LA LEVÉE de l’état d’urgence sanitaire marque symboliquement la fin d’une étape et le début d’une nouvelle… plus difficile à gérer que la précédente parce que nous devons apprendre désormais à vivre avec le virus au quotidien. Tout le défi du comité multisectoriel de la riposte au Covid-19 (CMRC-19) que dirige Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le 1ER Ministre, est à ce point. Ce pari est perceptible à la lecture du compte-rendu du Conseil des ministres du vendredi 17 juillet. L’enquête de confiance que le centre de recherche multidisciplinaire Alter de Kinshasa a réalisée pour Business et Finances, indique que 87 % des personnes interrogées à travers le pays, pensent que Sylvestre Ilunga, en tant que 1ER Ministre et président du CMRC-19, ainsi que le professeur Jean Jacques Muyembe Tamfumu, le coordonnateur de l’équipe technique de riposte, ont bien géré la crise sanitaire malgré les difficultés.
Mais 76 % d’entre eux souhaitent que le 1ER Ministre change de ministre de la Santé pour « avoir mal géré la prise en charge des personnels médicaux et la communication sur la pandémie ». À ce propos, ils se félicitent que l’Inspection générale des finances (IGF) ait ouvert un audit des fonds, des dons et des biens alloués à la riposte au Covid-19 auprès du CMRC-19 et de son secrétariat technique. Les personnes sondées semblent attachées au 1ER Ministre : une majorité d’entre elles (69 %) estime que le gouvernement [et donc son chef] est l’institution, plus que les autres, qui a été le plus en action sur le front de la riposte. Sylvestre Ilunga a été le plus à l’écoute pour une majorité de ces personnes, avec 71 % des jugements positifs. 73 % des sondés estiment que Sylvestre Ilunga, dans son style, ferait un bon 1ER Ministre, malgré la pandémie de coronavirus qui n’a épargné aucun gouvernement dans le monde, mais ils sont aussi 69 % à être persuadés qu’il y a en lui l’étoffe d’un chef à même d’éviter au pays de graves crises politiques et socio-économiques. Au début de la crise sanitaire, 89 % des sondés ont dit avoir été défiants sur la situation économique du pays, mais leur méfiance a baissé pour faire confiance aux mesures qui ont été prises dans le cadre de la riposte.
Une page est tournée
La République démocratique du Congo s’apprête donc à tourner une page de ces quatre derniers mois très mouvementés, dans la nuit de mardi 21 juillet à mercredi 22 juillet.
Toutefois, la levée de l’état d’urgence sanitaire se fera progressivement. L’état d’urgence sanitaire, entré en vigueur le 24 mars pour faire face à l’épidémie de Covid-19, a restreint certaines libertés publiques, pas vraiment au goût de la population.
Lors du Conseil des ministres du vendredi dernier, Albert Mpeti Biyombo, le vice-ministre à la Santé, a expliqué pourquoi le 1ER Ministre a pris l’initiative de la levée progressive de l’état d’urgence sanitaire. Sur le plan sanitaire, les indicateurs renseignent que le virus est devenu endémique, et donc il va falloir vivre avec désormais. Sur le plan politique, une nouvelle prolongation, jusque-là des 15 jours, par le Parlement (en vacances) de l’état d’urgence devient un exercice difficile. Et d’ailleurs, un peu partout dans le monde, les gouvernements ont levé l’option de la reprise des activités pour relancer les économies mises à genoux par la pandémie de coronavirus.
Si les indicateurs sanitaires et économiques sont à l’orange, les spécialistes mettent en garde les autorités sur les risques d’une reprise de l’épidémie. D’où la nécessité de faire accompagner la sortie du régime d’exception des « dispositifs contraignants et coercitifs » afin de faire observer les gestes barrières et sanitaires appropriés, en particulier, le port obligatoire des masques. Le vice-ministre à la Santé a fait remarquer qu’un « arsenal juridique » à ce propos sera connu de tous prochainement. La veille de ce Conseil des ministres, Sylvestre Ilunga a présidé à l’hôtel du gouvernement une importante réunion du CMRC-19, au cours de laquelle il a été question de sérier les « mesures idoines » de levée de l’état d’urgence sanitaire à faire valider justement par le Conseil des ministres. En fait, il s’est agi d’arrêter les « modalités d’accompagnement » à soumettre à l’approbation de Félix Antoine Tshisekedi, le chef de l’État qui a la responsabilité de prendre cette décision.
Vu l’importance de la question à l’ordre du jour, la réunion était élargie aux ministères de Travail et Prévoyance sociale ; Décentralisation ; Communication et Médias ; Enseignement primaire, secondaire et technique ; Affaires sociales, Environnement et Développement durable ; Enseignement supérieur et Universitaire ; ainsi qu’aux services de sécurité, police et aux organisations patronales (FEC et ANEP).
Régime transitoire
En réalité, l’état d’urgence sanitaire sera remplacé par un régime transitoire qui doit être, en principe, défini par une loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire. Il nous revient qu’un député FCC a déjà pris l’initiative d’une proposition de loi sur la sortie de ce régime d’exception. Mais en attendant, le professeur Muyembe en charge de l’équipe technique de riposte a proposé que la période transitoire pour l’application totale de la mesure de levée de l’état d’urgence sanitaire commence le 21 juillet et se termine le 7 septembre prochain.
En clair, cette période de transition devra être mise à profit par tous les responsables des différents secteurs concernés d’apporter les plans d’exécution progressive des mesures et de conscientiser large.
À ce jour, l’équipe technique de riposte a réussi à ralentir l’expansion de la pandémie, décentraliser les diagnostics, baisser la létalité de 11,9 % (au mois de mars) à 2,2 % (en juillet). L’évolution de la situation de la pandémie de Covid-19 en RDC, à la date du 18 juillet, indique un cumul de 8 402 cas confirmés et 1 cas probable. Le nombre des décès depuis le début est de 194, dont 193 cas confirmés. Le nombre des personnes guéries, quant à lui, est de 4 335.
Concernant la localisation de l’épidémie, 14 provinces sur 26 sont touchées à ce jour. Kinshasa arrive en tête (7 151 cas), suivi de Kongo-Central (359 cas), Sud-Kivu (276 cas), Haut-Katanga (260 cas), Nord-Kivu (223 cas), Lualaba (74 cas), Haut-Uélé (16 cas), Ituri (15 cas), Tshopo (14 cas), Kwilu (4 cas), Sud-Ubangi (4 cas), Équateur (4 cas), Haut-Lomami (1 cas) et Kwango (1 cas).
Au regard de l’évolution de la situation épidémiologique dans le pays, le professeur Muyembe prévient : « Le respect des gestes barrières reste la condition essentielle de la réussite du dé-confinement progressif consécutif à la levée de l’état d’urgence. » Pour le coordonnateur du secrétariat technique du CMRC-19, « les préalables et les mesures sanitaires » doivent être de strict respect selon les secteurs ou types d’activités. Sinon ? « Autrement, il pourrait être envisagé le re-confinement », comme à Madagascar, au Maroc et en Algérie.
Bref, chaque ministère, conformément aux orientations du 1ER Ministre, devra présenter « les dispositions à prendre dans son secteur en rapport avec la levée de l’état d’urgence ». Et une adresse à la nation du chef de l’État est très attendue pour fixer les esprits désorientés par les rumeurs sur la pandémie de coronavirus que répandent à longueur de journées les tout-puissants réseaux sociaux.