LES COURS du coton ont touché la semaine dernière des plus hauts depuis plus de deux ans, portés par la révision à la baisse de l’offre américaine face à une demande chinoise importante. Le Département américain de l’Agriculture (USDA) a encore baissé son chiffre pour la récolte 2020/2021. Ce volume a été continuellement ajusté à la baisse du fait de superficies de cultures moins grandes et de rendements moins importants que prévu, alors que la demande, notamment chinoise, est forte.
Le rapport de l’USDA souligne que la Chine a pesé pour la moitié des exportations américaines de coton ces cinq derniers mois. La livre de coton pour livraison en mars à New York valait 81,03 cents le vendredi 15 janvier 2021, contre 79,77 sept jours auparavant, et après avoir atteint le mercredi dernier 82,08 cents, un prix plus vu depuis septembre 2018.
Globalement, 2020 aura été une « année faste » pour les prix des matières premières agricoles, souligne Claude Georgelet, le président fondateur d’AgriTechTrade, société d’information sur les matières premières agricoles. « Tous confondus, les cours agricoles reviennent à des niveaux que l’on n’avait plus vus pour certaines comme le soja depuis 2014 », insiste Claude Georgelet. Mais cette envolée inquiète les pays importateurs, et fait craindre une hausse des prix alimentaires notamment dans les pays en développement. D’autant que la Russie, premier exportateur mondial de blé, a décidé de limiter ses exportations pour pouvoir nourrir sa population à un prix abordable.
« On constate de nouveau l’intérêt de la part des investisseurs, des fonds, sur le secteur des commodités agricoles après quatre ou cinq ans durant lesquels les cours se sont effrités, et on peut espérer des années bien plus fastes », fait remarquer Michel Portier, le directeur général d’Agritel, dans son bilan de fin d’année au magazine spécialisé Pleinchamp. Première cause de l’envolée, l’épidémie de Covid-19 qui a incité certains pays à amasser des stocks de denrées alimentaires de base pour éviter le risque de rupture des chaînes logistiques mondiales, qui aurait fait en retour peser des menaces de famine.
Pressions haussières
Ainsi, la Chine qui reconstitue ses stocks et son cheptel porcin décimé par une autre épidémie, celle de peste porcine africaine, a été la plus grande surprise de 2020, selon Michel Portier. « En mars, on s’attendait à ce que la Chine importe environ sept millions de tonnes de maïs, aujourd’hui on est sur des niveaux de 25 à 30 millions de tonnes! »
Pour sa part, Pierre Duclos, le président d’Agri Trade Consulting, détaille : « Les Chinois, dans les deux dernières années, ont liquidé pratiquement 150 millions de tonnes de stocks de maïs pour les vendre aux fabricants d’aliments du bétail chinois. » Résultat : le cours du maïs sur le marché à terme chinois a flambé et vaut actuellement « l’équivalent de 375 dollars la tonne », selon Pierre Duclos, soit « 20 à 30 dollars » de plus que les céréales importées, malgré les frais de transport.
« On a là une pompe d’aspiration qui s’exerce sur l’ensemble des marchés agricoles internationaux destinés à l’alimentation animale », conclut Pierre Duclos. Autre facteur de la pression haussière, les incertitudes climatiques : les perspectives de sécheresse en Amérique du Sud, avec La Niña, un courant d’air chaud qui réduit les précipitations, risquent d’abaisser les productions brésiliennes et argentines de soja cette année, fait valoir Claude Georgelet. Le secteur de l’énergie participe aussi à la flambée : un tiers de la récolte nord-américaine de maïs sert à fabriquer de l’éthanol, et 70 % de la récolte française de colza (les résidus étant utilisés eux en tourteaux pour l’alimentation animale), ajoute-t-il.
Dans le plan quinquennal chinois, on voit que la Chine va continuer d’importer, car l’autosuffisance est gommée. « On a changé de paradigme sur la situation que la Chine va exercer de manière plus permanente sur le marché mondial », conclut Pierre Duclos.