La Fédération des entreprises du Congo (FEC) a dévoilé ses intentions pour cette année. La priorité est accordée à l’agriculture et à l’industrie, mais aussi à la sécurité juridique des investisseurs afin de promouvoir la diversification de l’économie et pérenniser sa résilience.
Même décor, mêmes acteurs et même rhétorique. Cela est devenu une coutume à la Fédération des entreprises du Congo (FEC) de présenter, en début d’année, les vœux du secteur privé à la nation et aux partenaires. Plus qu’un simple exercice protocolaire, la cérémonie est devenue, depuis un certain temps, solennelle pour dévoiler le programme annuel de la FEC. Cette année, son président, Albert Yuma, s’est soumis à l’exercice, le 21 janvier. C’était l’occasion, pour lui, de passer en revue la situation économique générale en 2015 et de se projeter dans l’avenir. Face à un parterre d’invités, Albert Yuma a attiré l’attention sur un fait : l’année 2016 est une année électorale. C’est une année politiquement chargée, d’où la nécessité de la paix et la stabilité, gage de développement des affaires dans le pays.
Feuille de route
Le programme 2016 de la FEC se résume à quelque quatre exigences formulées sous forme de recommandations au gouvernement. Premièrement, le patronat invite instamment le gouvernement à faire davantage preuve de bonne gouvernance économique. Il lui demande notamment de prendre des mesures urgentes pour booster les secteurs de l’agriculture et de l’industrie. Deuxièmement, la convocation urgente d’une concertation entre le gouvernement central et les entités territoriales décentralisées. Troisièmement, l’amélioration de la résilience de l’économie nationale par la diversification des secteurs économiques. Quatrièmement, l’amélioration de la sécurité juridique et judiciaire pour les investissements. Ces recommandations s’appuient sur l’analyse de la situation socio-économique du pays en 2015. La FEC a constaté que l’économie congolaise demeure fragile car principalement tributaire du secteur minier. D’où la nécessité de la diversification. À ce propos, Albert Yuma s’est réjoui de la libéralisation du secteur des assurances qui deviendra effective en mars. La FEC voit dans ce secteur un créneau susceptible d’attirer davantage d’investissements dans l’avenir. Mais la libéralisation ne va pas sans garanties juridiques. Sur ce plan, la FEC note des avancées législatives favorables aux opérateurs économiques. Néanmoins, beaucoup reste à faire, en pratique, pour garantir la sécurité juridique des investisseurs. Le patronat entend poursuivre la concertation avec le gouvernement pour parvenir à des solutions qui satisfassent toutes les parties. De même, il s’engage à améliorer la coopération avec ses partenaires extérieurs, surtout avec le Bureau international du travail (BIT) et la Banque africaine de développement (BAD) dont les contacts en cours sont jugés fructueux.
Par ailleurs, la FEC a favorablement accueilli la mise en œuvre de la décentralisation administrative. Cependant, la décentralisation territoriale ne va pas sans causer de tort aux entreprises, qui sont confrontées au conflit de compétence entre les anciennes et les nouvelles provinces. Le problème se pose notamment au niveau de la répartition des impôts, droits et taxes relevant des provinces et des entités territoriales décentralisées. C’est ainsi que la FEC en appelle urgemment à une action concertée entre le gouvernement et les entités décentralisées. Albert Yuma en fait une exigence si l’on veut parvenir à mieux organiser les services chargés de la collecte des impôts, taxes et redevances à tous les niveaux. En effet, le désordre engendré par cette situation donne libre cours aux tracasseries dans les provinces nouvellement créées. Au cours de 2015, les entreprises se sont plaintes de la modification intempestive des lois fiscales à travers les lois budgétaires. D’après, Yuma, le rôle de la FEC n’est pas de s’opposer systématiquement aux actions et décisions du gouvernement, mais d’être un partenaire privilégié afin de consolider les acquis de la stabilité du cadre macroéconomique à travers une diversification accrue des activités économiques.
Chocs exogènes
L’économie congolaise a subi le contrecoup de la crise financière internationale en 2015. La situation économique est restée fragile et déséquilibrée, comme en atteste l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Le rythme de production a connu un recul de 1,1 % en 2015, soit de 4 % en 2014 à 2,9 %. Le renforcement de la croissance mondiale se fait aussi attendre. D’après le président de la FEC, cette mauvaise performance, observée depuis 2009, serait due principalement, cette année, au ralentissement des économies émergentes, à la faiblesse des échanges internationaux ainsi qu’aux incertitudes relatives à la production potentielle. À cela s’ajoutent les tensions géopolitiques et sécuritaires qui se sont amplifiées. La conséquence sur la situation macroéconomique du pays est la chute continue des cours mondiaux des produits de l’industrie extractive, dont dépend principalement l’économie nationale. Albert Yuma a également épinglé les spéculations politiques liées à l’approche des échéances électorales, l’insécurité encore observée dans certaines parties du pays, l’insuffisance de l’offre d’énergie électrique, la prolifération des taxes et la dégradation des infrastructures de communication qui ont contribué à l’aggravation des difficultés économiques et sociales de la population.
Indicateurs en berne
Par ailleurs, a-t-il indiqué, l’année 2015 aura été une année au cours de laquelle tous les indicateurs sont restés en berne sur le plan conjoncturel. Par exemple, l’indice de la production du cuivre a enregistré une baisse de 1,2 % au troisième trimestre de 2015 par rapport au deuxième trimestre, tandis que l’indice de la production de cobalt a enregistré une hausse de 7,9 % au cours de cette même période. Seule la production de pétrole n’a pas fléchi pendant la période sous revue, elle a plutôt enregistré une hausse par rapport au trimestre précédent.
Cependant, les enquêtes de la Banque centrale montrent que cette évolution a été attestée par une baisse sensible du moral des chefs d’entreprise. La conjoncture économique internationale a eu un impact sur l’économie nationale et les recettes fiscales qui en découlent. Albert Yuma a par ailleurs fustigé la pratique de modification récurrente, depuis 2014, des lois fiscales à travers la loi budgétaire au Parlement. D’après lui, cette façon d’agir est inconstitutionnelle. Il a dénoncé la gestion du pays avec une vue à court terme. Autrement dit, sans investissements, il n’y aura pas d’emplois ni de revenus. Ce qui expose à des crises sociales. La FEC propose, comme solution, l’élargissement de l’assiette de contribuables et la canalisation de toutes les recettes de l’État dans ses comptes.