La bataille des chiffres

Avec l’installation d’un rig par Perenco pour augmenter sa capacité de production, ajoutés à cela de nouveaux producteurs et contrats annoncés pour cette année, le gouvernement dit avoir relancé la production pétrolière nationale. Cependant, il y a un mais qui compte…

 

C’est en vue de l’émergence à l’horizon 2030 que le gouvernement avait prévu en 2012 de relancer et/ou, selon le cas, de développer les secteurs économiques clés (agriculture, énergie, mines, hydrocarbures et gaz, télécommunications et nouvelles technologies de l’information et de la communication, forêt, environnement et tourisme) et de les réformer afin d’améliorer leur contribution à la formation du PIB et des revenus.

Dans le secteur des hydrocarbures et du gaz naturel, la République démocratique du Congo regorge d’énormes potentialités peu exploitées à ce jour. Selon le ministre des Hydrocarbures, Aimé Ngoy Mukena, toutes les 26 provinces du pays sont minières et pétrolières, excepté deux provinces où les indices ne sont pas encore prouvés. Depuis 1970, la production pétrolière nationale a officiellement oscillé entre 21 000 et 22 000 barils/jour. L’objectif du gouvernement est de porter de cette production à 30 000 barils/jour et d’entamer celle du gaz naturel dès cette année sur le lac Kivu.

Le programme gouvernemental

Le niveau actuel de la production nationale reste largement en-deçà des potentialités du pays, soit plus ou moins 1 million de barils/jour, voire plus, selon certains spécialistes. Le plan quinquennal 2012-2016, concocté par le gouvernement Matata Ponyo, prévoyait justement la relance non seulement de la production des hydrocarbures, mais aussi celle du gaz naturel et des biocarburants en vue de réduire le déficit énergétique actuel et favoriser la croissance. Il s’est fixé pour objectifs notamment d’accélérer la prospection, la cartographie et la mise en valeur de l’ensemble de bassins sédimentaires du pays (bassin côtier, bassin de la cuvette centrale, les Grabens Albertine, Semuliki, Tanganyika, Moero et Upemba) ; démarrer la production du gaz naturel par la mise en exploitation du gisement du lac Kivu; démarrer la production des biocarburants ; accroître les capacités de transformation en construisant notamment une raffinerie moderne à l’Ouest et en réalisant des études de faisabilité d’une autre à l’Est.

Autres objectifs : améliorer le réseau de transport, de stockage et de distribution par la construction d’un réseau de gazoducs reliant les zones de production aux points d’exportation ainsi qu’un réseau national de pipe-lines ;  améliorer l’approvisionnement du pays (surtout de l’arrière-pays) en produits pétroliers ; accélérer l’adoption et la promulgation du code des hydrocarbures (loi 15/012 du 1er août 2015) ; et restructurer les entreprises publiques du secteur des hydrocarbures. En 2012, les objectifs spécifiques ont été par ailleurs de porter le taux de production pétrolière de 25 000 barils/jour (en 2010) à 225 000 barils/jour (en 2014) et le taux d’approvisionnement en produits pétroliers de 70 % à 98 % ; accroître le volume du pétrole raffiné à 100 000 barils/jour en 2016. Pour atteindre ces objectifs, le gouvernement Matata entendait améliorer la gouvernance et la transparence dans ce secteur en mettant en place un cadre juridique approprié et en organisant un audit fonctionnel et financier des sociétés pétrolières installées en RDC. Il était question également d’accroître la production des hydrocarbures du bassin côtier atlantique, par la finalisation du dossier relatif aux frontières maritimes entre la RDC et l’Angola ; et du Graben Albertine, dont les contrats de partage de production (CPP) avaient déjà été approuvés ; mettre en valeur le gisement gazier du lac Kivu ; accroître le niveau des investissements publics et privés dans ce secteur…

Chacun peut faire le bilan de ce plan quinquennal pour sérier les objectifs qui ont été atteints et ceux qui ne l’ont pas été. Il restera toujours des raisons pour justifier ce bilan, certes. Mais il apparaît en filigrane que le système de dépendance aux ressources naturelles (système léopoldien) ne contribue pas à réduire la pauvreté dans le pays. Au contraire, ce système profite aux entreprises étrangères productrices et aussi à la minorité au pouvoir. D’où l’opacité des chiffres et les contrats léonins que dénoncent des associations de la société civile. L’industrie pétrolière relève du domaine des industries extractives et donc une industrie lourde aussi bien dans son investissement que dans sa mise en activité. Elle se subdivise schématiquement en amont (exploration-prospection, développement et production) et en aval (raffinage et distribution). L’exploration et la production ou encore l’extraction du pétrole ont généralement une durée de 15-20 ans. Cette étape est normalement suive de la phase de développement (3 à 4 ans) qui nécessite des investissements très importants. Quant à la phase d’aval, elle dure normalement 25-35 ans.

L’exploitation dans le bassin côtier

Jusque-là, c’est sur le bassin côtier que le pétrole de la RDC est produit. La compagnie pétrolière Perenco Rep Sarl opère à Muanda (siège d’exploitation) dans le Kongo-Central où elle est présente depuis les années 2000. Mais l’exploitation du pétrole à Muanda remonte à une quarantaine d’années. Perenco vient de se doter d’un rig Nuada, une plateforme de forage en eau jusqu’à 10 km (110 m de haut, 40 m de largeur et 800 m de longueur, capacité d’accueil : 100 personnes). Acquis à plus de 70 millions de dollars, cette installation va booster la production de cette compagnie de quelque 5 000 barils/jour et, in fine, apporter quelque 2 millions de barils supplémentaires en 2018. Le directeur général de Perenco Rep Sarl, Adrien Broche, souligne que le rig Nuada est appelé à accroître la production offshore à travers un nouveau plan d’action. Dans ce cadre, le rig Nuada va corriger 11 puits qui existent depuis plus de 40 ans. Il va également réaliser des 9 nouveaux forages déviés à partir de ces puits pour dénicher les meilleures zones de production dans les réservoirs considérés comme difficiles. Dans la campagne en cours, Perenco a déjà foré 24 puits en onshore (dans l’espace terrestre par opposition à offshore), qui produisent autour de 200 barils/jour. Les acquisitions sismiques actuelles datent d’au moins 30 ans et leur retraitement en cours permettra de relancer la production onshore. Une nouvelle campagne de forage à terre démarre en avril et concerne environ 20 nouveaux puits. Bref, la compagnie pétrolière affiche une vision prospective. Preuve : la prochaine campagne offshore 2019-2020 dans laquelle Perenco a prévu l’exploration de nouveaux réservoirs.

La concession offshore (extracôtier, en haute mer, au large de la côte) est en exploitation depuis 1972.