CETTE année, le marché boursier américain a affiché une dynamique impressionnante. L’indice boursier S&P 500 a dépassé la barre des 3 100. Cependant, selon Morgan Stanley, le marché repartira bientôt à la baisse et d’ici fin 2020 le S&P 500 reviendra à 3 000. Les perspectives du dollar ne sont pas non plus très positives. Selon les prévisions de la banque d’investissement, sa chute constituera l’une des principales tendances de l’année prochaine. « La monnaie américaine sera touchée par le ralentissement de l’économie dans le pays, la reprise de la croissance en dehors des États-Unis et la réduction de l’afflux des investissements de portefeuille », indiquent les analystes de Morgan Stanley.
Les pressions de Trump
Le changement de la politique de la Réserve fédérale (Fed) aurait également un impact. « Donald Trump exige constamment que la Fed affaiblisse le dollar et adopte des taux négatifs, ce qui réduira fortement le rendement des actifs en dollars », indique Hans Redeker, le principal stratège monétaire de Morgan Stanley. Donald Trump a de nouveau fait pression sur Jerome Powell, le président de la Fed, en exigeant du régulateur de baisser davantage le taux. « Le taux directeur est trop élevé par rapport aux autres pays – nos concurrents. En réalité, les taux chez nous doivent être plus bas par rapport à tous les autres. Un dollar trop fort nuit aux producteurs et à la croissance ! », a écrit le chef de l’État américain sur Twitter.
Cette année, on a observé un afflux significatif d’investissements étrangers dans la monnaie américaine. Depuis janvier, l’indice du dollar reflétant sa valeur par rapport aux principales monnaies mondiales a augmenté d’environ 4,9 %. Mais le cap sur la baisse des taux engagé par le régulateur depuis juillet force les investisseurs à chercher un plus grand rendement sur d’autres marchés. Ainsi, d’ici fin 2020, l’indice du dollar passera de 97 points actuellement à 81, prédit la Morgan Stanley.
Autre facteur: l’Europe, le Japon et la Chine investissent de moins en moins sur les marchés financiers mondiaux, ce qui diminue la demande pour le dollar. « Les États-Unis connaissent un déficit du budget et du compte des transactions courantes – l’État a besoin d’acheteurs d’obligations. Quand vous créez de la dette, il faut que certains veuillent l’acheter. Ce n’est pas simple si l’accessibilité globale du capital chute fortement », soulignent les experts de la banque d’investissement. Il est de plus en plus difficile de financer le déficit budgétaire, qui a atteint presque 1 000 milliards de dollars.
Un immense déficit
La société américaine Jeffries met en garde: un sursaut du déficit budgétaire est envisageable prochainement à cause de la présidentielle de 2020. Il y a des craintes que l’écart déjà colossal entre les recettes et les dépenses augmente fortement avec l’arrivée au pouvoir d’un nouveau président. Selon les analystes, cela pourrait plonger le dollar dans une longue période d’affaiblissement. « En fin de compte le résultat sera le même : des dépenses démesurées du gouvernement. Si le marché prenait conscience que l’état des finances publiques était proche du stress suite aux actions du président suivant, le dollar faiblirait à court terme », précise Jeffries.
La baisse du dollar par rapport au yen, à l’euro et à la livre en 2020 est également prédite par la Bank of America. Selon cette dernière, l’euro augmentera jusqu’à 1,15 dollar (1,1 dollar actuellement)., Une autre grande banque d’investissement, Goldman Sachs, indique dans la revue Global Macro Outlook que la croissance modérée de l’économie américaine et la faible activité économique en Chine prémunissent encore contre des « grandes ventes » du dollar, mais qu’à long terme des changements sont inévitables.
« Une reprise plus stable dans la zone euro, la réduction significative des taxes sur les importations de Chine et la baisse du taux par la Fed sont des risques évidents qui pourraient pousser le dollar à la baisse », indique le texte. Comme l’expliquent les analystes de Goldman Sachs, les plus grandes craintes sont suscitées par le dollar « international », qui reflète son rôle en tant que monnaie de réserve mondiale. L’accélération de la croissance économique mondiale l’an prochain exercera une forte pression à la baisse sur ce dernier. La banque s’attend à une « baisse modérée » du cours – de 1,5-2 %.
La Réserve fédérale américaine s’est trouvée dans l’obligation d’intervenir à trois reprises les 17, 18 et 19 septembre 2019 pour injecter 203 milliards de dollars dans le marché monétaire et ainsi éviter une pénurie de liquidités. Un « problème technique » qui laisse pourtant planer le spectre de la crise de 2008. C’est une première depuis 10 ans. La Fed a dû intervenir en injectant au sein du marché monétaire la bagatelle de 53 milliards de dollars le 17 septembre et de 75 milliards les deux jours suivants.
Ce marché regroupe des institutions financières et des entreprises qui se prêtent et empruntent à très court terme, d’un jour à un an. Divers instruments financiers y sont échangés, allant des bons du Trésor émis par les gouvernements jusqu’aux billets de trésorerie émis par des entreprises privées, en passant par les pensions sur titres appelés « repo », pour « repurchase agreement » dans le jargon financier.
Le but de cet outil pour les entreprises et les banques est d’emprunter ou de prêter des fonds à très court terme en mettant en hypothèque des titres jugés très sûrs par les agences de notation, comme les bons du Trésor. Dès le lendemain, les emprunteurs doivent rembourser la somme et s’acquitter des intérêts. Les taux utilisés sont habituellement dans le sillage de ceux de la Fed, c’est-à-dire entre 2 et 2,25% avant l’annonce le 18 septembre d’une nouvelle baisse des taux, qui les font désormais évoluer entre 1,75% et 2%. Mais dès le 16 septembre, un vent de panique a soufflé sur la rue du Mur. Les taux d’intérêt sur le marché monétaire se sont envolés pour atteindre jusqu’à 10% le 17 septembre. Une configuration qui assèche la liquidité nécessaire à de nombreuses entreprises et institutions financières et peut potentiellement causer des ravages au système financier. Raison de l’intervention en urgence de la Fed.
Optimistes vs pessimistes
Personne ne semble l’avoir anticipé, pas même la Fed, comme le note Gregori Volokhine de Meeschaert Financial Services auprès de l’AFP. Selon le Monde, les explications sont multiples: « D’abord, les entreprises américaines devaient payer leurs impôts le 15 septembre, ce qui a réduit la quantité de dollars disponibles. Ensuite, le Trésor américain, dont les déficits s’envolent, a procédé à des adjudications qui devaient être réglées lundi à hauteur de 78 milliards de dollars et les banques, en les souscrivant, ont dû consommer leurs réserves en dollars. Enfin, ce même Trésor avait un niveau extrêmement bas de réserves auprès de la Fed (184 milliards de dollars le 11 septembre, contre 400 milliards, en moyenne, depuis 2015) et il aurait été tenté de remonter le niveau de son compte en banque après que le plafond de la dette a été relevé par le Congrès. »
Gregori Volokhine résume : « Il semble que beaucoup de cash soit sorti du système ces derniers jours et que la demande en dollars était plus importante que le nombre de dollars en circulation ».
Cet événement fait ressurgir le spectre de la crise de 2008 alors que plusieurs observateurs prévoient un tsunami financier dans un avenir proche. Ce n’est pas le cas de l’analyste à la Société Générale Kit Juckes, pour qui ce qui s’est passé avec la Fed est « bien plus un problème de plomberie causé par un changement soudain dans les dynamiques d’offre et de demande en bons du Trésor que le symptôme d’une menace fondamentale pour le système ou l’économie mondiale ».