Après son vote par le Sénat, le projet de loi relatif au secteur de l’électricité sera transmis au Chef de l’Etat pour promulgation. Le 15 novembre dernier, la Chambre haute votait ce texte quasiment dans une indifférence totale, alors que l’occasion était ainsi offerte aux « sages » du Parlement de poser les jalons d’une classe moyenne digne de ce nom en République démocratique du Congo. Par rapport à la législation éparse et inadaptée en vigueur, la loi votée par les deux chambres apporte des innovations dont les plus importantes sont notamment: la suppression du monopole de la desserte de l’énergie électrique. Ceci, en vue de la libéralisation de ce secteur on ne peut stratégique de l’économie nationale.
Seulement voilà, quelques dispositions de cette loi posent problème au point de rendre celle-ci quasi controversée. C’est le cas de l’article 38 contenu dans le titre 3 relatif aux régimes juridiques. Au terme de cet article, est éligible à la concession, à la licence, à l’autorisation et à la déclaration toute personne physique ou morale de droit congolais ayant une résidence ou un domicile en République Démocratique du Congo et qui justifie de la capacité technique et financière pour l’exploitation du titre. Un sénateur a cru bon de proposer un amendement à cet article en voulant y ajouter une autre condition selon laquelle 20% du capital social de la personne morale de droit congolais devraient être détenus par un Congolais personne physique, ou par une société dont le capital est contrôlé à 80% par un Congolais. Ce sénateur n’a pas été écouté.
Résultat : une fois ce projet de loi promulgué et entré en vigueur, on risque de se retrouver une nouvelle fois dans la situation qui prévaut dans le secteur des télécommunications où tous les capitaux sont détenus par des expatriés ; là où sous d’autres cieux des nationaux ont un traitement de faveur. « Comment est-ce que les sénateurs, ceux qu’on appelle les sages de la République, ne peuvent-ils pas comprendre la nécessité de promouvoir le capital local, et donc l’émergence de l’entreprenariat synonyme d’une classe moyenne dans ce pays » ? C’est la question qui taraude l’esprit de plus d’un observateur après le vote de cette loi voulue innovatrice.
Volonté d’Etat
Cela s’est fait dans d’autres pays. Cas de l’Afrique du Sud avec le fameux « Black empowerment ». C’est une volonté d’Etat – autrement dit la volonté politique – qui consiste à réserver des pans économiques entiers au capital local. C’est ainsi que le pays de Madiba compte des milliardaires tels que Patrick Motsepe et Cyril Ramaphosa. Le cas aussi du Nigeria avec Dangote, qui n’est pas sorti du néant. Alors question : à quand l’émergence des riches congolais, des Motsepe et Dangote congolais ? On sait que dans le secteur minier, le pays peut se féliciter d’avoir un Moïse Katumbi ou un Mpinga avec sa société « Mwana Africa ». Mais que restera-t-il d’apport congolais quand l’or, le diamant et le cuivre auront disparu ? Quelle trace d’enrichissement local restera après que toutes les potentialités seront exploitées par les seuls capitaux extérieurs?
L’enjeu est très important, estiment les observateurs qui vont même jusqu’à souhaiter que le Président de la République, en sa qualité de magistrat suprême et garant de la Constitution, prenne ses responsabilités pour solliciter du Parlement une seconde lecture de la nouvelle loi sur le secteur de l’électricité. On le sait: avec ses 100.000 mégawatt de puissance à exporter, le barrage d’Inga est un enjeu très énorme qui ne devrait pas qu’attirer les capitaux étrangers. Le Gouvernement ayant récemment exprimé à la face du monde sa volonté de favoriser l’émergence d’une classe moyenne en République Démocratique du Congo, il y va de sa crédibilité.