Grâce à l’appui financier du Projet de renforcement de la redevabilité et de la gestion des finances publiques (Profit-Congo), une quarantaine de membres de la société civile ont réfléchi du 5 au 7 juin à Kinshasa sur le projet de budget 2017. C’est un exercice auquel la société civile se soumet chaque année pour apporter sa contribution à l’élaboration et à l’adoption du budget. Les participants à l’atelier ont été répartis en commissions, dont celle des recettes des ressources naturelles (mines, hydrocarbures, environnement et forêt) et de l’énergie à laquelle le journal Business & Finances a été convié pour singulièrement apporter ses réflexions sur les industries extractives.
Mines émiettées
La commission a noté que le secteur extractif a contribué au Produit intérieur brut (P IB) à hauteur de 2 784,1 milliards de francs en 2015 et 2 764,6 milliards de francs en 2016. La contribution à la croissance du PIB réel serait de 2,1 % en 2017 pour le secteur primaire, en général, et de 1,7 % pour le secteur extractif en particulier, selon le projet de loi de finances publiques présenté par le 1ER Ministre, Bruno Tshibala Nzenzhe, devant l’Assemblée nationale. D’ordinaire, la commission économique et financière (ECOFIN) de l’Assemblée nationale dispose de 30 jours pour décortiquer le projet du gouvernement. Exception a été faite cette fois-ci. Elle n’a eu que 8 jours pour rendre ses conclusions en plénière pour adoption. Ce qui a été fait le vendredi 9 juin.
C’est dans ce contexte que la société civile a fait diligence en déposant à l’ECOFIN de l’Assemblée nationale son aide-mémoire pour le budget 2017. L’apport du secteur minier dans ce budget est, en prévisions, de 40 228 997 005 FC sur les prévisions générales d’un peu plus de 11 000 milliards de FC. La société civile note une certaine hausse de l’apport des mines grâce à l’entrée en production des compagnies minières de Kambove et Luisha Mining, ainsi qu’à la reprise de la production par Katanga Cooper Company (KCC), filiale de la firme suisse Glencore. Le 1ER Ministre mise, dans son programme, sur l’accélération de la révision du code minier et l’allègement de la législation fiscale en vue de maximiser les recettes internes.
Sur le code minier en instance d’amendement à l’Assemblée nationale, on constate que Bruno Tshibala et son ministre des Mines, Martin Kabwelulu, ne sont pas en accord. En effet, ce dernier a rassuré la Fédération des entreprises du Congo (FEC) que dans tous les cas, le code révisé n’entrera en vigueur qu’à l’échéance 2027. Le code minier actuel a été adopté en 2002, dans un contexte particulier, celui de la guerre, mais les miniers soutenus par la FEC se sont opposés à l’idée de son amendement. Jusqu’à ce que le président de la République, Joseph Kabila Kabange, tape sur la table, en enjoignant au Parlement de relancer le débat sur ce chapitre. La conjoncture économique oblige.
Pour sa part, la société civile déplore la répétition dans le budget 2017 des actes générateurs sans prévisions, mais avec réalisation dans le secteur minier. À titre exemplatif, la taxe sur l’autorisation d’achat des substances minérales, autres que l’or et le diamant, n’avait pas de prévision en 2015 et 2016, mais des réalisations seulement de l’ordre de 6 448 130 FC (2015) et 5 322 928 FC (2016). Aucune assignation n’est programmée pour 2017. On peut citer encore la taxe sur l’autorisation d’achat des cassitérites : pas d’assignation de 2015-2017 alors que la production est en pleine expansion dans les escarpements de l’Est du pays. À cause de l’exploitation illicite des minerais comme la cassitérite, le coltan, le wolframite, l’or et le diamant, la société civile estime qu’il est impérieux de doter la SAESSCAM des allocations budgétaires conséquentes pour l’encadrement des miniers artisanaux et de collecter les taxes pour le compte du Trésor public et de renforcer le CEEC pour la certification du diamant et de l’or, en plus d’une lutte efficace contre la fraude.
L’État prévoit cependant de poursuivre le déploiement du Cadastre minier (CAMI) à travers une vingtaine de provinces pour quelque 2 015 500 000 FC. Pourtant, en 2016, 1 750 000 000 FC avaient été engagés pour le même projet sans jamais être matérialisé. Dans la rubrique des ressources extérieures, la Banque mondiale s’est engagée à financer le Projet d’appui au secteur des mines (Promines) pour quelque 5 840 130 656 FC en 2017, après une intervention de 1.8 milliards de FC en 2016. Le gouvernement compte, pour sa part, créer cette année le Service géologique national, avec des ressources propres, soit plus de 700 millions de FC ou 902 millions de FC, selon les documents annexes à la loi de finances publiques. Toutefois, ce fonds servira aussi à la réhabilitation des bâtiments de l’administration minière ainsi qu’à l’acquisition des véhicules.
La société civile déplore aussi certaines dépenses « complaisantes » dans le fonctionnement du ministère des Mines, telles que les indemnités kilométriques qui prennent une grande part du budget de fonctionnement, soit 204 304 455 FC. Ou encore dans la rubrique « autres prestations », soit 395 342 508 FC pour le cabinet et 287 991 994 FC pour le secrétariat général aux Mines, contrairement à d’autres ministères. Par exemple, le ministère des Hydrocarbures qui ne reçoit que 74 154 517 FC et le secrétariat général n’a même pas d’indemnités kilométriques. Autres dépenses sujettes à caution: l’entretien du matériel et d’équipements (83 118 372 FC), la réparation (94 531 624 FC)…
Par ailleurs, la société civile fustige le manque de collaboration, sinon des rapports sulfureux entre le ministère national des Mines et le ministère provincial. La province de l’Ituri réclame, par exemple, plus de 2 millions de dollars à l’entreprise Kibali Goldmines. Selon un député provincial, le ministre national avait promis de régulariser la situation afin de favoriser le développement économique et social du territoire de Watsa et partant celui de la province. Kibali Goldmines respecte pourtant ses engagements au niveau national, mais n’a pas les garanties administratives et sécuritaires qu’elle demande sur le plan local. Au bas mot, la société minière Kibali Goldmines doit à la province d’Ituri quelque 2,645 134 millions de dollars dans le cadre de la redevance minière prévue par le code minier, selon le ministre provincial des Mines. D’après lui, le code minier prévoit une rétrocession des 40 % à la province productrice, dont 15 % pour la zone d’exploitation, ici le territoire de Watsa, à 700 km de Kisangani. À en croire l’ancien ministre des Mines de l’ex-Province-Orientale, Paulin Odiane, Kibali Goldmines a produit plus ou moins 7 181 kg d’or depuis le début de son exploitation en 2013. À ce jour, cette société n’a encore rien payé à la province, malgré toutes les démarches. Le projet Kibali a produit son premier lingot d’or le 24 septembre 2013. Selon le secrétariat exécutif de l’ITIE/RDC, quelque 105 entreprises minières opèrent dans le pays.