Au cours de trois dernières années, les établissements de crédit kenyans ont supprimé 6 173 emplois, tandis que le groupe sud-africain Nedbank est en passe de remplacer 3 000 salariés par des logiciels auto-apprenants et des robots humanoïdes. Des signes précurseurs d’un tsunami numérique qui ne fait que commencer. En Afrique plus qu’ailleurs, le business-model traditionnel de la banque de détail basé sur l’ouverture d’agences associant front-office (guichet) et back-office (arrière-guichet) semble avoir fait son temps. Sur l’ensemble du continent, la digitalisation des services bancaires s’opère à marche forcée, dans un souci de réduction des charges opérationnelles et d’inclusion financière des populations. Les géants du secteur sont à l’avant-garde de cette transformation numérique. Ainsi, le groupe bancaire panafricain Ecobank Transnational Incorporated (ETI) a lancé dès octobre 2016 une application mobile qui permet, non seulement d’ouvrir un compte depuis son smartphone et d’effectuer instantanément des transferts de fonds dans 33 pays du continent, mais aussi de contracter des crédits, d’épargner de l’argent, d’accéder à des produits d’assurance, de bloquer sa carte de crédit et de consulter son compte à distance.
Jusqu’au 31 mars, 1 milliard de dollars de transactions ont été déjà réalisées via cette plateforme mobile. Sur la seule année 2017, la valeur des transactions réalisées via Ecobank Mobile App a atteint 604 millions de dollars. Le nombre de clients ayant téléchargé l’application mobile d’Ecobank a atteint 1,95 million de personnes durant l’année écoulée et plus 2,1 millions de clients sur le seul premier trimestre 2018 !
Les géants à l’avant-garde
« Notre orientation vers le digital donne déjà des résultats, avec une croissance de notre clientèle de près de 40 %, ce qui nous permettra d’atteindre notre objectif à moyen terme de 100 millions de clients », s’est félicité Ade Ayeyemi, le directeur général de la première banque du continent par son empreinte géographique (36 pays). La digitalisation a également largement contribué au redressement spectaculaire des résultats financiers du groupe basé à Lomé. Après des pertes de 39 millions de dollars en 2016, Ecobank a annoncé un bénéfice de 182 millions de dollars en 2017.
« 96 % de nos transactions s’effectuent désormais en dehors des agences », note fièrement, pour sa part, James Mwangi, le directeur général d’Equity Bank. Au Kenya, où l’équivalent de 40 % du Produit intérieur brut (PIB) transite par le portefeuille de monnaie électronique M-Pesa, Equitel et Eazzy Banking, les deux plateformes de mobile banking du groupe Equity Bank, ont affolé les compteurs, avec respectivement 251,6 millions et 92, 8 millions de transactions réalisées depuis leur lancement. James Mwangi a indiqué que son groupe a déjà accordé des prêts de 57 milliards de shillings kényans (547,2 millions de dollars) à travers Equitel, depuis son lancement en mai 2014.
Outre Equity Bank, la majorité des grandes banques kenyanes telles que Kenya Commercial Bank, Cooperative Bank, Barclays Bank of Kenya et Commercial Bank of Africa ont aussi digitalisé une bonne partie de leurs opérations. Le 16 mars dernier, Barclays Bank of Kenya a lancé Timiza app, une application mobile qui permet aux clients de la banque de contracter des micro-crédits et d’épargner de l’argent. En moins de deux semaines, l’application a été téléchargée par plus de 10 000 personnes.
La fièvre du numérique s’empare aussi des banques sud-africaines. Standard Bank voit les transactions effectuées via sa plateforme mobile croître de 100 % en moyenne par an depuis 2015. Cette première banque africaine en termes de total des actifs a aussi a acquis une participation majoritaire dans Firepay, le leader du paiement mobile en Afrique du Sud, qui a développé une application permettant le paiement par QR Code.
Barclays Africa utilise désormais des chatbots (robot logiciel pouvant dialoguer avec des humains par échange vocal ou textuel) en tant que conseillers clients. La banque sud-africaine a lancé Pepper, un robot humanoïde capable de reconnaître les principales émotions humaines et d’adapter son comportement en fonction de l’humeur de son interlocuteur, en tant qu’agent d’accueil et conseiller client.
Le groupe Nedbank a, quant à lui, annoncé, début mars dernier, le déploiement de 200 logiciels auto-apprenants dans ses agences pour améliorer son offre de services bancaires à distance. La banque sud-africaine, qui a déjà déployé des milliers de dispositifs de dépôt intelligents à travers le pays, a également lancé Pepper, un robot humanoïde capable de reconnaître les principales émotions humaines et d’adapter son comportement en fonction de l’humeur de son interlocuteur, en tant qu’agent d’accueil et conseiller client. Ce robot développé par la firme nippone SofBank est déjà utilisé en tant que chargé de clientèle et agent commercial dans plus de 500 entreprises japonaises, dont Mizuho Bank et Nissan. « Dans le cadre de la digitalisation de nos services, nous explorons la robotique et l’automatisation depuis un certain temps, mais Pepper signale une évolution majeure dans notre parcours numérique », souligne le directeur exécutif de Nedbank, Ciko Thomas.
En Afrique de l’Ouest et au nord du continent, les banques n’ont non plus pas raté le train de la digitalisation. Le groupe bancaire nigérian United Bank for Africa (UBA), qui dispose de filiales dans 19 pays d’Afrique subsaharienne, a lancé en août 2017 une plateforme mobile baptisée UBA Connect pour permettre aux commerçants et entreprises d’effectuer des transactions transfrontalières via le téléphone mobile.
Le groupe marocain Attijariwafa Bank engrange déjà les dividendes du succès « L’Banka Lik » (la banque est à toi), sa plateforme 100 % mobile, tandis que Standard Chartered Bank, a lancé en mars dernier une banque entièrement digitale en Côte d’Ivoire.