À TERME, le complexe métallurgique produira par an 12 000 tonnes de cuivre et 2 200 tonnes de cobalt, avec un rendement de récupération autour de 70 % pour le cobalt. Jacques Kamenga Tshinyama, le directeur général de la Gécamines (GCM), explique : « Compte tenu de l’opportunité qu’offre le cobalt, la Gécamines a décidé de ne plus le considérer comme un produit fatal de la production du cuivre. Elle veut en devenir un grand producteur et vise, à moyen terme, de produire au moins 10 000 tonnes de cobalt par an. »
D’aucuns ont pensé que la situation de la GCM était « catastrophique et désespérée ». Un phénomène a alors pris de l’ampleur : des gisements de la Gécamines sont envahis par des creuseurs artisanaux illégaux, organisés parfois en coopératives, bénéficiant, dans certains cas, des soutiens en moyens mécanisés pourvus par des entreprises concurrentes qui achètent les produits issus de cette exploitation illégale. Heureusement, l’entreprise a bénéficié de l’assistance des autorités pour l’évacuation de ses sites. « Nous réitérons notre demande d’assistance car le phénomène perdure et semble s’amplifier et se pérenniser », déclare Jacques Kamenga.
La situation de la Gécamines « sans vraiment être catastrophique, ni désespérée » reste préoccupante avec des problèmes d’organisation. « Nous sommes bien conscients d’être restés une entreprise du passé, avec une structure en décalage des standards industriels internationaux. Nous avons ainsi décidé de prendre le problème par les cornes en mettant en œuvre une transformation profonde de la Gécamines en la dotant d’une organisation moderne, plus décentralisée, basée sur une logique d’unités productives (Business Unit), responsabilisées et autonomes dans la majorité de leur gestion courante », fait savoir le DG.
Les problèmes de gestion ont été abordés sans complaisance dans le plan d’action. L’équipe dirigeante a constaté qu’il y avait pléthore de personnel. Les effectifs actuels correspondent ceux d’une période où la Gécamines était dans sa splendeur. Aujourd’hui, cet effectif est excessif.
C’est pourquoi, elle a pris le courage de rajeunir le management. « Avec cette organisation plus moderne et un management engagé conduit par des jeunes dont le seul critère de sélection aura été la compétence, la Gécamines est sûre de porter, d’ici deux ans, le niveau de sa production au-dessus de son seuil de rentabilité situé à 36 000 tonnes de cuivre et environ 1 500 tonnes de cobalt par an et, dans cinq ans, à 100 000 tonnes de cuivre et à au moins 10 000 tonnes de cobalt par an », souligne encore le DG.
Dans cette nouvelle configuration organisationnelle, la géologie a été élevée au niveau de Direction et sera dotée des moyens techniques modernes pour mener rapidement à grande échelle la recherche en vue de mettre en évidence de nouvelles réserves géologiques, surtout celles de cobalt.
Rien que des partenariats innovants
Outre cette transformation en profondeur, poursuit Jacques Kamenga, la Gécamines a décidé de ne conclure à l’avenir que des « partenariats innovants et gagnants-gagnants » basés, selon le cas, sur le principe CET (construction-exploitation- transfert) ou BOT (built-operate-transfer) ou encore de partage de production, à l’instar de la pratique courante dans l’industrie pétrolière ». Le résultat est d’ores et déjà appréciable, au regard du partenariat avec le groupe chinois CNMC, à Kolwezi, pour la construction en mode BOT d’une usine moderne d’une capacité annuelle de 80 000 tonnes de cuivre et 5 800 tonnes de cobalt.
L’objectif est d’atteindre in fine une production de 200 000 tonnes de cuivre et 10 000 tonnes de cobalt par an. « Cette usine deviendra la propriété pleine et entière de Gécamines au terme maximum de 10 ans, délai jugé, au terme de nos négociations, suffisant pour la récupération de l’investissement », fait savoir le DG de la Gécamines.
Toujours dans cette nouvelle vision concernant les nouveaux partenariats, la Gécamines est en voie de conclure avec un grand groupe chinois spécialisé dans la production de batteries électriques un accord de partenariat pour un projet de partage de production basé sur les gisements de Kilamusembo et de Kingamyambo, près de Kolwezi. Ce projet représente un potentiel d’environ un million de tonnes de cuivre et 100 000 tonnes de cobalt. « La Gécamines est décidée à tirer le meilleur profit de ses participations actuelles, en renégocier dans un esprit d’équité, tous ses partenariats déjà constitués pour une migration vers des partenariats basés sur le partage de production », insiste Jacques Kamenga.
