DE 500 FC la bouteille de 750 ml, certains producteurs de la place ont réduit le prix à près de 50 %, soit 300 FC. Une usine de la place a, elle, revu le coût de sa bouteille de 1,5 l de 1 000 à 5 00FC. Une autre société, qui vend de l’eau pour nourrisson dans une bouteille de 2,5 l, a revu son prix de 5 000 à 2 000 FC. Le 10 octobre dernier, sur la place Kintambo Magasin, un homme, la trentaine, et un élève ont renvoyé aussitôt qu’ils avaient ingurgité en rasade de l’eau en bouteille. « On dirait du sel… », s’est écrié l’élève, alors que l’autre consommateur parlait de goût de javel.
Ce n’est pas seulement à Kinshasa que l’on doute de plus en plus de la qualité de l’eau en bouteille. De l’avis des experts de l’Association pour un contrat mondial de l’eau (ACME), les opérations de marketing priment sur les normes Eaux destinées à la consommation humaine. Les eaux de table, d’après l’ACME, sont généralement beaucoup trop minéralisées pour être consommées à longueur de journées ou même pour obtenir l’appellation « potable ». L’eau en bouteille n’est pas plus protégée de la pollution que l’eau du robinet. Sur 21 eaux minérales testées par le magazine « Que Choisir », seules 5 étaient inférieures à la limite de 1 500 mg/l évoquée par le corps médical comme étant la limite à ne pas dépasser (alors que les naturopathes évoquent plutôt la limite des 200 mg/l et les bio-électroniciens 50 mg/l!)).
Une autre enquête menée aux États-Unis a révélé que certaines marques d’eau embouteillée renfermaient les mêmes contaminants que l’eau du robinet, d’après Environmental Working Group et Drinking Water-Bottled Water Quality Investigation. Et pour cause: 40 % de l’eau distribuée en bouteille dans le monde serait en fait de l’eau du robinet à laquelle ont été rajoutés des minéraux!
Tant pis pour vous !
À Kinshasa, il est des producteurs qui se cambrent d’avoir fait tester et attester de la qualité de leur eau par l’Office congolais de contrôle (OCC). Mais d’aucuns doutent même du sérieux de l’OCC, quand on sait la précarité des agents de cet établissement public qui accusent des arriérés de salaires en termes d’années, et les présomptions de complicité qui pèsent sur l’Office sur l’écoulement des produits périmés. Et pourtant, « c’est comme du pétrole! », s’exclame Serge, revendeur d’eau en bouteille et de jus sur la Place commerciale, 7è Rue Limete. Qui se félicite de ses ventes quotidiennes.
Les eaux de table rapportent si bien qu’une nouvelle unité de production aurait pour propriétaire, selon les revendeurs à la sauvette, le long de grandes artères de la capitale, une dame de renommée. De par leurs étiquettes des eaux de table et des jus vendus sur le marché local rappellent le Canada, les États-Unis, l’Egypte, etc. Et pourtant, tous ou presque sont des made in Kingabwa, ce quartier industriel de la commune de Limete (Est de Kinshasa) ou encore des produits des PME installées dans le Kongo-Central, aux bordures de la route nationale RN1, axe Matadi-Kinshasa. La barre symbolique de 500 000 hl d’eaux de table a été officiellement atteinte en 2018, selon le rapport du ministère de l’Industrie.
Mais la Direction générale des douanes et accises (DGDA) table en moyenne sur une production minimale de 460 807 hl et 3 058 485 hl de limonades et jus pour lesquelles la DGDA compte percevoir autour de 15 millions de dollars de droits d’accises l’an. Les mêmes produits mais importés ne rapporteraient qu’en moyenne 2 millions de dollars à la douane.
Libanais contre Indopakistanais
L’industrie des eaux de table et produits connexes reste concentrée entre les mains des expatriés (Aqua Cool, Aqua Rim, Abeer, Canadian, American…) généralement indopakistanais et libanais. Certains nationaux financés par le Fonds de promotion de l’industrie (FPI) se sont aussi lancés dans l’aventure. C’est le cas de l’eau de table estampillée « Ma vie » produite au Kongo-Central. Son promoteur aurait reçu sans appel d’offre officiel la distribution exclusive dans les institutions publiques dont la primature.
Ce contrôleur de la DGRAD fait aussi remarquer que les eaux de table produites par des Indopakistanais, par exemple, ne sont distribuées que dans des magasins et restaurants tenus par des Indopakistanais, il en est de même pour des Libanais. « Vous ne verrez jamais Aqua Cool servi dans un resto des Libanais. Ou encore Canadian dans un restaurant pakistanais ou indien. Il en est de même pour ce qui est des jus », poursuit-il. Le ministère en charge des ressources hydrauliques et la DGRAD perçoivent en moyenne 200 millions de FC l’an au titre de redevance sur les eaux minérales et minéralisées, commercialisées ainsi que les eaux thermales.
Selon le ministère de l’Industrie, les eaux de table se distinguent, en effet, de par leurs sources. Ainsi, pour l’exercice clos 2017, l’autorisation d’exploitation des eaux naturelles de surface ou souterraines a rapporté 128,3 millions de FC alors que l’autorisation de recherche des eaux naturelles, minérales et thermales, quelque 9.3 millions de FC. Cependant, pour des observateurs, à Kinshasa, nombre des fabricants d’eaux de table ne recourent qu’à l’eau distribuée par la REGIDESO à laquelle ils ajoutent des purifiants d’eau. Le tour est joué.