Le code minier révisé, c’est-à-dire la loi minière applicable en République démocratique du Congo depuis le 9 mars 2018 et ultérieurement l’adoption du règlement minier, est le réceptacle de tous ces enjeux et de tous ces défis. D’ailleurs, si vous me le permettiez, je voudrais intégrer à la réflexion que je vais développer devant vous, la loi sur la sous-traitance de 2017, qui à mon sens est venue compléter, certes par anticipation, le code minier en couvrant une thématique connexe, la sous-traitance, mais essentielle de l’industrie minière, et forme désormais avec le code un ensemble cohérent de l’affirmation par l’État d’une politique globale et volontariste en matière minière.
Au moment de l’adoption du code minier révisé, c’est-à-dire principalement aucours de l’année 2017 et le premier trimestre 2018, le pays avait le choix entredeux attitudes. D’une part, le renoncement, c’est-à-dire l’acceptation du statu quo concernant l’exploitation de nos matières premières, que je dénonce d’ailleurs depuis plusieurs années, ou le choix du refus, c’est-à-dire celui d’une meilleure répartition des revenus tirés de l’exploitation des matières premières et j’ajouterais, d’une plus grande justice pour notre pays.
Fort heureusement, le choix qui fut fait à l’époque, par le Parlement, le gouvernement et le président de la République, le président honoraire Joseph Kabila Kabange, a été celui de la remise en cause de la situation héritée du passé récent dont le caractère inique n’échappait plus à la critique tant nationale qu’internationale, à l’exception notable de sept multinationales minières, mais également à la dénonciation documentée de pratiques industrielles et commerciales légales et illégales qui privaient notre pays des
revenus auxquels il aurait dû prétendre.
Étape non aboutie
Le résultat de cette histoire, notre histoire, est que le secteur minier ne joue pas le rôle qu’il devrait au service du développement économique de la RDC alors qu’il permet à l’ensemble de l’industrie mondiale de contrôler des ressources naturelles importantes, voire indispensables à l’économie mondiale et notamment aux 3ème et 4ème révolutions industrielles ainsi qu’aux défis de la transition énergétique.
Le code minier révisé a traduit cette volonté de reconquérir une partie de notre souveraineté économique et industrielle pour assurer notre développement et c’est cela son principal enjeu. Le code minier révisé a ainsi actualisé un certain nombre de mesures et rééquilibré le cadre juridique instauré en 2002, qui avait transformé notre pays en partenaire impuissant d’une législation minière destinée d’une part à favoriser l’investissement étranger dans notre pays et d’autre part à sanctuariser les transferts de la propriété minière qui avaient eu lieu 3massivement durant ce que certains ont appelé la « première guerre mondiale africaine ».
« Au moment de l’adoption du code minier révisé, le pays avait le choix entre le renoncement concernant l’exploitation de nos matières premières ou le refus, c’est-à-dire le choix d’une meilleure répartition des revenus tirés de l’exploitation des matières premières et d’une plus grande justice pour notre pays. »
Sa pertinence n’a jamais été remise en cause depuis son adoption et il a même été conforté publiquement par la plus haute autorité du pays, son excellence le président de la République, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo dès son arrivée au pouvoir ou encore tout récemment lors du discours d’investiture du 1ER Ministre, son excellence Monsieur Sama Lukonde Kyenge qui devant la représentation nationale a fait part de sa volonté d’en faire appliquer toutes les mesures.
Cependant, ce code minier, et c’est tout le sens de l’intitulé de l’exposé que vous m’avez proposé de faire devant vous, est une étape non encore aboutie sur le chemin de la reconstruction de notre richesse minière. Ce code, comme toutes les lois, a été le résultat d’un rapport de force à un moment donné, mais il n’est en aucune manière la fin d’un processus.
D’une part, parce que le code minier révisé n’est pas encore appliqué dans toutes ses dimensions et, d’autre part, parce qu’il devrait encore approfondir certaines matières, pour permettre d’atteindre l’objectif de faire des richesses naturelles de la RDC tout à la fois le carburant nécessaire au financement de la diversification de notre économie, mais aussi son cœur industriel, au moins pour les prochaines décennies, à même de stimuler la création d’entreprises et de la classe moyenne que nous appelons de nos vœux.
Analyse historico-économique
Cet exposé partira donc tout d’abord (I) d’une analyse historique et économique du système minier antérieur qui a conduit à la révision du code minier révisé de 2002. Il abordera ensuite (II) des évolutions que le code minier révisé en 2018 a introduites dans notre législation minière et des enjeux dont elles sont
la traduction qui sont tout à la fois financiers, afin de plus contribuer au budget de l’État, économiques en faisant jouer à ce secteur économique ce rôle de courroie de transmission vis-à-vis de tout une classe d’entrepreneurs, et enfin sociaux en permettant à des centaines de milliers de concitoyens d’exercer4dans des conditions décentes et sans danger leur activité.
L’exploitation industrielle dans le cuivre et le cobalt bat chaque année des records de production. Parallèlement nous avons assisté au développement d’une exploitation artisanale très importante dans le domaine de l’or, du diamant, du coltan, du cobalt notamment. Pourtant, les revenus pour l’État issus de l’activité minière sont notoirement insuffisants au regard de la valeur des exportations légales constatées en raison de l’histoire du secteur minier de notre pays depuis les années 90.
Pour le dire simplement, le compte n’y est pas entre ce qui a été transmis à des investisseurs étrangers, ce qui est produit et ce qui revient au pays. Ensuite, l’économie minière par sa nature intrinsèquement extravertie ne joue pas son rôle de courroie d’entrainement au bénéfice du secteur privé congolais, mais bien plus au bénéfice de sociétés privées à capitaux étrangers installées au pays qui contribuent à canaliser les flux financiers opérationnels à l’extérieur du pays au profit de sociétés sous-traitantes étrangères.
Enfin, l’artisanat minier, notamment dans l’Est du pays mais pas uniquement, en sus de contribuer à l’enrichissement des États limitrophes et pas à la RDC, contribue à l’instabilité et à l’insécurité locale via le financement des groupes armés qui sont légion dans cette zone du pays.
Permettez-moi d’aller plus avant dans les détails. La situation paradoxale d’un grand pays producteur minier, mais qui ne bénéficie pas des revenus de ses ressources naturelles : il est souvent rappelé que la RDC est un scandale géologique dont la richesse du sous-sol devrait faire de ses habitants des privilégiés. Néanmoins au regard de l’histoire minière du pays, à l’exception notable de la période 1965/1990, les causes des difficultés que le pays connait en termes de mobilisation des recettes financières issues de ses mines sont bien connues.
Le délitement organisationnel des entreprises du Portefeuille : mon propos commencera par le début, c’est-à-dire le début des années 90 au cours desquelles toutes les entreprises publiques du secteur minier en RDC ont été confrontées à des difficultés d’ordres technique et financier ayant notamment trait au vieillissement de leur outil de production, dans un climat social par ailleurs marqué par l’instabilité.
Toutes ces entreprises, parallèlement aux difficultés que le pays a connu à partir du début des années 90, ont connu une lente dégradation de leur outil de production. Certaines n’ont pas survécu comme SOMINKI, devenue SAKIMA, puis SOMICO qui disparut en 1998.