Dans la feuille de route écologique remise le 15 juin au Premier ministre, le ministre de la Transition écologique et solidaire propose « l’interdiction de tout nouveau projet d’exploration des hydrocarbures ». Le symbole est fort. Mais quels sont les bénéfices réels d’une telle mesure ?
La seule explication donnée à ce projet est de s’affranchir des énergies fossiles. Mais cette interdiction d’explorer n’aura à l’évidence aucun impact sur la consommation nationale de pétrole et de gaz et ses émissions associées de gaz à effet de serre : celles-ci ne dépendent en aucun cas du niveau de production nationale, mais essentiellement de la population, de la richesse du pays, mais aussi des efforts faits en faveur de la maîtrise de l’énergie.
En 2016, le pétrole et le gaz représentent respectivement 44 % et 20 % de la consommation d’énergie finale du pays. Malgré les mesures prises depuis de nombreuses années, la consommation de pétrole entre 2000 et 2016 n’a diminué que de 15 % et celle de gaz de 6 %. Ainsi, ces deux énergies contribueront encore pendant longtemps au bouquet énergétique français.
Produire des hydrocarbures pour rééquilibrer notre balance commerciale
Comme notre pays importe 99 % des hydrocarbures qu’il consomme, il s’ensuit un déficit chronique de notre balance commerciale. La facture énergétique a atteint 70 milliards d’euros en 2014. A titre de comparaison, nos exportations d’électricité ne se montent qu’à 1 à 2 milliards d’euros. Certes, la baisse des prix du pétrole depuis a réduit de moitié cette facture.
Cependant, elle représente toujours un handicap majeur pour notre balance commerciale , les exportations de biens et services ne compensant pas ce déficit, contrairement au cas de l’Allemagne. Explorer puis produire des hydrocarbures en France permettrait de rééquilibrer notre balance commerciale et donc de renforcer la compétitivité de notre pays, en complément des efforts indispensables pour réduire notre consommation d’énergie.
Si la production d’hydrocarbures en France est actuellement très réduite, il existe pour autant un potentiel significatif. La mobilisation des technologies nouvelles pourrait ouvrir des opportunités. C’est notamment le cas de la Guyane , où des indices importants ont été mis en évidence dans le « deep offshore ». La recherche et la valorisation de ces ressources d’hydrocarbures contribueraient à la création de valeur et d’emplois, en particulier outre-mer.
La mise en production des gisements gaziers dans le sud-ouest de la France, il y a 70 ans, est un bon exemple des retombées positives pour l’économie locale et le développement de l’industrie nationale. Les travaux d’exploration ne nécessitent aucun financement public et ont un impact environnemental minime. Par ailleurs, la réglementation en place permet de réduire l’impact de la mise en exploitation, comme nos concitoyens ont pu le constater pendant des décennies dans le sud-ouest de la France ou dans le Bassin parisien.
Une industrie française au premier plan mondial
La politique pétrolière et gazière française a permis de créer une filière de premier plan au niveau mondial. Ainsi, Total compte parmi les premières compagnies pétrolières internationales. De même, Technip ou Vallourec sont des leaders mondiaux dans le secteur des services pétroliers et gaziers et contribuent à la création de valeur et d’emplois en maintenant une R&D de haut niveau en France. Interdire l’exploration d’hydrocarbures en France aurait à l’évidence un impact négatif sur l’image de nos entreprises, et plus généralement sur l’ensemble de l’industrie française, mais aussi sur les nombreux pôles académiques impliqués dans la formation et la recherche en géosciences. La France serait le seul pays au monde qui prendrait une telle décision. C’est comme si on disait à Renault et Peugeot : « Vous avez le devoir de fabriquer des voitures en France pour créer des emplois, mais il est interdit de les faire rouler sur le territoire français. » On peut rappeler que l’Australie, qui rejette l’énergie nucléaire, est un des premiers producteurs d’uranium au monde !
Interdire l’exploration des hydrocarbures enclenche une dérive dangereuse. En effet, pourquoi ne pas interdire demain toute exploration des ressources du sous-sol national ? Eau et chaleur souterraine, stockage géologique du CO2, minerais (cuivre, argent, étain, tungstène, terres rares…), indispensables à notre économie mais aussi spécifiquement aux énergies renouvelables… Cela remettrait en cause l’exploitation des ressources de nickel en Nouvelle-Calédonie, du talc en Ariège, voire des « granulats » indispensables pour fabriquer du ciment. On pourrait certes, comme pour les hydrocarbures, importer ces produits. Mais à quel coût pour notre équilibre écologique, notre économie et pour l’indépendance de notre pays ?
L’interdiction de l’exploration d’hydrocarbures sur notre territoire a un caractère symbolique qui ne diminue en rien les émissions de gaz à effet de serre, accroissant les importations au détriment des circuits courts.
Ce symbole ne donne pas de notre pays une image dynamique portée vers l’avenir, mais au contraire celle d’un pays militant contre sa propre industrie. Il est indispensable de mesurer sérieusement les conséquences réelles d’une telle mesure. Une approche pragmatique consisterait à prendre en compte les travaux engagés ces dernières années sur la modification du Code minier qui n’ont donné lieu jusqu’à présent à aucune décision et que toute une filière d’excellence nationale attend.