PRÈS DE TROIS mois après avoir conclu avec la filiale congolaise de l’armateur Maersk l’accord sur la fiche électronique de renseignement à l’importation (FERI), pour toute cargaison à destination de la République démocratique du Congo, l’Office de gestion du fret multimodal (OGEFREM) rend également obligatoire l’obtention de la fiche électronique de renseignement à l’exportation (FERE). Établissement public, l’OGEFREM, a, pour ce faire, conclu un partenariat avec trois firmes étrangères : la chinoise Golden Coast Port Group, l’italienne AgenziaGenovege et la namibienne African Union Cargo. Le volet financier de ces différents partenariats n’a pas été rendu public, sinon l’Office annonce avoir cédé à Golden Coast Port Group les soins d’assurer, au départ de la Chine, la couverture et la traçabilité du fret à destination de la RDC.
Et dans le cadre du contrat de mandat spécial que l’OGEFREM a signé avec Golden Coast Port Group, il y a aussi l’ouverture d’un centre d’information économique et commerciale à Shanghai, l’une des plus grandes places financières au monde.
Donc, la RDC a pied sur terre à Shanghai, selon Patient Sayiba Tambwe, le directeur général de l’OGEFREM. Seulement voilà, la firme chinoise ne compte pas parmi les 50 grands opérateurs mondiaux du secteur. Le choix du lilliputien Golden Coast Port Group est sans doute dû au petit volume du fret géré par l’Office.
Mandataires spéciaux
Cependant, pour son DG, l’objectif du contrat conclu avec Golden Coast est de renforcer le système de traçabilité du fret congolais, du fournisseur jusqu’au consommateur, et tenir des statistiques fiables en vue de mieux promouvoir le commerce extérieur. L’OGEFREM avait précédemment signé deux autres contrats de mandataire spécial : l’un avec la société italienne Agenzia Genovege, pour la gestion du fret congolais au départ de la zone Europe, de la Turquie et des Émirats arabes unis ; et l’autre, avec la firme namibienne African Union Cargo, pour ce qui est du fret au départ de l’Afrique australe (Afrique du Sud, Namibie, Zimbabwe, etc.).
Ces contrats sont valables pour une période de trois ans renouvelables. Leur évaluation se fera deux fois l’an selon les échéances convenues entre les parties.
Bien que tourné vers la multimodalité à la suite de la réforme des entreprises du portefeuille de l’État lancée en 2009, l’OGEFREM focalise encore l’essentiel de ses activités sur le commerce maritime, comme par le passé. Et par souci de rentabilité de l’unique armateur public congolais de haute mer, les Lignes maritimes congolaises (LMC), certains experts nationaux du commerce maritime ont longtemps émis l’idée d’un rapprochement, sinon d’une fusion de deux entreprises.
L’idée avait même germé à l’époque où l’État comptait fusionner également les services fiscal (DGI) et parafiscal (DGRAD). Une ligne budgétaire de 35 millions de dollars a été prévue pour doter l’armateur public d’un navire de haute mer. Hélas. L’État, encore actionnaire unique de deux entreprises, ne s’est jamais véritablement investi dans le domaine maritime, sinon que de promesses mirobolantes.
Subventions… un mirage
Le gouvernement a prévu, pour 2019, une subvention de 260 milliards de nos francs, soit 148 758 439,18 dollars au taux budgétaire de 1 747,8 FC/le dollar, notamment aux LMC. Selon José Makila Sumanda, vice-1ER Ministre et ministre des Transports et des Voies de communication, le gouvernement comptait doter LMC, ex-CMDC, anciennement CMZ, de trois navires cargo polyvalent ou multipurpose et de 2 000 conteneurs. Selon nos sources, au terme du premier semestre 2019, le gouvernement en était encore en quête de l’entreprise ou du groupe d’entreprises devant fournir aux LMC les 3 navires polyvalents.
À ce jour, les LMC louent, dans le cadre d’un partenariat, on ne peut plus obscur, avec le belge Marinvests des navires au coût de 10 000 dollars le jour, a-t-on appris, il y a quelques mois de la direction générale à Kinshasa. En d’autres termes, les LMC dépensent environ 150 000 dollars à chaque voyage Anvers-Boma-Matadi. L’armateur public organise deux rotations le mois. Les LMC devraient également être dotées de 2 000 conteneurs dont 1 450 conteneurs secs 20 pieds, 400 conteneurs secs 40 pieds et 150 conteneurs frigorifiques 40 pieds. Avec des navires polyvalents (multipurpose), les LMC ont dans le viseur l’Afrique du Sud, la côte ouest-africaine, le Moyen et Extrême Orient, le trafic méditerranéen. En fait, les LMC ciblent, en pratique, les lignes pour lesquelles l’OGEFREM a attribué des marchés à Maersk et autres firmes précitées. Par ailleurs, les LMC ont également perdu un juteux marché faute de navire approprié : le transport des hydrocarbures.
Toutefois, elles demeurent encore l’épine dorsale du commerce extérieur de la RDC comme par le passé. Les LMC rêvent, en fait, de leur gloire d’antan. Aussi, elles ambitionnent de passer dans le multimodal. Après les transports maritime et routier, encore timide et limité à quelques camions citernes, l’ex-CMZ vise la voie ferrée.
L’OGEFREM a réussi cette mutation, voilà pratiquement 10 ans, mais se heurte toujours à un lobbying des opérateurs économiques de la Fédération des entreprises du Congo (FEC) qui s’active à ramener l’Office de gestion du fret multimodal à son objet social d’avant la réforme des entreprises du portefeuille, donc uniquement au fret maritime. Instrument privilégié du commerce extérieur de l’État congolais, les LMC ont la latitude de sceller des joint-ventures avec des partenaires privés.