L’OBJECTIF escompté pour les pays africains était de se mettre en réseau et échanger les informations sur les approches innovantes visant le développement du secteur pharmaceutique sur le continent et de s’impliquer davantage dans toutes les initiatives en cours dans le cadre de l’AUDA (NEPAD) sous son objectif « Industrialisation, Innovation & Sciences ». L’enjeu est de taille car une industrie pharmaceutique viable en Afrique n’impactera pas seulement le système sanitaire africain et sa capacité à répondre aux besoins de santé de sa population, mais contribuera également au développement socio-économique global du continent.
RDC absente
Cette année à Marrakech, il y a eu plusieurs interventions, notamment celle de hauts experts de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), de l’Agence de développement de l’Union africaine (NEPAD-AUDA) et de la Commission de l’Union africaine (AUC). Ces experts et leurs partenaires ont présenté en détail les importantes initiatives du « Plan de fabrication pharmaceutique pour l’Afrique » (PMPA).
Il y a eu aussi plusieurs pays invités : l’Afrique du Sud, l’Algérie, le Burkina Faso, le Cameroun, le Canada, la Côte d’ivoire, l’Espagne, la France, le Gabon, la Guinée, le Kenya, le Luxembourg, le Mali, le Maroc, la Mauritanie, le Nigéria, la Russie, le Sénégal, la Suisse, le Togo, la Tunisie, l’Ukraine, le Zimbabwe. La République démocratique du Congo n’a pas été représentée à ce grand rendez-vous. On ne peut que le regretter.
Le Meeting Pharma Africa ambitionne notamment de familiariser les professionnels africains de la santé avec les initiatives du NEPAD-AUDA et de l’AUC sur l’harmonisation des réglementations pharmaceutiques (AMRH) et l’Agence africaine des médicaments (AMA). Que le Plan de fabrication pharmaceutique pour l’Afrique soit présenté au Maroc, c’est tout un symbole. En effet, le Maroc a été l’un des premiers pays africains à signer le traité de l’AMA, lors du sommet de l’UA en 2019.
Réduire la dépendance
L’année passée, le forum sur le commerce de la Corne de l’Afrique s’est achevé sur une note d’espoir : il est temps que l’Afrique augmente sa production pharmaceutique. Ces assises qui ont réuni pendant deux jours (28 et 29 juin) à Addis-Abeba des experts, avait pour thème « Mise en œuvre de la ZLECA : éliminer les obstacles géographiques, logistiques et réglementaires au commerce et à l’investissement dans la Corne afin de stimuler l’industrialisation : mettre l’accent sur l’industrie pharmaceutique ».
La Zone de libre-échange continental africain offre une opportunité pour des économies d’échelle, dont le manque empêchait auparavant la production des produits pharmaceutiques en Afrique. Pour Stephen Karingi, le directeur de la Division de l’intégration régionale et du commerce de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), le continent africain dispose d’« une expertise considérable pour aider à construire et à développer son industrie pharmaceutique ».
Les centres d’excellence régionaux peuvent être utilisés pour surmonter les problèmes de capacités humaines et de ressources limitées pour la recherche et le développement et les tests, ont convenu les experts. « La médecine traditionnelle africaine est un domaine où l’innovation africaine doit être mise à contribution, mais nous devons améliorer la commercialisation. C’est un domaine dans lequel travaillent de nombreuses micros, petites et moyennes entreprises », a souligné Karingi.
Certains des messages clés du forum ont souligné la nécessité de la mise en œuvre de la ZLECA, qui constituera le véritable test, maintenant qu’elle est entrée en vigueur ; de renforcer les cadres réglementaires indispensables au développement du secteur pharmaceutique ; d’encourager la production nationale axée sur la région ; d’entreprendre des réformes nationales ; de mettre en place des chaînes logistiques efficaces et sûres pour réduire considérablement le coût de la médecine africaine.
Ils reconnaissent le lien étroit existant entre la paix et le commerce et la nécessité pour les gouvernements de faire davantage appel au secteur privé pour que la ZLECA puisse atteindre ses objectifs. Les participants ont également discuté des prochaines étapes nécessaires à la mise en œuvre de l’accord et des stratégies nationales. Pour sa part, Johan Borgstam, l’ambassadeur de l’Union européenne (UE) en Éthiopie, souligne la nécessité d’avoir la paix en Afrique. D’après lui, pour que l’Afrique exploite pleinement le potentiel de la ZLECA et fasse de cette initiative une entreprise véritablement panafricaine, des efforts concertés devront être fournis par toutes les parties prenantes pour inciter tous les États membres à ratifier pleinement le traité.
Il ajoute que la ZLECA offre un grand potentiel au continent qui est le plus jeune du monde et qui comptera d’ici 2050 deux milliards d’habitants. Selon lui, l’Afrique comptera plus de 830 millions de jeunes. Il espère vivement que le processus de la ZLECA, par la création du type de diversification des exportations nécessaire pour créer des emplois à forte intensité de main-d’œuvre pour les jeunes africains dans des secteurs tels que l’industrie manufacturière et l’agro-industrie, permettra de répondre à la question du chômage des jeunes de façon durable et équitable.
Dépenses de santé
« Il est essentiel que l’Afrique développe ses propres capacités de fabrication et de recherche, en particulier son industrie pharmaceutique », déclare Ali Mufuruki, le président et PDG d’Infotech Investment Group et vice-président du Club AfroChampions. D’après lui, le statu quo pour l’Afrique n’est pas viable, d’autant plus que les exportations de produits pharmaceutiques vers le continent continuent de bénéficier de subventions gouvernementales importantes et souvent les faussant jusqu’à 40 %, ce qui rend difficile la concurrence pour les producteurs locaux.
Les programmes de donateurs représentent actuellement 80 % de toutes les dépenses de santé en Afrique. « Créer une autonomie et une autosuffisance dans la fourniture des médicaments est essentiel à l’approvisionnement, en particulier lorsque le financement des donateurs arrive à terme. La dépendance excessive vis-à-vis de l’aide aux soins de santé a énormément nui à industrie locale.
Le Fonds mondial, par exemple, doit être déplacé temporairement et les remèdes à certaines maladies tropicales sont déjà négligés faute de bénéfices suffisants pour les innovateurs multinationaux. « Il est essentiel que l’Afrique développe ses propres capacités de fabrication et de recherche, en d’autres termes son propre complexe industriel pharmaceutique – industries de fabrication, instituts de recherche, sociétés d’assurance maladie, mécanismes de financement public et autres », indique Mufuruki.
Il ajoute que les obstacles auxquels l’industrie pharmaceutique en Afrique est confrontée sont nombreux et variés et que les facteurs les plus importants à cet égard sont les suivants : la taille du marché et les problèmes d’accès au marché ; le dumping par les industries pharmaceutiques mondiales et le manque d’appropriation locale du programme de santé publique, en particulier du financement et de la recherche. Il affirme qu’à cet égard, la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) changera la donne.
« La ZLECA est conçue pour fournir aux nations africaines des solutions pour affronter ces défis. L’approbation et la ratification par les pays africains permettront au secteur privé africain de saisir les opportunités significatives émergentes que ce secteur vital offre », informe Mufuruki. « Il est important de noter, cependant, que c’est toujours le cas dans la vie, les opportunités vont toujours à ceux qui sont les mieux préparés à les saisir.
Les multinationales pharmaceutiques sont toujours prêtes et se sont toujours mobilisées pour asseoir leur domination sur ce marché vital ; le seul marché qui a un espace important pour la croissance dans l’avenir et c’est l’Afrique », poursuit-il.