En ce qui concerne le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Prévoyance sociale ainsi que la Direction générale de migration (DGM), le budget 2017 montre que le gouvernement laisse plus d’ouverture du marché congolais des affaires et d’emplois aux étrangers. Pourtant, le chef de l’État semble être favorable à un certain protectionnisme. En tout cas, dans son dernier discours sur l’état de la Nation, le 5 avril, Joseph Kabila Kabange a déclaré devant le Congrès que « notre pays ne saurait plus indéfiniment être ce grand marché offrant l’opportunité d’affaires et d’emplois aux peuples des pays tiers, au détriment de sa propre population et de son économie. »
Trois mois après, le nouveau gouvernement Tshibala s’est doté d’une loi de finances publiques dans laquelle il n’est guère perceptible la préservation des opportunités de création d’entreprises ou encore la préférence congolaise à l’embauche, comme a semblé le souhaiter le président Kabila. Bien au contraire, le gouvernement escompte gagner plus de 23,3 milliards de francs, soit plus de 15 millions de dollars en 2017 à travers la vente de la carte du travail aux étrangers. Le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Prévoyance sociale, a, en effet, revu à près du double ses prévisions des recettes par rapport à 2016. Le Trésor public a encaissé de la vente de la carte du travail aux étrangers des recettes de l’ordre de 9.108 milliards de francs sur des prévisions de 10.465 milliards en 2015, 10.419 milliards sur des assignations de 14.679 milliards en 2016. Et plus de 1.8 milliard de francs perçus par le Trésor public, pendant le régime des crédits provisoires (janvier-mars) pour une projection de 3.6 milliards.
Quant à la Direction générale de migration, le gouvernement espère capter près du triple de revenus des droits de délivrance de visa d’établissement du travail en 2017, soit quelque 9.4 milliards de francs (autour de 6 millions de dollars). En 2015 et 2016, les droits de délivrance du visa d’établissement du travail avaient rapporté plus de 4 millions de dollars à la DGM. Par ailleurs, pour ce qui est des droits de délivrance du visa d’établissement ordinaire pour les commerçants et les professions libérales, la DGM table sur plus de 2.91 milliards de francs de revenus en 2017. En 2015, cet acte générateur des recettes avait connu un dépassement considérable de sa recette, près de 1,2 milliard de francs contre des prévisions de 786 milliards. En 2016, les réalisations ont été de plus de 80 %, soit 1.312 milliards de francs de revenus contre des projections de 1.566 milliard.
Les droits de délivrance du visa d’établissement spécial d’une durée de 5 à 10 ans dépassent depuis deux ans, les 1 500 % des réalisations. En 2015, alors que les prévisions n’étaient que de 6,7 millions de francs, la DGM a plutôt glané plus de 115 millions. En 2016, plus de 126 millions de francs pour des assignations de 7,7 millions, soit un taux de réalisation de 1 629,24 %. Voilà qui prouve à suffisance qu’ils sont de plus en plus nombreux ces expatriés qui s’installent en RDC. La DGM vise pour 2017 des recettes de plus de 31 millions de francs pour la délivrance des titres d’établissement temporaire (5-10 ans) et plus de 2.5 milliards de francs pour les titres d’établissements permanents.
Ils règnent sur l’HORECA
Il est établi à ce jour que les dix plus grandes économies congolaises sont plutôt détenues par des expatriés, lesquels jouent le premier rôle dans l’expansion des PME et PMI qui sont des moteurs par excellence de création d’emplois. Considérés naguère comme relevant du domaine du petit commerce exclusivement réservé aux nationaux, l’HORECA (hôtellerie, restaurant, cafeteria), les supermarchés, la vente des véhicules d’occase ou encore des pièces de rechange ont été ouverts aux étrangers au même titre que les transports aérien, maritime et fluvial. Autour des libanais Congo Futur ou Socimex ou encore le pakistanais Beltexco s’amarrent, en effet, des constellations des PME et PMI de divers secteurs ainsi que des banques, des institutions de messagerie financière ou encore des sociétés de taille considérable du domaine des bâtiments et travaux publics.
L’an dernier, l’alors 1ER Ministre, Augustin Matata, a été pris au dépourvu par le sénateur Mokonda Bonza qui lui a fait comprendre que des expats tiraient, en réalité, plus profit du semblant d’embellie de l’économie congolaise. Outre le fait que la RDC est membre à part entière de l’OHADA (Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires), le pays s’est également engagé dans au moins trois zones de libre échange sur le continent. Il a adhéré à la Zone de libre du COMESA (Marché commun de l’Afrique australe et orientale) et est en pourparlers pour les zones de libre échange de la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe) et la CEEAC (Communauté économique des États de l’Afrique centrale). Toutes des organisations régionales prônent non seulement la levée des barrières douanières, donc frontalière mais aussi une libre concurrence dans tout État membre.
C’est dans ce cadre que la RDC et le Rwanda ont signé, le 20 octobre 2016, à Rubavu, un accord sur un régime commercial simplifié concernant uniquement les petits commerçants des deux pays. Cet accord définit un petit commerçant comme celui qui a un capital variant entre 1 à 2 000 dollars. Pour les deux parties, il s’agit plutôt de la matérialisation de la vision de la Communauté économique des pays de l’Afrique orientale et australe, en vue d’alléger les frais des douanes aux petits commerçants transfrontaliers et d’éliminer les taxes illégales à la frontière. Il y a peu, maçons, ferrailleurs, tôliers, charpentiers congolais ont donné de la voix à Goma pour fustiger la ruée des ouvriers rwandais sur les chantiers de la ville capitale du Nord-Kivu.