La compagnie Banro Corporation qui exploite les mines d’or de Namoya dans la province du Maniema et Twangiza dans la province du Sud-Kivu, a publié la semaine dernière ses états financiers, conformément au principe Publiez ce que vous produisez. Pour l’exercice 2016, les revenus financiers de la compagnie en République démocratique du Congo sont évalués à 228 millions de dollars, soit une hausse de 46 % par rapport à l’exercice 2015. Il s’agit d’un chiffre record, selon les responsables de la société. Dans le bilan financier annuel qui a été publié, le bénéfice brut d’exploitation est de 22 millions de dollars et le bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement est de 62 millions de dollars.
Bonne dynamique
Sur le plan opérationnel, Banro Corporation a produit, en 2016, un total de 197 691 onces d’or. La mine de Twangiza a produit 104 438 onces, tandis que la mine de Namoya 93 253 onces. Banro a vendu l’année dernière 191 966 onces d’or au prix moyen de 1 190 dollars/oz. Pour le CEO (Chef executive office), John Clarke, la dynamique est bonne, pourvu qu’elle dure. « Avec l’appui de nos partenaires, nous espérons continuer à améliorer les performances des deux mines, Twangiza et Namoya. », a commenté John Clarke. Banro Corporation espère détenir, à long terme, sur la ceinture aurifère du Sud-Kivu et du Maniema, quatre mines en production : Twangiza, Namoya, Lugushwa et Kamituga.
La multinationale canadienne est la seule compagnie minière actuellement en service dans le Grand Kivu. Une centaine de compagnies aurifères détiennent des titres ou permis d’exploitation dans cette partie du pays. Banro s’est d’abord lancée dans la prospection ou l’exploration. La crise ayant rendu difficile la vente des concessions, Banro a décidé de lancer dans l’exploitation, après avoir obtenu quatre contrats distincts pour les quatre sites miniers. En 1996, dans un contexte de guerre menée par l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) sous la houlette de Laurent-Désiré Kabila, Banro a racheté la concession de la Société minière et industrielle du Kivu (SOMINKI), une société mixte belgo-congolaise créée en 1976. Quand les accords de paix sont signés en 2002 avec les rébellions, le gouvernement a négocié un arrangement à l’amiable avec l’entreprise, qui réclamait 1 milliard de dollars de dommages et intérêts à la RDC devant une cour internationale d’arbitrage. Finalement, Banro possède actuellement quatre permis d’exploitation sur les concessions de Twangiza, Namoya, Lugushwa et Kamituga.
Soigner l’image
La société a commencé ses activités en 2003 et la production d’or seulement en 2011 sur la mine à ciel ouvert de Twangiza. Banro y a installé une usine, la durée de vie du gisement est estimée à 25 ans. La convention signée entre la compagnie et le gouvernement est antérieure au code minier et ne s’applique donc pas à cette convention. La société civile réclame depuis plusieurs années la révision de ce code minier.
Comme la plupart des industries extractives dans le pays, Banro n’est pas à l’abri des critiques venant notamment de la société civile du Kivu. Des ONG ont, par exemple, dénoncé que le million de dollars versé par la compagnie contre l’exonération fiscale totale sur les quatre concessions s’apparentait à une « spoliation », c’est-à-dire une privation des 40 % de rétrocession fiscale prévue par la législation vers les provinces. La société civile revient souvent sur les « conflits d’intérêt » et le « trafic d’influence » entre les représentants de la communauté locale soupçonnés de « s’enrichir personnellement » et accusés de « népotisme ». Mais avec le temps, Banro soigne son image auprès des communautés locales et de la société civile. Par exemple, sur le plan de la responsabilité sociale, Banro a crée une fondation dont la mission est de « favoriser le développement social et économique local ». Dans sa politique de recrutement, Banro privilégie la main-d’œuvre locale. Une bonne partie des milliers des travailleurs vient directement de la communauté locale. Mais, expliquent les responsables de Banro, il se pose un problème de qualification. Par exemple, sur les quelques milliers de creuseurs artisanaux recensés sur le site, Banro a formé des centaines à des postes peu qualifiés, recrutés pour une durée déterminée. Par ailleurs, la société a prévu dans son programme la création de petites et moyennes entreprises (PME) locales, via l’octroi des micros-crédits, pourvu qu’elles embauchent une partie du personnel de Banro arrivés à fin contrat.
En 2012, la compagnie semblait être prête à tolérer un nombre limité de creuseurs artisanaux sur sa concession, à condition qu’ils respectent certaines règles, jusqu’à l’exploitation industrielle au même endroit. La société civile discute également sur la possibilité de donner l’accès aux entrepreneurs locaux aux marchés publics de Banro avec des critères de compétitivité et d’approvisionnement souples.
Un projet de monitoring de la compagnie était à l’étude à la demande du Carter Center avec le financement de MIRECA II. Les aspects communautaires, juridiques et environnementaux sont respectivement suivis par OGP, APRODEPED et BEST, trois ONG du Sud-Kivu. Banro dénonce que des ONG locales tirent les ficelles pour monter la communauté locale contre la compagnie.