Ouvert, chaleureux, sympathique : aucun mot ne semble assez fort pour décrire le diplomate rwandais en poste à Kinshasa. Tous ceux qui ont approché Vincent Karega gardent le souvenir d’homme affable, souriant, volontiers charmeur et, surtout, incorrigiblement optimiste et libre d’esprit.
TONY NGANGA
Ce Rwandais d’origine mais Congolais par amour de 58 ans, à la silhouette élégante, dirige depuis l’année passée l’ambassade du Rwanda en République démocratique du Congo, après avoir été pendant huit ans et demi ambassadeur en Afrique du Sud. Sa mission au Congo n’est pas différente de celle que les autres ambassadeurs de son pays ont reçu de Paul Kagame, le président de la République, et du gouvernement rwandais : promouvoir les relations bilatérales de peuple à peuple, d’institution à institution, d’hommes d’affaires à hommes d’affaires, d’université à université…
D’où le point d’ancrage de son mandat en RDC : saisir toutes les opportunités qui s’offrent, de part et d’autre, pour créer des synergies, mais surtout des conditions de paix et de développement plus durables, et aider à atteindre les objectifs de l’Agenda 2063 de l’Union africaine (UA). À savoir une Afrique intégrée, prospère et en paix, et qui prend soins de ses enfants.
Confiance en l’avenir
Cependant, dans certains médias sociaux et une certaine presse dépeignent le diplomate rwandais, depuis son arrivée à Kinshasa, sous les traits les plus odieux jusqu’au point que des associations sont descendues dans la rue en septembre 2020 pour manifester et exiger son expulsion.
Faut-il vraiment se méfier de Vincent Karega ? Le diplomate reconnaît cette hostilité quasi viscérale d’une partie des Congolais envers sa personne : « Je ne sais pas vraiment qui en tire profit… Je crois que c’est de la spéculation pure et simple. » L’homme jure qu’il n’est pas méchant. Incapable même d’écraser une mouche, témoignent la plupart de ses amis d’enfance.
Né à Walikale au Nord-Kivu, Vincent Karega est issu d’une famille des parents immigrés catholiques venus du Rwanda mais naturalisés Congolais. Son père a d’abord travaillé comme assistant médical à Walikale, Masisi, Butembo ; Kirotshe… avant de rejoindre le Katanga, la province minière par excellence de la RDC. Quand son père quitte le Nord-Kivu pour aller travailler dans les mines de l’entreprise minière SODIMICO devenue plus tard SODIMIZA à Musoshi, Kisenda et Kasumbalesa à la frontière avec la Zambie, le petit Vincent n’a que 9 ans.
Dans le récit de sa vie, nulle trace de sentiment anti-congolais. Ses parents lui transmettent alors certaines valeurs humaines, notamment la compassion, l’envie d’aller vers l’autre et lui lèguent finalement une certaine philosophie de la vie basée sur la liberté et la tolérance.
Après des études primaires et secondaires au Katanga, Vincent Karega côtoie à l’université de Lubumbashi une bonne partie de l’élite du Congo contemporain. D’ailleurs, lui et ses anciens camarades de l’université, ainsi que des amis qu’il compte par centaines, ont créé un groupe WhatsApp pour garder le contact.
Après une licence en sciences politiques et administratives de l’université de Lubumbashi au Katanga, cet intellectuel touche-à-tout ne s’empêche pas d’accumuler les diplômes : maîtrise en management public de l’Université de Maastrict des Pays-Bas, formations et stages à court terme en planification stratégique, leadership, économie publique, commerce et développement à Harvard aux États-Unis, Japon, Canada, Angleterre, Jordanie, Italie, Afrique du Sud, Rwanda, etc.
En 1995, ce père de deux jeunes filles rejoint la Révolution à partir de l’Afrique du Sud où il habitait comme Zaïrois (Congolais), après les événements de triste mémoire qu’il qualifie de « génocide du siècle ». C’est le début d’une belle carrière au pays de ses origines : il entre d’abord dans l’administration publique où il est tour à tour secrétaire général, directeur national, ensuite au gouvernement comme vice-ministre et ministre. Le dernier portefeuille ministériel occupé est celui des Infrastructures. Petit coup de pouce du destin : c’est le seul Rwandais, à l’époque, à avoir été promu directeur national sans passer obligatoirement par le test de performance.
Grande responsabilité
Rwandais jusqu’au bout de ses ongles – et il le revendique -, Vincent Karega aime tant le Congo et les Congolais. Il se considère d’ailleurs comme un « mwana mboka ya solo solo » (traduisez : enfant du pays pur sang). C’est un atout pour le mandat de ce panafricain en RDC ! Dans une Afrique qui rêve d’intégration, Vincent Karega pourrait être la preuve que Congolais et Rwandais peuvent surmonter leur passé douloureux afin de bâtir et cimenter des vraies relations entre peuples fondées sur les échanges politiques, économiques, culturels, stratégiques…
En effet, qu’un ambassadeur rwandais d’origine revendique et affiche ostensiblement son attachement au Congo, c’est une grande responsabilité, mais surtout une grande opportunité : « Un Rwandais du Congo nommé ambassadeur en RDC, ça a été la plus grande joie de ma vie ! J’ai accueilli cette nomination avec un grand plaisir. » Aujourd’hui, Vincent Karega reste optimiste.