Pour les banques, un peu d’audace pourrait même leur permettre prendre leur revanche sur les opérateurs télécoms et leur Mobile Money.
Bientôt, pour les populations africaines, les réseaux sociaux ne seront plus uniquement un outil qui renforce le pouvoir de communication, d’accès à l’information ou de mobilisation. Après avoir contribué à libérer la parole des communautés face aux injustices ou la mal gouvernance, après avoir brisé le contrôle des gouvernements sur l’accès à l’information et la diffusion des idées, les réseaux sociaux devraient bientôt contribuer à faire avancer davantage l’inclusion financière sur le continent.
Lors du MEST AfricaSummit, tenu du 18 au 20 juin 2018 à Cape Town en Afrique du Sud, Julien Decot, le directeur de la plateforme des partenariats de Facebook pour la région Europe, Moyen-Orient et Afrique (EMEA), annonçait l’exploration par WhatsApp d’un service de paiement.
Le nouveau service est en phase de test depuis février 2018 en Inde, où l’application compte près de 200 millions d’utilisateurs, et l’Afrique est dans son viseur. « Nous le ferons en Afrique aussi. Quoi qu’il en soit, cela dépend de la rapidité avec laquelle nous pouvons le faire. WhatsApp est à une échelle où la réglementation est délicate », avait déclaré Julien Decot qui soulignait « qu’avec WhatsApp, plus d’un milliard de personnes pourraient déplacer énormément d’argent dans le monde entier et ce mode de transaction financière pourrait facilement devenir dominant en Afrique subsaharienne où WhatsApp est encore largement le réseau social par défaut ».
Avant WhatsApp, c’est SnapChat qui avait, le premier, fait irruption dans le transfert d’argent. Le service SnapCash, lancé en 2014 par le réseau social, ciblait uniquement les Américains. Or, Facebook a pensé plus grand. La société avait lancé son service de transfert d’argent par Messenger en mars 2015 aux Etats-Unis, avant de l’exporter au fil des années en France et en Angleterre. Une possible introduction en Afrique avait été évoquée, mais sans plus de détails. Le réseau social chinois WeChat s’est également lancé dans le transfert d’argent. En novembre 2015, il avait signé un accord de partenariat avec Western Union permettant aux utilisateurs américains d’envoyer de l’argent dans les points de retrait d’argent Western Union de 200 pays.
Hormis le transfert d’argent direct entre particuliers, les réseaux sociaux pourraient aussi aider les banques à innover tout en jouant la carte de la proximité avec les consommateurs.
Une audace dont fait déjà preuve quelques institutions et qui pourrait leur permettre de tacler les opérateurs télécoms qui ont grignoté pendant longtemps de belles parts de marché du secteur financier avec le Mobile Money. Battues à plate couture sur leur propre terrain par les opérateurs télécoms, les banques, qui n’ont pu que suivre la tendance de la banque mobile avec beaucoup de retard, pourraient tenir leur revanche sur les sociétés télécoms avec les réseaux sociaux.
Banques en ligne de mire.
La banque par WhatsApp qui fait ses premiers pas en Afrique affiche en effet un beau potentiel de croissance au regard du fort intérêt de la population africaine, en majorité jeune, pour les réseaux sociaux.
Grâce à un taux de pénétration en constante augmentation, le mobile, qui est également le moyen le plus prisé pour accéder aux réseaux sociaux sur le continent, pourrait permettre aux banques de reprendre le contrôle total du secteur financier. Un sacré pied de nez à leurs rivaux des télécoms.
L’Afrique, c’est actuellement 135 services Mobile Money déjà en activité, représentant 338,4 millions de clients.
En 2017, l’Association mondiale des opérateurs télécoms, dans son dernier rapport sur l’industrie mondiale du paiement mobile, estimait à 1,2 milliard le volume de transactions financières totalisé par l’Afrique pour une valeur financière estimée à 19,9 milliards de dollars US. Le continent, c’est également 473 millions d’utilisateurs d’Internet dont 202 millions d’utilisateurs de réseaux sociaux via mobile sur un total de 216 millions enregistrés. Un chiffre qui devrait croître au fil du temps avec l’amélioration des réseaux télécoms à haut débit travers l’Afrique.
Quelques banques audacieuses ont déjà flairé le filon et se sont lancées sur le segment encore nouveau, mais qui pourrait s’avérer être la prochaine évolution de la banque en ligne et de proximité. En novembre 2018, le groupe Clickatell a permis à la FirstBank du Nigeria de démarrer le Chat Banking sur WhatsApp. L’innovation donne l’opportunité à des millions de nouveaux clients de la banque, d’expérimenter un moyen d’accéder de manière sécurisée aux services bancaires de jour en jour à travers cette application. « Cette fonctionnalité permet aux clients de FirstBank de gérer leurs besoins bancaires au sein de leur conversation WhatsApp avec la même efficacité que l’USSD. Les clients peuvent ajouter le numéro de téléphone WhatsApp publié de First Bank ou un lien direct pour accéder au profil ‘’Vérifié’’ de First Bank afin de commencer une session sécurisée de Chat Banking », soulignait Clickatell qui précisait que la nouvelle application, FirstBank peut offrir à ses clients une gamme complète d’options bancaires pouvant être lancées via WhatsApp.
Les clients peuvent y vérifier leur solde, effectuer des virements et des paiements ainsi que bénéficier à divers autres produits et services numériques accessibles instantanément.
Avant FirstBank, c’est Union Bank of Africa (UBA) qui s’était offert les services de ClickatellTransact pour offrir de la banque par WhatsApp. En mars 2019, l’innovation s’est déportée au Zimbabwe où Steward Bank l’a adopté avec le soutien technique de Facebook, maison-mère de WhatsApp.
Depuis 2013, de nombreuses études menées au Kenya, en Tanzanie ou encore en Inde démontrent clairement que les réseaux sociaux joueront un rôle prépondérant dans l’accroissement des revenus du secteur bancaire. Selon l’Association des banquiers américains, « il faudrait être fou pour ne pas utiliser les réseaux sociaux pour fidéliser les clients et en gagner de nouveaux », quand les chiffres sur le volume d’utilisateurs de ces plateformes sont si convaincants. C’est très peu de frais engagés et la possibilité d’atteindre un public large et en croissance rapide.