Avec les affaires Banque Congolaise, BIAC, MECRECO et Fibank, la crédibilité et la solidité du système financier congolais ont été entamées. Afin de sortir de la crise actuelle et éviter que cela ne se reproduise, la Banque centrale du Congo (BCC) a formulé quatre principales recommandations à l’Association congolaise des banques (ACB). Il s’agit notamment de la bonne gouvernance dans la gestion des institutions bancaires, le renforcement des fonds propres des établissements de crédits, l’application des injonctions des missions de contrôle de la Banque centrale ainsi que l’amélioration de la fiabilité des données.
Dans le cadre de l’amélioration de l’environnement et de la consolidation des fondamentaux du système financier congolais, la BCC entend poursuivre le processus de réformes. Il s’agit notamment de la migration du système financier national vers les normes comptables internationales IFRS, l’élaboration du programme national d’éducation financière, la création d’un fonds de garantie des crédits et d’une Bourse de valeurs mobilières, la mise en place d’un cadre de résolution des crises bancaires ainsi que la modernisation du système national de paiement. Consciente de l’importance de ces réformes pour le développement du secteur financier et de l’économie nationale, la BCC s’est engagée à accélérer leur mise en œuvre immédiate. S’agissant du système national de paiement, les dirigeants des établissements de crédit devraient dégager les ressources nécessaires en vue de la finalisation des travaux sur la normalisation bancaire, l’interfaçage de leur système d’information avec la solution ATS-CSD ainsi que le déploiement des scanners dans leurs agences.
Malgré toutes les réformes engagées, il y a encore des défis à relever pour l’essor du système financier congolais. Ce sont par exemple le faible niveau de bancarisation et d’inclusion financière, le coût élevé des services financiers et l’insuffisance du dispositif de protection de la clientèle ainsi que l’absence des mécanismes d’assurance des dépôts et des crédits pour les petites et moyennes entreprises (PME). La réforme de la loi sur la Banque centrale lui confère, par ailleurs, plus de marge de manœuvre dans l’accomplissement de sa mission de régulation du secteur financier.
La loi n°003/2002 du 2 février 2002 réglementant l’activité et le contrôle des établissements de crédit (loi bancaire) confie à la BCC la supervision de l’ensemble des intermédiaires financiers. Elle distingue cinq catégories d’établissements de crédit, à savoir les banques, les coopératives d’épargne (la Caisse d’épargne du Congo ou CADECO, institution publique, est tombée en faillite dans les années 1990-2000) et de crédit, les caisses d’épargne, les institutions financières spécialisées (établissements à capitaux publics et dotés par l’État d’une mission d’intérêt général ; ailleurs ce sont les banques ou agences de développement) et les sociétés financières. Les messageries financières font l’objet d’une réglementation spécifique. Les institutions de micro-finance constituent la sixième catégorie d’établissements de crédit après une modification à la loi bancaire. La Banque centrale utilise la catégorie société financière pour désigner les établissements de monnaie électronique.
Caractéristiques du secteur bancaire
Le système financier national se distingue d’abord par des niveaux d’intermédiation faibles. Il existe une faible pénétration de l’argent dans le secteur financier formel : le ratio masse monétaire/PIB qui mesure cette pénétration se chiffre autour de 20 %.
Ensuite, par le coût moyen des ressources faible, le rendement moyen des emplois élevé et la marge globale d’intermédiation élevée. « Une des grandes contraintes pesant sur l’offre des services financiers à tous en RDC est le coût élevé de l’exploitation, consécutif au faible niveau et au caractère onéreux des infrastructures (transports, communications réseau routier, téléphonie mobile, électricité…) associé à des coûts de main-d’œuvre et d’approvisionnements élevés ainsi que le coût de couverture des risques de contrepartie, contribuant ainsi à des frais d’exploitation élevés, surtout dans les zones rurales. », expliquent des experts de la BCC.
Il en résulte pour les banques, la nécessité de réaliser des économies d’échelle pour demeurer compétitives et réactives face aux besoins de la clientèle, soulignent-ils. Le coût moyen des ressources, c’est-à-dire la détermination des coûts et des rendements moyens par type d’opération, qui s’obtient en rapprochant le montant des intérêts et commissions reçus ou versés de celui des prêts ou emprunts correspondants, se situe autour de 4 % à fin 2015 contre 1,55 % à fin 2010. Le rendement moyen des emplois oscille entre 14,48 % (2011) et 18 % (2015). Et la marge globale d’intermédiation autour de 15 % à fin 2015.
Le système financier national se distingue aussi par la forte concentration des banques à Kinshasa et dans les agglomérations importantes. La plupart des contrées situées au centre du pays ainsi que les zones rurales sont pratiquement dépourvues de services financiers. La forte concentration des banques à Kinshasa et dans quelques autres villes importantes du pays (Lubumbashi, Matadi, Kisangani, Bukavu, etc.) suscite dans ces zones l’émergence d’une concurrence entre établissements de crédit.
