TANDIS QUE le prix du baril de pétrole a chuté de près de 2 % en un mois, il semble que le scénario d’un effondrement des cours faute de demande n’est pas pour autant à envisager dans un avenir proche. Pour les experts de l’Agence Internationale de l’énergie (AIE), créée par les États-Unis et sous l’égide de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) après le premier choc pétrolier, le monde assistera dans les prochaines décennies à une augmentation de la demande de pétrole, bien que cette hausse soit modéré par plusieurs politiques nouvelles.
Le scénario central du volumineux rapport annuel de l’AIE, publié le mardi 13 novembre, présuppose que les États respecteront leurs engagements pris lors de la Conférence de Paris sur le climat en 2015, et prend également en compte les politiques nouvelles telle que l’annonce de juin dernier de la Chine sur son nouveau plan d’action en faveur d’un air plus pur.
Vers une pénurie d’ici 2025
Dans son rapport, le bras armé de l’OCDE pour l’énergie estime que la production d’or noir ne suffira pas à satisfaire une demande en constante augmentation à l’horizon 2025. En cause, la chute des investissements dans l’exploration et la production pétrolière depuis trois ans.
Pour son directeur général, Fatih Birol, « le risque est très sérieux », en particulier au moment où « le marché pétrolier entre dans une période où le rôle de la géopolitique se complique et l’incertitude augmente, ce que les investisseurs détestent par-dessus tout », explique-t-il au « Figaro ». Ce risque de pénurie pourrait déboucher sur « une nouvelle escalade des prix » du pétrole, avertit l’AIE.
La demande globale de pétrole continuera de croître jusqu’en 2040, particulièrement « tirée par les camions, les avions et bien plus encore par la pétrochimie », précise Fatih Birol. D’ici 2040, cette demande globale augmentera de 12 %, passant de 94,8 millions de barils par jour en 2017 à environ 106,3 millions, avec une hausse moyenne d’environ un million de barils par jour chaque année jusqu’en 2025 puis une croissance annuelle un peu moindre.
L’AIE table principalement sur des baisses conséquentes de consommation de pétrole des pays de l’OCDE, liés aux efforts d’économies d’énergie. Toutefois, cette baisse d’environ 0,4 million de barils par jour chaque année d’ici 2040, sera largement compensée par des hausses de consommation dans les pays émergents. Dans un premier temps, la Chine mènera la hausse de la demande jusqu’à 2025, puis ce sont l’Inde et le Moyen-Orient qui présenteront des besoins importants en pétrole entre la fin des années 2020 et 2040.
Alors que les États-Unis confortaient depuis quelques années leur position de premier consommateur de pétrole, la Chine devrait prendre la tête du classement d’ici 2040, avec une demande d’environ 15,8 millions de barils par jour. Pour les pays membres de l’Union européenne, la consommation de pétrole baissera de près de 43 % d’ici 2040, pour atteindre 6,4 millions de barils par jour.
Fait intéressant, l’Afrique avec ses 6,3 millions de barils par jour d’ici 2040, consommera alors presque autant que l’Union européenne. D’une part, la hausse de consommation sur le continent africain peut s’expliquer par le nombre de voitures sur les routes qui doublera d’ici vingt ans. D’autre part, pour l’UE ainsi que dans les économies développées, les seuls secteurs qui constateront une hausse de demande de pétrole sont celui de l’aviation et de la livraison.
De son côté, le Moyen-Orient deviendra le 3è plus grand consommateur de pétrole au monde, avec une augmentation de la demande de 43 % d’ici 2040, atteignant ainsi 10,6 millions de barils par jour, tiré principalement par la pétrochimie. Les prévisions de l’AIE soulignent également une forte hausse de la demande en Inde, avec une future augmentation de 100 %, notamment pour les camions qui tripleront leur consommation d’ici 2040.
La production augmente aux États-Unis, et dans l’OPEP
Côté offre, la production mondiale de pétrole devrait atteindre 103,4 millions de barils par jour en 2040, soit moins que la demande globale pour la même période. Ce sont les États-Unis qui fourniront près de 75 % de l’augmentation de la production globale de pétrole d’ici 2025. Puis, la production des membres de l’OPEP augmentera considérablement jusqu’en 2040, pour atteindre une part de marché de 45 % de la production globale. En outre, avec une production qui représentera en 2040 un quart de l’offre mondiale, l’Amérique du Nord dominera la production des pays non-membres de l’OPEP. Ces derniers produiront ainsi en 2040 55 % du pétrole mondial.
Au sein de l’OPEP, ce sont les pays du Moyen-Orient qui produiront dans deux décennies un tiers de la production mondiale, avec notamment l’Arabie Saoudite qui restera le deuxième plus grand producteur de pétrole derrière les États-Unis. L’Arabie Saoudite verra sa production augmenter de 10,8 % d’ici 2040, contre une hausse de 22 % pour les États-Unis. La production de pétrole de schiste aux États-Unis poursuivra sa croissance spectaculaire, et devrait représenter en 2040 40% de la production d’« huile » du pays. À l’inverse, l’offre d’or noir baissera progressivement sur les continents européen et africain, ainsi qu’en Russie et en Chine.
En Iran, les prévisions de l’AIE se sont légèrement affaiblies depuis les récentes sanctions des États-Unis sur les exportations de pétrole ainsi que les investissements étrangers. Mais les perspectives restent toutefois en faveur d’une hausse de la production de pétrole pour les années à venir au vu de nouveaux investissements attendus dans le pays, qui pourraient augmenter ses capacités de production sur le long terme.