La polygamie en politique a valeur de signe extérieur de pouvoir chez nous. C’est la marque des « gens aisés ». La relation qu’ont les Africains en général avec le pouvoir, c’est celle de l’enrichissement personnel (sans cause). Les témoignages sont légion. De ceux qui aimaient, pourtant, leurs épouses d’un « amour exclusif », mais qui ont fini dans la polygamie, une fois arrivés au pouvoir. L’histoire politique de la République démocratique du Congo est riche en anecdotes croustillantes, qui alimentent la vie sexuelle de ceux qui nous dirigent depuis 1960, année de l’accession du pays à la souveraineté et à l’indépendance. Qu’elles soient attestées ou non, les anecdotes sur l’« appétit du sexe » chez les politiques sont révélatrices d’une chose : la femme a un rôle indéniable dans le jeu politique congolais.
Les manifestations
Sous la IIème République, tous les dignitaires du régime ont eu, tous ou presque, un « 2è bureau », et dans la plupart des cas, des femmes Tutsi rwandaises. Est-ce seulement parce qu’elles sont réputées belles ? Dans l’armée, beaucoup de jeunes officiers ont été envoyés en formation ou au front, rien que pour livrer leurs femmes en pâture aux convoitises des chefs hiérarchiques. Dans tous les cas, derrière la polygamie, analyse et dissèque Vincent Batouala, spécialiste des mentalités, il y a la convoitise, la séduction mais aussi la brouille, le mal-entendu, l’indigestion des différences. Nul anthropologue ou nul politologue ne semble avoir percé, à notre connaissance, les secrets de la libido (vie sexuelle) dans les cavernes de la politique nationale. Ce que l’on sait avec précision, souligne Vincent Batouala, c’est que la polygamie en politique se manifeste de trois manières. Premièrement, ceux qui nous dirigent ne « broutent » pas plus loin que dans la famille de leurs épouses. Deuxièmement, les femmes à leur service (collaboratrices au bureau), les amies et les servantes de leurs épouses deviennent la « proie facile ». Et troisièmement, ils entretiennent de « petites relations » occasionnelles avec les adolescentes, souvent en quête de l’argent.
Il faudra donc se contenter des témoignages pour essayer de comprendre ce phénomène, fait remarquer Batouala. Très marquant de la polygamie en politique, souligne-t-il, la Conférence nationale souveraine (1991-1992). Les délégués venus des régions (provinces) n’ont pas pu résister à la tentation. La plupart ont épousé des femmes en désordre à Kinshasa et ont eu des enfants avec elles, alors qu’ils avaient laissé des épouses et des progénitures chez eux. Ministre des Finances, le mari de M, 60 ans aujourd’hui, a fait de sa sœur ce qui lui a plu et l’a introduite dans son lit. Pour mettre un comble à sa « bêtise » et laver l’humiliation de son épouse, il a proposé de lui offrir une villa en Europe, et accepté de payer une forte amende à la famille. L’affaire a enflammé la relation entre les deux sœurs qui se détestent mutuellement jusqu’à ce jour et ne s’adressent plus la parole.
Les exemples des hommes au pouvoir qui s’unissent aux sœurs ou aux cousines et nièces de leurs épouses sont fréquents. On signale que le maréchal Mobutu a eu des enfants avec la sœur jumelle de son épouse. Et on raconte qu’il ne trouvait rien de mieux qu’avoir une liaison amoureuse avec les conjointes des dignitaires du régime (ministres, généraux, députés, PDG, gouverneurs…). On raconte, on raconte, on raconte… On pourrait penser qu’il s’agit là d’une polygamie due à l’« incontinence » du « Grand Léopard ». Mais la situation matrimoniale de tous les hommes ou presque qui sont passés au pouvoir, semble être identique. S’agirait-il d’un rituel pour demeurer aussi longtemps en forme et au pouvoir ? Sinon comment comprendre qu’un ancien ministre des PTT, ait eu le vilain plaisir de s’envoyer dans son lit, l’une après l’autre, les sœurs, les cousines, voire les nièces de sa femme. Le scandale a été gardé comme un secret de famille, à coups de petits billets verts et de voyages à l’étranger. Un vice-1ER Ministre dans le gouvernement actuel a pris la fille (concubine de surcroît ex-député) et la mère, et s’en vantait auprès de qui voulait l’entendre. Cette affaire de fesses a éclaté au grand jour dans un procès en diffamation opposant la concubine en question à une rivale dans une autre relation d’amour. Pour préserver l’honneur de leur couple, Y, 65 ans, et son mari, ancien ministre également, sont depuis une trentaine d’années en situation de séparation des corps. Le mari a eu un enfant avec la cousine de son épouse.
Même les femmes indignes !
À en croire Vincent Batouala, les hommes au pouvoir prennent souvent des femmes « indignes » appelées ici « 2è bureau » parmi les collaboratrices, et se dégradent même en s’unissant à des amies et des servantes de leurs épouses. Le mari de C a pris comme épouses les deux filles, disposées au service (manucure et pédicure) de sa conjointe. Le député éprouvant pour elles un grand amour, a abandonné son épouse et a pris la première. Puis il prend aussi une l’autre fille. Il a eu des enfants avec les deux. K., un vieux politicien originaire de Bandundu, décédé, était connu comme un « débauché » à l’excès. Il se rendait souvent à sa ferme de Maluku, où il « se servait » régulièrement de servantes de son épouse. Choqué par les frasques de ce vieux politicien, un jeune employé du ranch a dévoilé le pot aux roses à la « patronne ». Elle surprend son mari en pleine séance d’attouchement de la poitrine. Imaginez le scandale !
Bien qu’ils aient déjà plusieurs « 2è bureau », les hommes au pouvoir entretiennent aussi des « petites relations » occasionnelles. Ils les délaissent rapidement pour peu qu’ils ne soient plus aux affaires. Dans la plupart des cas, ils font subir de mauvais traitements à leurs épouses et l’union se termine fort mal. Certes, la polygamie offre aux « puissants » un certain nombre d’avantages : satisfaire un appétit sexuel parfois très développé, manifester ostensiblement sa richesse et sa puissance. Si la polygamie semble être liée à la pratique de la politique à nos yeux, elle correspond pourtant à une certaine conception de l’union homme-femme chez certaines peuplades. Traditionnellement, la polygamie est signe extérieur de puissance économique incontestable. Par la dot versée, toutes les femmes sont légitimes et donnent à leur mari non seulement des enfants légitimes, mais aussi la richesse par le travail de champ. D’après Batouala, la coexistence de plusieurs femmes concubines, surtout au sein d’une même famille, engendre des conflits, qui peuvent aller jusqu’au divorce. La polygamie suscite même le meurtre dans la conscience des rivales. Toutes les femmes ne ressemblent pas aux jumelles d’épouses du maréchal.