Le débat se corse sur la création d’une administration fiscale unique

Parmi les recommandations pertinentes du forum sur la réforme du fisc en RDC, le processus d’unification des régies financières a figuré sur la bonne place. Un comité technique devrait examiner la faisabilité et les modalités d’un tel processus au niveau du pouvoir central.

 

À en juger par la masse de critiques, l’organisation des services publics chargés de la collecte des impôts, droits, taxes, redevances en République démocratique du Congo pose problème. Le forum sur la réforme du système fiscal en RDC organisé du 11 au 14 septembre à Kinshasa, a débouché sur une série de recommandations dont la fusion des administrations fiscales, la création d’un guichet unique de perception des directions provinciales des régies financières nationales dans le respect des compétences de la future Direction générale de comptabilité publique et du Trésor (DGCPT).

Par ailleurs, il convient d’améliorer les modalités de collaboration entre les régies provinciales et les entités territoriales décentralisées (ETD), supprimer  les régies financières provinciales et créer une division des recettes provinciales au sein de chaque direction provinciale de la Direction générale des impôts (DGI) et de la Direction générale des recettes administratives, domaniales, judiciaires et de participations (DGRAD). La question devrait être approfondie avec le concours des provinces et des ETD.

En attendant, les services en charge des impôts, droits, taxes et redevances en RDC sont organisés à deux niveaux : fiscalité nationale (compétence du pouvoir central) et fiscalité provinciale (compétence des provinces et des ETD).

Fiscalités nationale et provinciale

La fiscalité nationale est organisée en fiscalité interne et en fiscalité de porte. En ce qui concerne la fiscalité interne, on distingue la fiscalité de la parafiscalité. La fiscalité est de la compétence de la DGI et relève du droit commun. Ce sont l’impôt sur les bénéfices et profits ou IBP (taux 35 %), l’impôt sur les rémunérations professionnelles ou IPR (barème allant de 0 à 40 %), les impôts sur les rémunérations des expatriés ou IERE (taux 25 %), l’impôt mobilier ou IM (taux 20 %), la taxe sur la valeur ajoutée ou TVA (taux 16 %) et la retenue à la source sur les prestations réalisées par des personnes non établies en RDC ou IBP (taux 14 %).

Par contre, la parafiscalité est de la compétence de la DGDA créée en 1995. Ce sont 366 actes générateurs de recettes dont l’ordonnancement et le recouvrement relèvent de la compétence de la DGRAD depuis l’ordonnance-loi n° 13/002 du 21 février 2013. Avant, il y avait 522 actes dont 162 ont été transférés aux provinces.

Par ailleurs, la fiscalité dite de porte n’est rien d’autre que la fiscalité douanière. Elle est de la compétence de la DGDA. La fiscalité de porte est constituée des droits de douanes à l’importation ou DI (taux 0 %, 5 % pour les intrants, 10 % taux normal et 20 % taux de protection de l’industrie nationale ou dont la consommation est inélastique aux prix), des droits de douanes à l’exportation ou DE sur certains produits (bois, or, etc.), des droits d’accises (DA) à  l’importation  et à l’intérieur (tabac, alcool, etc.), et de la TVA à l’importation.

En matière de fiscalité provinciale, on distingue la fiscalité de la parafiscalité dans la fiscalité interne. La fiscalité provinciale relève de la province et de la compétence des directions des recettes provinciales. Par exemple, la Direction des recettes provinciales de Kinshasa (DGRK), la REPERE au Kongo-Central… Au total, il y a 308 actes générateurs de recettes dont l’ordonnancement et le recouvrement relèvent de la compétence des recettes des provinces sur base de l’ordonnance-loi n°13/001 du 21 février 2013. Avant cette ordonnance-loi, il y avait 146 actes, dont 162 ont été transférés du pouvoir central aux provinces.

La spécificité des recettes non fiscales

La DGRAD a été créée en 1995 pour palier l’absence de remontée des recettes vers le budget national. En effet, à l’époque, les comptables publics déployés par le ministère du Budget au sein des ministères sectoriels n’arrivaient pas à effectuer cette réallocation au profit du budget de l’État, les ministères sectoriels consommant à la source les fonds recouvrés. Contrairement aux recettes fiscales dont les phases d’assiette et de recouvrement sont placées sous la compétence unique de la direction concernée (DGI ou DGDA), les recettes non fiscales au profit du budget national relèvent des ministères sectoriels pour les étapes de la constatation et de la liquidation de la phase d’assiette de la DGRAD pour la dernière étape de la phase d’assiette relative à l’ordonnancement et pour l’étape de l’encaissement afférente à la phase de recouvrement. La conséquence est la multiplicité de services face à l’entreprise.

