DANS l’architecture financière de la République démocratique du Congo, les fonds de pension ou de retraite, les fonds d’investissement et les marchés financiers constituent pour le moment les chaînons manquants. Dans les années 1990, les fonds, de pension et/ou d’investissement, surtout américains, ont été diabolisés en Europe, comme étant le bras armé des États-Unis pour contrôler le capitalisme mondial. Malgré les critiques sur les pratiques des fonds, aujourd’hui, de plus en plus, dirigeants de fonds, banquiers, managers d’entreprise, experts sont à peu près unanimes : les fonds et leurs cagnottes de plusieurs milliards de dollars sont une chance.
« Ils sont un moyen de ranimer les parties dormantes de l’économie qu’ils dynamisent d’un point de vue financier mais aussi économique et social », si l’on en croit Michel David-Weill, l’ancien patron de la banque Lazard qui se confiait aux Échos. Les fonds, poudre de perlimpinpin pour capitalisme défaillant, apporteraient l’expertise et les financements qui font défaut.
Le fonds d’investissement
Patrick T. Onoya est lobbyiste, stratégiste et président du cabinet c3 Le Patron, spécialisé dans le connecting, le consulting et le coaching. Jeudi 18 avril dernier, au Cercle français de Kinshasa, lors d’une rencontre des entrepreneurs congolais sous le label de Get Together, il a parlé du processus d’accès à un financement de la part d’un fonds d’investissement. Patrick Onoya travaille pour des hommes d’affaires et des fonds d’investissement américains dont il fait la promotion, notamment dans le cadre du drainage des investissements us en République démocratique du Congo.
À partir de quel moment peut-on recourir à un fonds d’investissement pour financer son projet ? D’après Patrick Onoya, c’est la question fondamentale : « Tout part de la définition ou des catégories des banques existantes. » En RDC, explique-t-il, il y a la présence de plusieurs banques commerciales. La différence entre les différents types de banque se situe au niveau de la prise de risque qu’il faut gérer dans le cadre des affaires.
De ce point de vue, les banques commerciales gèrent le risque direct, c’est-à-dire elles sont intéressées à ne financer que les projets à court terme (un à trois ans) pour lesquels la visibilité est nette, ni à s’impliquer dans l’activité du demandeur de financement. En d’autres termes, fait remarquer ce lobbyiste et stratégiste, il y a des projets qui n’intéressent pas les banques commerciales pour la simple raison que leur financement est « prolifté ». « C’est cette catégorie des projets jugés liftés et qui portent en eux des risques différés, c’est-à-dire étalés sur trois à cinq ans, qui sont financés par les fonds d’investissement », souligne-t-il.
Le problème avec les banques commerciales, insiste-t-il, est dans l’information : « Le demandeur ne parvient pas toujours à réunir le maximum d’éléments d’information exigés par la banque, notamment la fameuse garantie, notamment la garantie de premier ordre qu’est l’hypothèque. Par exemple, si vous sollicitez un financement de 500 mille dollars, l’hypothèque doit représenter le double, soit un million de dollars. Si c’est une hypothèque immobilière, ça signifie que l’immeuble doit être vendu à ce montant-là. »
Donc, déduit Onoya, avec les banques traditionnelles, ce n’est pas toujours évident d’avoir l’argent ou le financement que l’on sollicite. « On ne peut pas se permettre un certain rêve lorsqu’on a une seule banque commerciale devant soi », fait-il remarquer. C’est pourquoi, en ce qui concerne les projets dont les banques commerciales ne sont pas les mieux placées, il conseille de se tourner vers les fonds d’investissement. « On a besoin de financement d’un fonds d’investissement à partir du moment où l’on a un projet qui sort du cadre de financement d’une banque commerciale », explique-t-il.
Taux d’intérêt très bas
Généralement, les fonds d’investissement américains offrent des taux d’intérêt très bas (3 % à 6 % annuels) avec un délai de remboursement étalé sur vingt à vingt-cinq ans. Alors qu’en RDC, les banques commerciales appliquent des taux compris entre 15 % et 18 %). « À la différence des banques commerciales, les fonds d’investissement n’exigent pas d’hypothèque. Ils ont leur manière de gérer le risque, à travers ce qu’on appelle la prise de participation dans l’actionnariat de l’entreprise afin d’avoir un certain contrôle dans l’activité pour avancer avec le porteur du projet », fait-il comprendre.
Avec les fonds, le porteur de projet doit avoir au moins 5 % à 10 % du montant du financement sollicité. Néanmoins, poursuit Patrick Onoya, il faut investir suffisamment dans la production de l’information, notamment le business plan, les contrats déjà signés avec les clients… afin de rassurer que ce que l’on va produire, va être écoulé. Il faut aussi faire preuve de maîtrise du projet et démontrer que l’argent investi sera remboursé selon différentes possibilités.
Enfin, les fonds d’investissement ont également la caractéristique d’être sectorisés, notamment dans l’immobilier, les mines, l’énergie, l’agriculture, l’industrie… Parlant de fonds d’investissement américains, Patrick Onoya précise qu’ils sont très influencés par les économies modulaires, c’est-à-dire ne se limitant qu’à un certain niveau de la chaîne. « Ils ne font pas les affaires dans un pays où l’économie n’est pas structurée, et où les organisations intermédiaires n’existent pas. Or, ces organisations ne peuvent être créées que sur base de synergies (plateformes) qui aideront les fonds d’investissement à financer facilement des projets. Cela devrait exister dans tous les pays à économie capitaliste, conclut-il.