CONFORMITÉ en français, ou compliance en anglais, désigne le respect des dispositions législatives et réglementaires propres à l’activité bancaire, des normes professionnelles et déontologiques ainsi que des orientations de l’organe délibérant ou des instructions de l’organe exécutif.
Compte tenu de la sophistication croissante des instruments financiers, des transactions transfrontalières et de la crise financière de ces dernières années, la compliance est le project ou le prospect au cœur de l’activité bancaire. Autrement dit, la sphère bancaire et financière se trouve aujourd’hui, plus qu’hier, face à ses défis que sont les exigences réglementaires de plus en plus complexes. C’est dire que la compliance ou la conformité réglementaire est une obligation désormais au cœur de l’activité bancaire.
Dans le secteur, tout le monde le sait, le risque de non-conformité est défini par le comité de Bâle comme un risque de sanction judiciaire, administrative ou disciplinaire, de perte financière, d’atteinte à la réputation, du fait de l’absence de respect des dispositions législatives et réglementaires, des normes et usages professionnels et déontologiques, propres aux activités des banques.
La compliance aide ainsi les banques à se protéger des risques de non-conformité et veiller à leur développement dans un environnement de risques maîtrisés. Elle aide aussi les banques à se conformer effectivement aux lois et aux règlements en vigueur ainsi qu’aux règles internes et aux normes éthiques tant au niveau national qu’international.
Blanchiment et terrorisme
La lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme sont une préoccupation mondiale. Elle touche aux transferts internationaux de fonds, notamment en dollar et en euro. Ces transferts soulèvent par ailleurs une question de fond : qui est derrière l’argent transféré ?
Pour ce faire, les banques sont tenues de s’entourer des principes, des règles et des procédures de prévention conformes aux standards internationaux, surtout dans les zones dites d’incertitude. Dans ces zones, les banques internationales estiment qu’elles ne peuvent pas y faire des transferts. Ce sont aussi les zones dans lesquelles les valeurs et la rentabilité sont jugées faibles.
Dès lors, on comprend que le risque est grand pour le secteur bancaire qui peut à tout moment être fiché dans une zone d’incertitude. Et dès lors, il est important pour une banque congolaise de se mettre sous les ailes d’une banque internationale (correspondant bancaire), en l’occurrence une banque américaine, du fait que nous utilisons le dollar dans les transactions économiques.
En clair, il faut accepter le mécanisme mis en place par les autorités américaines. Sinon, il faut travailler avec la Banque centrale pour les transferts internationaux.
La compliance tient à cœur l’Association congolaise des banques (ACB) qui fait de la détection des « opérations louches » son cheval de bataille. Il s’agit notamment pour les banques d’appliquer la règle d’or du KYC (Know Your Customer – Connaître son client), d’effectuer le contrôle et de faire la surveillance des opérations, d’appliquer les sanctions et les embargos ainsi que de signaler les transactions suspectes à l’autorité habilitée…
La lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, conformément aux standards internationaux, laisse entendre Yves Cuypers, le président de l’ACB et le président du comité de direction de la Banque Commerciale Du Congo (BCDC), permet aux banques d’entretenir des relations de confiance et de compréhension mutuelles avec les régulateurs, les autorités de contrôle, les correspondants bancaires, les clients et les autres parties prenantes.
Assainir donc le secteur
En 2012, il y avait dans notre pays 21 banques commerciales actives, et maintenant il ne reste plus que 15 acteurs. Et demain, peut-être encore moins si la santé du secteur se dégrade… C’est possible, peut-être que la santé va être assainie, ce qui est une bonne chose, au regard de quelques chiffres clés de 2018 que Deogratias Mutombo Mwana Nyembo, le gouverneur de la Banque centrale, a évoqués récemment.
Rien à faire, avec la conjoncture internationale, le secteur bancaire national est à un tournant. S’il n’est pas bien pris, l’avenir risque de n’être guère reluisant. Au traditionnel dîner annuel de l’ACB, le 15 février, son président, Yves Cuypers, a rappelé que l’événement est « un moment, un espace privilégié où nous (les banquiers) disons des choses ».
