Le visiteur qui débarque aujourd’hui à Mbuji-Mayi, est frappé par l’image bucolique des femmes et des enfants arpentant la ville avec des bidons et autres récipients sur la tête, à la recherche de l’eau. Quand l’eau vient à manquer dans une ville, celle-ci tourne au ralenti. La Mbuji-Mayi actuelle est une ville qui contraste avec le passé bouillonnant des années 1970-1980, en fait l’âge d’or du rêve kasaïen. D’ailleurs, la majorité des jeunes a fini par déserter la ville pour la capitale Kinshasa, où ils ont formé une colonie et excellent dans l’activité de mototaxi.
Autre image de désolation : la route nationale n°1 (RN1) est coupée en deux, entre le ravin Tshiamba et le pont Lubilanji, dans le quartier Misesa. Comme l’a souligné le gouverneur de province, Alphonse Ngoyi Kasanji, « cette situation place la ville diamantifère au bord d’une crise économique immense, étant donné que c’est la voie principale d’approvisionnement en carburant et autres denrées alimentaires de première nécessité ». Mais il y a longtemps que Mbuji-Mayi, un bourg enclin à des érosions, est dans la crise économique. Depuis que la Minière de Bakwanga (MIBA) est en situation de quasi faillite.
Outre la catastrophe économique, il y a menace de catastrophe naturelle. La ville risque d’être rayée de la carte par les érosions. À commencer par la fameuse érosion dite « Mbala wa Tshitolo », qui avance majestueusement et représente un danger permanent pour l’aéroport de Bipemba. Il y a aussi le ravin Tshiamba, dont les travaux de remblayage réalisés, il y a plus de dix ans, par la société Tanswancy sont qualifiés d’« échec » par le ministre provincial des Infrastructures, des Travaux publics et de la Reconstruction, Marcel Mbikayi.
Le ressenti politique
Pour les habitants de Mbuji-Mayi, le gouvernement a toujours fait peu cas de leurs problèmes socio-économiques. Et depuis des années, Mbuji-Mayi semble être formatée comme une ville frondeuse, une ville fantôme. Et à l’approche des échéances importantes dans le pays, notamment les élections, les revendications populaires (politiques, sociales et économiques) remontent. À vrai dire, le ressenti politique remonte à la sécession du Sud-Kasaï (1961-1962) sous la houlette d’Albert Kalonji Mulopwe. Une rébellion réprimée dans le sang par le gouvernement légitime.
Si la ville a pu survivre à cette insurrection et dont la population a le sentiment de continuer de payer un lourd tribut politique, explique un notable local, c’est grâce à la MIBA. « C’est l’âme de Mbuji-Mayi car la société minière était la pourvoyeuse de la ville en emplois durables, en denrées alimentaires et en d’autres biens et services (santé, éducation, etc.). En effet, les populations de Mbuji-Mayi et des alentours vivaient de la MIBA, car les Lubas kasaïens ont toujours considéré le diamant de Mbuji-Mayi comme leur bien », souligne-t-il.
Et quand affluent les Lubas kasaïens (environ 2 millions, pour la plupart travailleurs de la GECAMINES) expulsés du Katanga en 1992 sous l’instigation du tandem Nguz-Kyungu, comme pour punir Étienne Tshisekedi wa Mulumba qui venait d’être élu 1ER Ministre à la Conférence nationale souveraine (CNS), la « mère nourricière » avait déjà les genoux à terre.
« Le délaissement de la MIBA à travers une gestion prédatrice a livré la ville aux exploitants de tous acabits à la suite de la mesure gouvernementale de libéralisation de l’exploitation du diamant », poursuit ce notable, ancien dignitaire du régime de Mobutu passé à l’opposition. Depuis les années 1980, Mbuji-Mayi a acquis la réputation de « ville frondeuse », c’est l’un des bastions naturels de l’opposition dans le pays, avec Kinshasa et le Kongo-Central. À Mbuji-Mayi, la majorité de la population est udépésienne, mieux tshisekediste devant l’Éternel. Sur le mot d’ordre d’Étienne Tshisekedi, Mbuji-Mayi est devenue une « zone monétaire » à part, où ne circulait que les anciens zaïres, alors que le Nouveau Zaïre (NZ) créée en 1993 par le gouvernement Birindwa circulait dans le reste du pays.
Avec la faillite de la Générale des carrières et des mines (GECAMINES) dans les années 1990, la MIBA devient le seul soutien financier du gouvernement pour l’effort de guerre. La société minière s’essouffle et est au bord de la faillite. Et la crise financière internationale de 2008 à la suite de la chute des cours des matières premières est venue asséner le coup de grâce. Les agents de la MIBA ne sont pas les seuls à subir le contrecoup de la cessation d’activités, qui se répercute sur la ville. Tenez : la masse salariale à la MIBA était de 2.5 millions de dollars, qui étaient injectés directement sur le marché. Avec la faillite de la MIBA, poumon économique de la ville, la population a engagé la lutte pour la survie. Les uns descendent à Kinshasa tandis que les autres remontent vers le Katanga dont la reprise économique est assurée par les minings.
Les activités économiques sont en nette régression dans Mbuji-Mayi à cause de la baisse des activités liées à la vente de diamant et de l’exode de la population. Du coup, la ville n’est plus l’une des destinations de prédilection des compagnies aériennes. Celles-ci ont sensiblement réduit leur fréquence de vols par manque de passagers et de marchandises à transporter. Cependant, ceux qui sont restés dans Mbuji-Mayi gardent espoir. L’espoir de voir la ville renaître avec le refinancement de la MIBA. En 2010, l’année d’avant les élections, la dotation présidentielle avait suscité cet espoir. Mais que vaut encore la MIBA ?