Enfer ou ciel, le Raïs tient à franchir le Rubicon

La révision du code minier en vigueur depuis 2002 était une impérieuse nécessité depuis plusieurs années. Dans son message à la nation, le 5 avril, le président de la République a donné même une orientation au Parlement sur un ton ferme.

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Cette fois sera-t-elle la bonne… avec l’implication personnelle du chef de l’État ? Le Parlement a, il y a deux ans, cédé aux pressions de la Fédération des entreprises du Congo à travers sa section FEC/Mines, qui prophétisait une « apocalypse financière », si les deux Chambres parlementaires s’employaient à l’amendement de la « bible » des miniers. Et voilà que le président de la République a tranché. Pour Joseph Kabila qui tient ferme, en toute souveraineté pour reprendre son expression, le code minier doit être toiletté pendant la session parlementaire en cours, notamment dans ses volets relatifs aux régimes fiscal et de change…

Annoncée avec détermination par le président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, lors de son discours d’ouverture de la session de mars 2015, la révision du code minier va donc avoir lieu. Mais des experts alertent que la mouture du code révisé et déjà transmis aux deux Chambres pourrait ne pas donner satisfaction, notamment à la société civile. Bien au contraire, les recettes minières de la République démocratique du Congo, foi des experts du Centre Carter, risquent de demeurer à leur niveau actuel, de l’argent de poche, conséquence de la désinvolture de l’État sur la question du régime fiscal minier.

Les critiques du Centre Carter

Le Centre Carter aurait avisé, apprend-on, le gouvernement sur la question de la révision du code minier dans une correspondance-conseil non seulement à l’ancien 1ER Ministre, Augustin Matata Ponyo, mais aussi à Me Emery Mukundi Wafwana, consultant national, chargé du processus révision du code minier. La lettre est en effet intitulée « Réflexions du Centre Carter sur le régime fiscal du code minier ». Malgré de longues consultations tripartites (gouvernement-opérateurs miniers et société civile) sur la révision du code minier en 2013, la commission de la réforme dudit code n’a malheureusement pas pris en compte toutes les options envisageables dans sa recherche d’un compromis. « Se fondant sur un modèle erroné pour estimer le taux de rentabilité interne d’une société minière et les retombées pour l’État, elle n’a pas pris en compte certains facteurs-clés qui pourraient accroître les retombées fiscales pour la RDC sans pour autant décourager les investissements ».

Impôt sur les bénéfices et profits

La faiblesse la plus frappante du modèle économique du gouvernement est sa projection bien trop optimiste des recettes de l’impôt sur les bénéfices et profits, IBP ».

Selon le gouvernement, l’IBP représente au moins 57 % des recettes des mines grâce au  code minier dans sa version actuelle. En réalité, malgré la flambée des cours mondiaux de cuivre, en 2013, par exemple, l’IBP n’a valu que 7 % des recettes des mines contre des prévisions de 57 %.

« La faible perception d’IBP résulte d’une série de techniques comptables qui permettent à un investisseur de déclarer des pertes pour ses filiales congolaises tout en déclarant un profit dans d’autres sociétés enregistrées hors du Congo, soit au Canada, soit au Royaume-Uni, soit à un paradis fiscal comme les Îles Vierges britanniques », fait remarquer le centre Carter. D’après cette institution, il est donc crucial que le gouvernement, puis le Parlement de la RDC approuvent la disposition interdisant le « transfert des prix » contenue dans la mouture  finale du code minier révisé.

Redevance minière

L’autre fait générateur des recettes qui pose problème est la redevance minière. Lors des négociations de 2013 sur la révision du code, il a été convenu que la redevance passe de 2 à 6 %. Mais dans la mouture du code révisé, c’est le taux de 3,5 % qui est repris au motif que le gain de l’État constituerait déjà 50 % dont la moitié devrait venir de l’IBP. Ce qui ne viendra pourtant pas. Toutefois, en vue de limiter l’évasion fiscale dans les mines, les experts du centre Carter exhortent les pouvoirs publics congolais d’adapter le futur code minier amendé au code des impôts. Le code minier actuel permet clairement aux minings de minimiser leurs bénéfices en amortissant 60 % de leur investissement dès la première année. Or le code des impôts offre un régime d’amortissement dégressif qui varie selon la durée de vie attendue de l’actif. Le centre Carter propose également à la RDC de limiter la capitalisation restreinte des minings et d’ériger des barrières fiscales entre des projets miniers distincts : les grandes unités minières ont en effet tendance à enchevêtrer plusieurs projets dans un même site. Les projets miniers devraient donc être taxés séparément. Hélas, cette proposition n’a pas été prise en compte lors des négociations entre le gouvernement, les opérateurs miniers et la société sur la révision du code minier. Il totalisera 15 ans d’application le 2 juillet prochain. Au Parlement d’agir.