L’évolution de la situation économique et monétaire actuelle dans le pays montre que la Banque centrale du Congo (BCC) n’est guère en mesure de maîtriser l’inflation, en dépit d’une réactivité rapide aux chocs inflationnistes. Selon le point de vue de la plupart des analystes économiques, elle n’a pas plus d’un tour de manche pour renforcer l’efficacité de sa politique monétaire. Or c’est justement le renforcement du cadre actuel de politique monétaire qui paraît être la meilleure des voies à suivre, compte tenu du fait que le pays est vulnérable à de fréquents chocs sur les termes de l’échange.
Faire comme en 2001
Cependant, une question revient à l’analyse : comment renforcer l’efficacité de la politique monétaire ? D’aucuns pensent que cela devrait passer par le réchauffement des relations entre le gouvernement et le FMI. Ils se réfèrent à la photographie de la situation économique du pays avant l’accession de Joseph Kabila Kabange au pouvoir en janvier 2001. En 2000, la RDC se trouvait au fond du trou. Une inflation galopante à deux chiffres, des salaires impayés dans l’administration publique, un taux de change fixe (CDF/USD = 50 FC), une dette extérieure consolidée asphyxiante estimée à environ 14 milliards de dollars, rupture de coopération avec la Banque mondiale et le FMI…
La première action économique forte de Joseph Kabila a été de reprendre langue avec les institutions de Bretton Woods pour opérer des réajustements nécessaires dans la gestion économique et financière de la RDC. La coopération avec la Banque mondiale et le FMI s’est matérialisée à travers les programmes PIR (Programme intérimaire renforcé), PMURR (Programme multisectoriel d’urgence et de reconstruction), DSCRP I et II (Document stratégique de croissance et de réduction de la pauvreté).
Grâce à des réformes structurelles impopulaires mais salutaires exigées par la Banque mondiale et le FMI, la RDC a pu atteindre le point de décision, puis le point d’achèvement dans le cadre de l’initiative des pays pauvres et très endettés (IPPTE), qui a conduit à l’annulation de la quasi-totalité de la dette extérieure de la RDC.
C’est ainsi qu’après des années de conflit armé (1996-2002) et de mauvaise gestion économique, la RDC a retrouvé petit à petit une croissance soutenue et une relative stabilité macroéconomique entre 2003 et 2015. La croissance de son Produit intérieur brut (PIB) réel a été en moyenne de 6,2 %, contre une contraction annuelle moyenne de 4,5 % entre 1991 et 2002. Le taux de change nominal s’est stabilisé et a contribué à réduire l’inflation, la ramenant sous la barre des 10 %, après de nombreuses années d’inflation élevée et irrégulière, voire d’hyperinflation.
La RDC a enregistré une forte croissance économique qualifiée de « vigoureuse », de 7 % en moyenne au cours de la période 2010-2012, en dépit d’un contexte sécuritaire difficile. La production minière et les investissements y associés ont été les principaux moteurs de cette forte croissance, bien que la contribution d’autres secteurs, notamment l’agriculture ait augmenté poussant ainsi le taux de croissance du Produit intérieur brut (PIB) réel à 8,5 % en 2013. Une politique budgétaire restrictive et l’absence de choc majeur sur les prix ont contribué à réduire davantage l’inflation, qui est tombée à un niveau historique de 1 % à la fin de 2013. L’augmentation des exportations minières et le niveau soutenu des flux d’investissements étrangers ont contribué à un excédent de la balance globale des paiements.
La pauvreté reste omniprésente
Cependant, l’augmentation des réserves de change brutes en 2013 n’a pu maintenir la couverture des réserves qu’à 7,7 semaines d’importations de biens et services non liées à l’aide. Un niveau qui reste faible même si le taux de change est demeuré remarquablement stable depuis 2010. Le FMI a positivement apprécié les performances de la RDC. En dépit de cette croissance économique vigoureuse, il a attiré l’attention sur deux phénomènes : la pauvreté qui reste omniprésente et la vulnérabilité de l’économie. L’espace budgétaire limité et la pratique de compenser les chocs sur les recettes par des ajustements des dépenses n’ont pas permis de soutenir les investissements en faveur de la lutte contre la pauvreté, nécessaires pour réaliser une croissance inclusive. D’où une montée des revendications de la population pour un meilleur partage des retombées de la croissance.
Par ailleurs, les progrès des réformes structurelles ont été mitigés selon le FMI. Le gouvernement a mis en œuvre des réformes importantes visant à dédollariser l’économie, à développer les marchés financiers et à améliorer la gestion des finances publiques. La BCC a introduit avec succès de nouvelles coupures du franc (5 000 FC, 10 000 FC et 20 000 FC) et le gouvernement a généralisé le système de paiement des salaires des fonctionnaires et agents de l’État par les banques. Les réformes de la gestion des finances publiques ont progressé aussi, avec une amélioration de la chaîne de la dépense et une réduction des dépenses en attente de paiement. Par contre, les réformes structurelles visant à accroître l’indépendance de la BCC, notamment en ce qui concerne sa capitalisation, ainsi qu’à améliorer la transparence et la gouvernance des entreprises publiques du secteur minier ont accusé beaucoup de retard. La loi sur la BCC n’a été adoptée que récemment au Parlement.
Perspectives favorables
Le FMI note que les perspectives de croissance à moyen terme restent favorables. La croissance devrait s’établir à 8,7 % en 2014 et en moyenne à 7,5 % sur la période 2015-2018. Le secteur minier devrait rester le moteur principal de la croissance, notamment du fait de l’accélération de la phase d’investissement de la Sino-congolaise des mines (SICOMINES), du Projet de coopération sino-congolais… En ce qui concerne l’inflation, la projection était de 3 % en 2016, un objectif réalisable compte tenu de la faible inflation, de la possibilité de stérilisation des liquidités excessives par la BCC, et de l’absence de choc extérieur prévu sur les prix. Une baisse des cours internationaux des principaux produits miniers exportés par la RDC représente toujours le risque principal pour les perspectives économiques du pays. Or c’est ce qui est arrivé en 2016.
Le FMI a noté avec satisfaction l’évolution positive observée sur le front de la sécurité et a encouragé les autorités à en tirer avantage pour consolider les gains macroéconomiques et accélérer les réformes structurelles nécessaires pour promouvoir une croissance diversifiée, durable et plus solidaire. Pour le FMI, il est important de créer un espace budgétaire de manière à accroître les dépenses sociales prioritaires et à engager les investissements publics nécessaires pour atteindre les Objectifs du développement durable (ODD). Cet espace budgétaire devrait être créé par le biais d’une amélioration de la gestion des finances publiques, d’un effort accru de mobilisation des recettes intérieures, notamment celles qui ne sont pas tirées des ressources naturelles et un meilleur alignement du budget sur le document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP). À cet égard, le FMI appelle à améliorer l’administration fiscale, notamment en s’attaquant aux lacunes avérées de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), en maîtrisant l’assiette fiscale et en redoublant d’efforts pour accroître la contribution du secteur minier au budget.