Eh bien, « les choses » qui ont été dites, cette soirée-là, avaient un tout autre sens aux yeux du numéro un de l’ACB. Son propos du jour a ressemblé à un déballage en règle, ou tout au moins en avait l’air. En tout cas, on a compris, l’heure est grave. Yves Cuypers s’est présenté, ce soir-là, non pas en président de l’ACB, comme il l’a souligné lui-même, mais en porte-parole de tous les membres de cette association corporative. La nuance était importante.
D’où, d’ailleurs, au-delà des vœux de paix et de prospérité qu’il a formulés à chacun d’eux, le président de l’ACB a lancé à la fin de son message un véritable appel à « faire bloc », à « être solidaires » parce que, a-t-il dit, « nous engageons une part importante et des finances et de l’économie du pays ». Et de poursuivre : « Mon souhait est que les choix que nous posons, rencontrent l’intérêt de tous et l’intérêt de l’économie ». C’est tout dire !
Le secteur vient de loin
En 2016, le secteur bancaire congolais a connu un recul. Il a un peu marqué le pas après 15 années de croissance continue, entre 25 % et 35 % par an de croissance annuelle moyenne, selon des critères qui avaient été retenus à l’époque. C’est donc grâce notamment aux réformes lancées par le gouvernement pour redresser le cadre macroéconomique, améliorer la gouvernance économique, assainir le secteur financier et relancer la croissance que l’architecture financière du pays a connu d’importantes améliorations pendant cette période.
Pour preuve, le nombre des banques commerciales avait sensiblement augmenté, plusieurs autres types d’institutions financières, institutions de microfinance (IMF), coopératives d’épargne et de crédit (COOPEC), messageries financières… se sont développés et le taux de bancarisation s’est accru.
En chiffres, on avait quelque 18 banques commerciales, une banque de développement (SOFIDE), une institution spécialisée dans le financement de l’industrie (FPI), trois sociétés financières, une société d’assurance (SONAS) et un Institut national de sécurité sociale (INSS), cent quarante-neuf institutions financières de proximité (qui incluent 126 coopératives d’épargne et de crédit et 23 institutions de microfinance), quarante-trois messagères financières, seize bureaux de change, et trois établissements de monnaie électronique (EME), filiales des opérateurs de télécommunications (Airtel Money, Vodacash puis M-Pesa et Tigo Cash puis Orange Money), qui proposent des produits de mobile banking.
Ces performances s’expliquent, d’une part, par l’amélioration de la supervision du système financier (grâce à un réaménagement du cadre légal et réglementaire et à un renforcement des normes de gestion prudentielle), le redressement des banques en difficultés, et la liquidation des banques et COOPEC dont les perspectives de redressement étaient totalement compromises, et, d’autre part, par le développement des activités économiques, avec un taux de croissance moyen de 6 %. Cependant, comme le dit Yves Cuypers, les banques ont connu en 2017 une « année difficile », même si le gouverneur de la Banque centrale a estimé pour sa part que 2017 a été « meilleur » que 2016.
Les attentes de la profession
Depuis l’année passée, la profession se préoccupe de « la déductibilité fiscale des provisions ». Pour le président de l’ABC, « il s’agit de préciser les conditions de cette déductibilité fiscale ». En tant que tel, Yves Cuypers a souhaité l’adéquation de la loi avec son texte d’application, d’une part, et avec les instructions prudentielles de la Banque centrale, d’autre part. « Si nous n’avons pas ce parallélisme, nous risquons, nous les banques commerciales, de nous retrouver dans une situation schizophrénique. »
Autrement dit, une situation de « devoir gérer en même temps une chose et son contraire. » Or, dans le métier de banquier, les définitions et les références sont claires et nettes en matière de provisions. « Elles relèvent et répondent à des normes internationales et elles sont unanimement mises en œuvre dans toutes les banques du monde entier », a interpellé le président de l’ACB.