En 2016, les recettes du secteur des PT&NTIC (ministère, ARPTC, etc.) encadrées par la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participation (DGRAD) ont été d’un peu plus de 120 milliards de francs, soit un peu moins de 130 millions de dollars. En réalité, l’État devrait au moins gagner trois plus.
La baisse des recettes sur les télécommunications est due, selon la DGRAD, au bouchage de certains abonnés pour non identification. Arguments balayés d’un revers de la main autant par les experts de la société civile que la commission ECOFIN et contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale. La Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participation est soupçonnée de « couvrir des pratiques maffieuses de ses assujettis ». La fraude gangrène le secteur des télécoms depuis sa libéralisation voilà 15 ans et contraint le gouvernement à se contenter du menu fretin. Certes, le secteur des Poste, télécoms et Nouvelles technologies de l’information et de la communication est devenu le second gros contributeur non-fiscal de l’État, mais en numéraires, cela ne vaut pas grand-chose. En 2013, le manque à gagner pour le Trésor public était évalué à 12 millions de dollars l’an. Mais aux récentes enquêtes, la fraude serait d’au moins de 5 millions de dollars plus et plutôt mensuel !
Maffia sur les appels et texto
Tenez, au moins 61 millions de dollars ne sont pas déclarés chaque mois par les compagnies de téléphonie cellulaire opérant en République démocratique du Congo. Ce qui, au regard du système fiscal et parafiscal congolais fait échapper, chaque mois, plus de 17,6 millions de dollars au Trésor public. Ce manque à gagner ne porte, en effet, que sur les appels entrants et sortants et sur les texto ou SMS. C’est la conséquence médiate, explique-t-on, d’un système frauduleux complexe mis à nu par des ingénieurs de la firme française Entreprise Télécom (ET), qui a conclu avec le gouvernement congolais un contrat de lutte contre la fraude téléphonique. ET opère en RDC à travers sa filiale Business Company Consulting (BCC).
L’internet et le transfert électronique d’argent font l’objet d’une enquête à part, mais concernant les mêmes concessionnaires GSM, à savoir Vodacom, Airtel et Africell. La firme française ET se réserve d’avancer la moindre raison concernant la société Orange, qui échappe à cette enquête. Orange est détenue par des intérêts français, et qui on le sait, a racheté Tigo ex-Oasis, une entreprise qui avait tout faux à commencer par son adresse physique au Grand-Duché de Luxembourg, la composition de son actionnariat, l’identité réelle de ses gérants, etc. L’on se souviendra que du temps du gouvernement Gizenga I, l’alors ministre des Poste, Téléphone et Nouvelles technologies de l’information, Cyprien Kyamusoke, fiscaliste patenté, avait mis à nu la supercherie d’Oasis-Tigo. Kyamusoke menaça de fermer Tigo si la firme ne versait pas au Trésor public une bagatelle somme de 17 millions de dollars. Idem ou presque pour Airtel, à l’époque Zain, qui, en catimini, dans des transactions juteuses qui se passaient sous la table, sous le label de Celtel. Le ministre se montra davantage intransigeant et intraitable lors des états-généraux des télécoms qu’il avait convoqués au centre Nganda de Kintambo, fin 2007. La chambre PT&NTIC de la Fédération des entreprises du Congo (FEC), dirigée à l’époque par Bob Tumba, dut suspendre sa participation au motif que Kyamusoke avait tenu des propos discourtois à l’égard des opérateurs du secteur. Quelques jours plus tard, à la faveur d’une question orale avec débat lui collé par le sénateur Modeste Mutinga, Kyamusoke a été suspendu de ses fonctions, puis finalement sorti du gouvernement.
Il se racontait dans les couloirs du Sénat que les concessionnaires GSM avaient mis 5 millions de dollars en jeu pour avoir la tête de Kyamusoke. Mais personne n’a la moindre preuve jusqu’à ce jour. Cependant, selon la mouvance syndicale à l’Hôtel de Poste, tout ministre qui se paie le courage de fourrer son nez dans les comptes des entreprises privées, il finit « décapité ». Avant Kyamusoke, un autre ministre, Prosper Kibwey, qui avait tenté de doter l’ex-OCPT d’un réseau GSM, avait aussi payé de son poste. Comme dans la maffia sicilienne, les bourreaux font payer à prix fort ceux qui les dénoncent, commente cet expert du ministère des PT& NTIC. La récente enquête menée par la firme ET a, en effet, été initiée sous le gouvernement Badibanga, par le ministre des PT&NTIC, Samy Amatobe. À défaut d’être défenestré, il a été permuté au ministère de l’Environnement. Depuis, son successeur semble vouloir faire impasse sur le scandale financier.
Système déclaratif
ET/BCC contrôle depuis janvier 2017 les flux des appels internationaux et domestiques en lieu et place d’Egilis dont la prestation avait été jugée « en dessous de la moyenne » par l’Autorité de régulation de la Poste et des télécommunications (ARPTC). Avec rétroactivité sur 2016, la firme française a d’abord travaillé sur une période de deux mois sur deux entreprises GSM distinctes. Juillet et août pour Vodacom ainsi qu’août et septembre pour Airtel. Ces deux sociétés n’ont déclaré chacune que moins 55 millions de dollars réalisés, faisant perdre sur ces montants plus de 32 millions de dollars au Trésor public. Pareil pour le « libanais » Africell, qui a caché plus de 10 millions de dollars, privant ainsi le Trésor public de ses 3,2 millions de dollars. Contrairement à Egilis qui s’est appesanti quasi exclusivement sur les appels entrants, BCC soutient que la fraude est beaucoup plus grande sur les appels domestiques, qui représentent 90 % du trafic des opérateurs de télécommunications. Le système fiscal congolais étant déclaratif, chaque entreprise est tenue de déclarer elle-même le volume de ses transactions. Or, le contrôle effectué par BCC révèle que les volumes des minutes et des SMS souvent déclarés par ces entreprises de téléphonie cellulaire ne correspondent pas aux données réelles et sont en réalité minorées.