La production réelle du pétrole continue d’échapper au gouvernement

Pour 2017, les assignations des pétroliers producteurs sont portées à 252,8 milliards de FC, contre 133,6 milliards dans la loi de finances rectificative de 2016, soit 89,2 % d’accroissement, en raison de la reprise des cours du pétrole sur le marché international.

 

La société civile, tout comme la commission économique et financière, et de contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, ne sont pas impressionnées par cette hausse. Au contraire, elles estiment que l’accroissement des recettes dans le secteur des hydrocarbures serait effectif si le gouvernement avait accès aux données réelles de la production pétrolière journalière. Faute de moyens techniques pour la contre-expertise, les services du ministère des Hydrocarbures se fient aux simples déclarations des producteurs pétroliers. La pratique remonte aux années 1970 et la production du pétrole déclarée oscille autour de 25 000 barils par jour, malgré l’augmentation du nombre des puits d’extraction. Et la production du pétrole est destinée à l’exportation du brut. L’État peine à développer sinon à lancer les autres étapes de la chaîne de valeur, notamment le raffinage et la transformation.

Pour 2017, le gouvernement compte plutôt se lancer dans l’élaboration de la cartographie des blocs d’exploration pétrolière des bassins sédimentaires avec une enveloppe de 1 milliard de FC. Les experts mettent cependant en exergue le fait qu’il entretiendrait une certaine confusion sur le nombre des actes générateurs de recettes dans le secteur des hydrocarbures. Au cours des 3 premiers mois de l’exercice 2017, le Trésor public a encaissé plus de 1.9 milliard de FC, au titre de bonus de signature initial dans le secteur pétrolier. Le projet de loi présenté par le 1ER Ministre, Bruno Tshibala n’y prévoit aucun franc. Rien n’a été non plus prévu pour le bonus de production.

Sujet tabou

Lors de l’atelier de la société civile sur l’analyse du budget 2017, le délégué d’une ONG a fait remarquer que « le pétrole est un terrain glissant. » D’après lui, un professeur expert en la matière aurait confié un jour avoir dû renoncer ouvertement à ses analyses car sa vie était en danger. En 2015, le Trésor public n’a rien perçu alors que plus de 2.3 milliards de FC avaient été prévus dans le cadre du bonus de production. En 2016, aucun franc n’a été versé par les pétroliers producteurs alors que les prévisions budgétaires étaient de l’ordre de 2.4 milliards de FC. Le gouvernement a opté pour la mention : zéro recette sur le bonus de production pour 2017. Pourtant, du temps du régime des crédits provisoires, sous Samy Badibanga, l’État a, en trois mois, réalisé près de 1.3 milliard de FC pour des assignations de 611 millions de FC, soit un taux de réalisation de 212,02 %.

Le paradoxe est que, dans ses notes explicatives sur les recettes de l’État pour l’exercice 2017, le gouvernement n’avance aucune motivation sur la non-activation des droits censés pourtant lui apporter de substantiels revenus. L’État escompte moins d’un demi-milliard de dollars pour 2017, quasiment autant qu’en 2016, alors que les cours mondiaux de l’or noir ont longtemps été en-dessous de 40 dollars le baril. Le Fonds monétaire international (FMI) annonce que les perspectives demeurent satisfaisantes pour 2017 et que le baril de pétrole se négocierait à plus de 72 dollars à fin décembre 2017. Les limiers de la société civile déplorent que la nouvelle loi sur le pétrole ne porte pas encore des effets socio-financiers escomptés.

Au mois d’août prochain, deux ans seront passés depuis que le chef de l’État, Joseph Kabila, a promulgué la loi n°15/012 du 1er  août 2015 portant régime général des hydrocarbures. Mais hélas, fait-on comprendre à la commission ECOFIN et de contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, ni la nouvelle loi sur les hydrocarbures ni le règlement d’hydrocarbures qui traite notamment de la problématique du régime fiscal ne sont d’application. Il sied toutefois de retenir que le secteur des hydrocarbures comprendra quatre zones fiscales pour ce qui est des activités de raffinage, du transport-stockage des produits pétroliers, de fourniture des produits pétroliers ou de l’importation et de commercialisation des produits pétroliers et de l’industrie pétrochimique.

Cependant, la nouvelle loi a enjoint aussi au ministre des Hydrocarbures  de rendre publique la liste de tous les contrats d’hydrocarbures en cours de validité dès le 1er septembre  2015, soit juste un mois après la promulgation par le chef de l’État de la nouvelle loi sur le pétrole, en remplacement de l’ordonnance-loi  n°81-013 du 2 avril 1981 portant législation générale sur les mines et les hydrocarbures.  Hélas, ici encore il va falloir attendre. Sur le terrain, en effet, PERENCO/RDC opère à travers 3 sociétés, à savoir Muanda International Oil Company (MIOC), qui exploite le pétrole en offshore, avec 2 entreprises partenaires, le Japonais TEIKOKU et une filiale du groupe formé par l’américain Chevron et le français TOTAL (ODS). MIOC dispose des 50 % des parts.  En on shore, PERENCO exploite le pétrole à travers deux autres entreprises : PERENCO REP, qui dispose des 55 % des parts, et LIREX qui détient 45 % d’actions dont 15 reviennent à la Congolaise des hydrocarbures (COHYDRO). Encore actionnaire unique de la COHYDRO SA(RL), l’État dispose également des 20 % des parts dans les sociétés concessionnaires off shore. Naturellement, la croissance des recettes des exportations du groupe  PERENCO ne peut que profiter à la COHYDRO, contrairement à certaines idées reçues qui, malheureusement ont fait de vieux os  au sein de l’opinion publique, dans le Kongo-Central. Depuis une dizaine d’années, la firme pétrolière se fait obligation d’affecter quelque 210 000 de dollars par an aux actions sociales dans la région de Muanda.