Documentation et réseau informatique

La DGDA dispose du code général des douanes (ordonnance-loi n°10/002 du 20 août 2010) mis en œuvre en 2012 et du code des accises (ordonnance-loi n°007/12 du 21 août 2012). La DGI dispose du code des impôts qui a été dématérialisé et publié dans sa version mise à jour au 15 juillet 2014. Il n’a cependant pas la nature d’un code mais conserve celle d’un recueil de textes, le travail de transposition restant à faire. Quant à la DGRAD, l’ordonnance-loi n°13/003 du 23 février 2013 a fixé les procédures relatives à l’assiette, au contrôle et aux modalités de recouvrement des recettes non fiscales.

En ce qui concerne, le réseau informatique des régies fiscales, la DGDA dispose du système intégré Sydonia mis en place avec l’appui de la Conférence des Nations-Unies pour le commerce, l’économie et le développement (CNUCED) et de l’Organisation mondiale des douanes (OMD). Le déploiement de la version Sydonia World est en cours, 32 bureaux étant déjà fonctionnels, la migration de 16 bureaux sous Sydonia ++, la version précédente, étant en cours. L’opérateur économique peut ainsi à partir de tout lieu du territoire avec un accès internet effectuer ses démarches de dédouanement.

Quant à la DGI, les applications d’identification des contribuables, de gestion de l’impôt et de recoupement fonctionnent en vase clos et les missions de gestion du contrôle fiscal, du contentieux, du personnel, etc. ne sont pas informatisées. La mission conjointe de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) d’évaluation des performances de l’administration fiscale via l’outil TADAT (Tax Administration Diagnostic Assessment Tool) en 2016, a mis en relief le déficit informatique à tous les niveaux de la gestion fiscale.

La DGRAD, elle, a engagé ces dernières années un programme d’informatisation avec l’appui du PAI/STATFIN de la Banque africaine de développement (BAD) et du PAMFIP de l’Union européenne (UE). Les travaux afférents au déploiement de Sydonia World, à l’interconnexion des régies dans le cadre du premier C2D, à l’interconnexion de la DGRAD, de la DTO et de la DCP dans le cadre du projet PAMFIP, à l’interconnexion de l’administration centrale de la DGRAD avec ses directions provinciales dans le cadre du PAI/STATFIN, à l’érection du Data Center de la DGI qui permettra de traiter les informations provenant des entreprises dont les transactions sont effectuées au moyen d’appareils électroniques (caisses enregistreuses) et à une étude de faisabilité d’un système intégré de gestion à la DGI, sont en cours.

Le financement des régies

Les régies financières disposent de deux sources de financement complémentaires aux ressources allouées au plan budgétaire : une rétrocession de 5 % des recettes encaissées pour le fonctionnement et les primes au personnel ainsi qu’une fraction égale à 50 % des pénalités encaissées.

Cependant, pour l’entreprise, particulièrement pour celles à établissements multiple implantés dans différentes provinces, il en résulte une complexité certaine pour les recettes non fiscales.

En effet, si en matière d’impôt, la direction des recettes de la province a la compétence sur les phases d’assiette et de recouvrement, il n’en est pas de même pour les recettes non fiscales. L’entreprise doit faire face au niveau de chaque province aux services déconcentrés des ministères sectoriels pour l’assiette et à la direction des recettes de la province pour le recouvrement. Le tableau présenté pour la DGRAD au plan national est donc le même au niveau de la province, sauf qu’il lui est substitué la direction des recettes de la province, telle la Direction générale des recettes de Kinshasa (DGRK) pour la province de Kinshasa, sachant que la RDC compte désormais 26 provinces.

En ce qui concerne l’organisation des directions de recouvrement des provinces et des entités territoriales décentralisées (ETD), il y a une complexité accrue avec le niveau provincial.

Les provinces disposent, de par l’article 204.16 de la constitution du 18 février 2006, des compétences exclusives en matière fiscale qui portent sur les impôts, les taxes et les droits provinciaux et locaux, notamment l’impôt foncier, l’impôt sur les revenus locatifs et l’impôt sur les véhicules automoteurs. Les ordonnance-loi n° 13/001 du 23 février 2013 fixant la nomenclature des impôts, droits, taxes et redevances des provinces et des ETD ainsi que leurs modalités de répartition et n° 13/002 du 23 février 2013 fixant la nomenclature des droits, taxes et redevances du pouvoir central ont permis de clarifier le périmètre d’intervention de l’État, des provinces et des ETD. Cependant, pour l’entreprise, particulièrement pour celles à établissements multiples implantés dans différentes provinces, il en résulte une complexité certaine pour les recettes non fiscales.

Le territoire national compte 26 provinces.

Par rapport à l’ancien découpage, 5 provinces ont conservé le même périmètre (Kinshasa, Kongo-Central, Maniema, Nord-Kivu et du Sud-Kivu).

Les vingt-une autres ont été créées par le redécoupage des 6 autres anciennes provinces (Bandundu, Équateur, Kasaï-occidental, Kasaï-Oriental, Katanga et province Orientale).

Seize provinces sont concernées par la création d’une direction chargée de l’ordonnancement et du recouvrement des recettes provinciales.