La nouvelle stratégie
Dans les années 1990, le rapport des cours cobalt/cuivre était de 1 à 2, rapport tout compte fait insignifiant, ce qui poussait les opérateurs miniers à focaliser plus la recherche géologique sur les gisements de cuivre. « Le cobalt venait de façon fatale dans le flow-sheet de production du cuivre.
À l’époque les perspectives d’usages industriels du cobalt se limitaient à quelques segments bien spécifiques pour lesquels le nickel venait parfois en concurrence », rappelle le DG de la Gécamines.
La donne a complétement changé, du fait de nouvelles perspectives du développement qu’offre le cobalt à l’horizon 2030 dans divers domaines de la technologie industrielle, notamment l’essor des véhicules électriques et le développement des smartphones. La République démocratique du Congo détient 66 % des réserves mondiales en cobalt. Elle est en légitime droit de saisir l’opportunité pour en tirer le meilleur profit.
Campagne de prospection
« La gestion du cobalt congolais devrait, pour ce faire, être encadrée par des mesures spécifiques pour qu’enfin les Congolais puissent jouir de retombées à la hauteur de son importance à l’échelle mondiale », pense le DG de la Gécamines. D’après lui, le fait de « considérer le cobalt comme produit stratégique, tel qu’édicté par le nouveau code minier, est un premier pas dans ce sens. »
La nouvelle Direction de géologie sera dotée des moyens techniques modernes et de pointe afin de lui permettre de mener, entre autres, une vaste campagne de prospection dans les périmètres miniers de la société. Objectif : améliorer la certitude dans la connaissance des réserves en général et celles du cobalt en particulier.
Cette campagne portera également sur les réserves récupérées du partenariat avec KCC aux termes des accords conclus en juin dernier. Sur les 10 000 tonnes de cobalt que la Gécamines s’est fixée de produire compte tenu du nouveau contexte du boum cobalt, la nouvelle usine de de Kolwezi, financée sur fonds propres à hauteur de 200 millions de dollars, exploitera les rejets de Kingamyambo et dont l’étude de faisabilité bancable est quasiment terminée, et contribuera à hauteur de 2 200 tonnes de cobalt.
Le reste proviendra, d’une part, de la quote-part de la Gécamines après le partage de production suite aux renégociations des partenariats actuels et à la volonté de la Gécamines de migrer vers un nouveau mode de gestion basé sur le principe de partage de production et, d’autre part du nouveau projet du Terril de Lubumbashi qui appartient désormais totalement à la Gécamines après qu’un accord a été trouvé avec le Groupe Malta Forrest.
Enfin, au-delà du volet production proprement dit, la Gécamines va soumettre au gouvernement, dans le cadre du positionnement stratégique du pays sur le marché des métaux, le projet de création d’une technopole, en synergie avec les universités et les instituts de recherche, à l’instar de ce que d’autres pays africains comme l’Afrique du Sud, le Maroc ont mis en place, et qui inclura la production des autres métaux tels que l’antimoine, le germanium, le magnésium, le gallium, l’indium, le lithium, le tantale, le niobium, les métaux du groupe de platine, les terres rares et le tungstène, etc.
« Ce qui évitera, par l’élargissement de cet éventail, de subir les chocs des aléas cycliques des cours du métal de dépendance déclaré stratégique, comme c’est le cas aujourd’hui pour le cobalt », explique le DG de la Gécamines.
Qui ajoute : « Ce projet intégrera la formation des jeunes congolais dans les nouvelles technologies telles qu’appliquées ailleurs dans le monde. En outre, il jettera les bases de l’implantation de nouvelles technologies de raffinage des métaux qui permettra d’augmenter la fabrication des produits finis de haute pureté et, de surcroît, de plus grande valeur ajoutée pour le pays. »
Par ailleurs, la Gécamines prévoit la modernisation de ses unités auxiliaires, notamment les ateliers, les laminoirs et câbleries, les usines de production des agrégats, en vue de couvrir ses besoins propres et d’offrir aux tiers des biens et services de qualité avec comme conséquence positive la réduction des coûts de production dans le secteur minier, par la diminution du recours à l’importation.
« Ces actions conduiront à l’accroissement des retombées attendues notamment par l’État et par nos populations du fait de la mise sur le marché des produits à plus grande valeur ajoutée. Nous saluons l’initiative du gouvernement du Lualaba d’accompagner les activités de la Gécamines par la réalisation des travaux de réhabilitation de l’Institut technique de Mutoshi.