Évolution du secteur bancaire
Enfin, le système est caractérisé par l’intégration régionale. L’on observe un certain ancrage de réseau de banques africaines dans le secteur bancaire congolais. Il s’agit notamment de Access Bank, Afriland First Bank, Banque gabonaise française internationale (BGFI Bank), Banque internationale de crédit (BIC), Bank of Africa (BOA), Ecobank, United Bank for Africa (UBA), First International Bank (FIB). Selon les experts de la BCC, la diversification de ces structures bancaires pourrait, à terme, accroître la concurrence et catalyser la baisse du coût d’intermédiation.
En dépit de la liquidation de 15 banques et 58 institutions de micro-finance jugées « insolvables » ou irrémédiablement compromises par la BCC au cours de ces dernières années, plusieurs institutions bancaires s’installent au pays afin de participer à la grande aventure de l’émergence de l’économie nationale. Le secteur bancaire congolais est vraiment en pleine expansion, de Kinshasa, la capitale, aux chefs-lieux des provinces et des districts, sans oublier leurs faubourgs respectifs dans l’arrière-pays, les enseignes suivantes sont devenues familières : BIAC, BIC, BCDC, ProCredit, Access Bank, Standard Bank, Ecobank, Citi, Rawbank, Fibank, Trust and Merchant Bank (TMB), Afriland First Bank (AFRL), Byblos, Advans Bank, MBANK, Sofibanque (SFB), Bank of Africa (BOA) et BGFI Bank.
Depuis 2002, on assiste véritablement à un développement de la banque de détail. Ce phénomène, expliquent les spécialistes, est la conséquence de la destruction du tissu économique et industriel congolais ainsi que du démantèlement des grands groupes industriels, du fait des événements des pillages de septembre 1991 et de janvier 1993. Lesquels ont engendré un bouleversement dans les activités du secteur bancaire. En effet, les grandes entreprises agro-industrielles, industrielles et commerciales qui constituaient la clientèle haut de gamme des banques et qui leur permettaient d’atteindre leur seuil de rentabilité, ont perdu de l’élan dans le volume de leurs transactions financières. La banque de détail n’a commencé véritablement à émerger en RDC qu’à partir de 2005 avec l’avènement de banques comme ProCredit Bank visant les micros, petites et moyennes entreprises (MPME). Auparavant, les soldes minima à l’ouverture d’un compte bancaire étaient tellement élevés que les ménages, les MPME et les salariés de la classe moyenne étaient d’office exclus du secteur bancaire. « Il y a eu un effet de démonstration que le concept de banque de détail pouvait être rentable en RDC. C’est ce qui explique l’intérêt de nouvelles banques sur le segment banque de détail. », soulignent les experts de la BCC.
Par exemple, les dépôts des ménages représentaient 45 % du volume des dépôts des banques à fin 2011 contre 43 % à fin 2010. Les dépôts des entreprises privées représentaient 41 % du volume des dépôts à fin 2011 contre 43 % à fin 2010. Sur 18 banques en activité, 15 banques commerciales interviennent dans la banque de détail. Le nombre de comptes bancaires est passé de 600 000 à fin 2010 à plus d’un million à ce jour. Sept banques détenaient 86 % des dépôts de la clientèle fin 2011.
La croissance des activités bancaires est liée à celle de l’économie. La croissance de l’activité des banques commerciales en termes de total bilantaire est restée élevée durant ces dernières années. Par exemple, le taux de croissance était de 20,41 % à fin 2009, 41,16 % à fin 2010 et 22,7 % à fin 2011. Le développement des activités résulte pour une grande part de la hausse des dépôts de la clientèle (+ 26 %) qui sont passés de 1 575 millions de dollars en 2010 à 1 980 millions de dollars en 2011, essentiellement constitués de dépôts en monnaies étrangères qui se sont accrus de 28 %, passant de 1 397 millions de dollars à fin 2010 à 1 783 millions de dollars à fin 2011.
Ces dépôts en monnaies étrangères représentaient 89 % du total des dépôts des banques à fin 2010 contre 90 % à fin 2011. Cette croissance trouve sa contrepartie, à l’actif, dans l’évolution des crédits à la clientèle (+ 34,74 %) et des opérations interbancaires (+ 31,18 %). De même, les prêts en devises ont augmenté de 32,83 %, passant de 997,1 millions de dollars à fin 2011 à 1 325,4 millions de dollars à fin 2012. Cet encours représente 94,85 % des crédits à fin 2012 et 91,86 % à fin 2011. Il représente 35,61 % et 34,85 % du total bilantaire respectivement à fin 2012 et 2011.