalement par d’importants paiements d’intérêts à cinq sociétés mères, toutes enregistrées dans des paradis fiscaux et auprès desquelles KCC s’endette de plus en plus. Lorsque l’on regarde les résultats consolidés du groupe KML, on voit pourtant que ses opérations minières en RDC sont quasiment rentables depuis 2010. Pour l’État, KCC affiche des pertes systématiques, alors que pour les investisseurs, le groupe KML fait d’importants bénéfices. Cette pratique n’est pas illégale en soi, mais elle permet à KCC d’éviter de payer l’impôt sur le bénéfice (30 %) et de verser des dividendes à l’État, détenteur de 25 % des actions de KCC. Depuis 2009, on estime que la société aurait dû payer au gouvernement 153,7 millions de dollars de plus, au regard de ses résultats.
D’autres observateurs relèvent le refus de versement de la redevance minière au titre de la rétrocession. Ainsi, la Société minière Kibali Gold Mines était pointée du doigt. Elle devait à l’ex-Province Orientale plus de 2 millions de dollars dans le cadre de ladite redevance, conformément au code minier. Lequel prévoit, en effet, une rétrocession de 40 % à verser à la province productrice dont 15 % pour la zone d’exploitation.
Normes environnementales bafouées
Autre grief récurrent : la pollution des zones d’exploitation. En 2012, les effluents de l’usine hydro-métallurgique de KCC étaient rejetés, sans aucun traitement, dans la rivière Luilu. Les concentrations de cuivre dans l’eau ont été six fois plus élevées que les limites fixées par le code. Pour le cobalt, les résultats étaient cinquante-trois fois supérieurs au seuil de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Résultat : les poissons ont disparu de la rivière Luilu et les berges ressemblent à de la terre brûlée. Les personnes qui habitent en aval de la mine ne peuvent utiliser l’eau de la rivière, ni pour leurs besoins quotidiens, encore moins pour irriguer leurs champs.