OFFICIELLEMENT, le Fonds monétaire international (FMI) a trouvé un accord au niveau des services en vue d’un programme sur trois ans visant à aider la République démocratique du Congo à soutenir la reprise économique après la pandémie de Covid-19, à préserver la stabilité macroéconomique et à relancer la dynamique des réformes pour stimuler une croissance durable et inclusive. Les mesures clef dans le cadre de ce programme seront axées sur la création d’un espace budgétaire pour les investissements et les dépenses sociales indispensables, le renforcement du cadre monétaire et de la surveillance financière, et l’amélioration de la gouvernance économique et de la transparence.
La mission du FMI dépêchée en mai dernier à Kinshasa se félicite de « l’engagement des autorités à renforcer les principales institutions de lutte contre la corruption, notamment la Cour des comptes et l’Inspection générale des finances, mais aussi à améliorer le climat des affaires et à attirer les investissements privés pour favoriser une croissance économique forte et inclusive.
Un bémol tout de même : cet accord reste soumis à l’approbation de la direction du FMI et à l’examen pour décision de son conseil d’administration. Cet accord sera vraisemblablement approuvé par les hautes instances du Fonds, des observateurs ne voient pas comment le gouvernement va respecter ses engagements, notamment celui visant à renforcer et moderniser la politique monétaire et les cadres de réglementation et de surveillance afin de maintenir l’inflation à un niveau modéré et stable ; à renforcer la stabilité du secteur financier et favoriser l’inclusion financière ; mais surtout à renforcer l’autonomie de la Banque centrale en mettant la composition de son conseil d’administration en conformité avec la loi de 2018 et en régularisant l’encours du crédit au gouvernement. En outre, le gouvernement devra réviser le cadre des réserves obligatoires et mettre fin à l’octroi d’avances et de garanties de la BCC.
BCC menacée ?
Il est à noter que cet accord arrive dans un contexte où les gouvernements dans le monde s’efforcent d’éviter de graves répercussions financières liées à la pandémie de Covid-19. Presque partout dans le monde entier, les politiques fiscales ont été mises de côté, remplacées par de remarquables plans de relance des économies et de soutien. Alors que les gouvernements continuent à émettre de plus en plus de dettes pour financer leurs plans de soutien, leurs Banques centrales, elles, sont obligées de les assumer de plus en plus, à tel point que l’on pourrait se laisser aller à penser que la « main gauche » du gouvernement ne fait qu’emprunter à la « main droite ».
Les taux d’intérêt pourraient augmenter afin de calmer l’économie en cas de surchauffe provoquée par les plans de relance, soulignent les mêmes observateurs.
Aux États-Unis, par exemple, Janet Yellen, la secrétaire d’État au Trésor, a laissé entendre que les taux d’intérêt pourraient augmenter afin de calmer l’économie en cas de surchauffe provoquée par les plans de relance, outrepassant ainsi le rôle du gouvernement et portant atteinte à son ancien employeur, la Réserve fédérale ou Fed.
La politique monétaire est devenue si étroitement corrélée à la politique budgétaire que l’indépendance des Banques centrales commence à être mise à mal. Selon un ancien membre du comité de politique monétaire de la Banque du Japon, le manque d’outils monétaires conventionnels pousserait la Banque centrale à s’orienter davantage vers une politique budgétaire, ce qui pourrait nuire à sa propre indépendance et risquer l’ingérence des politiques.
La plupart des anciens leviers sont tombés en désuétude depuis la crise financière mondiale de 2008, la persistance d’un environnement de taux d’intérêt ultra bas ayant encouragé les pays à s’endetter de plus en plus à bon compte.
Bonne conduite
D’après Barry Eichengreen, professeur d’économie et de sciences politiques à l’université de Berkeley, il y a un consensus pour dire que l’indépendance de la Banque centrale est une sorte de certificat de bonne conduite. « Certains marchés émergents vont dans cette direction. Mais bien sûr, il y a des exceptions importantes comme la Banque populaire de Chine. L’avantage d’un tel modèle est que cela empêche la classe politique de faire pression sur la Banque centrale pour stimuler l’économie de manière excessive avant les élections, par exemple. Cela permet à ceux qui élaborent la politique monétaire d’envisager les problèmes sur le long terme », souligne-t-il.
Cependant, l’indépendance par rapport au pouvoir politique n’est pas une condition suffisante pour garantir la crédibilité des Banques centrales. La loi n°18/027 du 13 décembre 2018 sur la BCC s’inspire du modèle de Banques centrales de la SAD et est conforme aux standards internationaux, notamment en matière de gouvernance et de stabilité financière. Elle se fonde principalement sur deux principes directeurs, à savoir l’indépendance et la transparence dans le fonctionnement de la BCC.
Le fait que le gouverneur de la BCC et son adjoint sont nommés par le président de la République, ils pourront être démis de leurs fonctions en cas de désaccord sur la politique monétaire. Le manque d’indépendance a été néfaste pour la BCC. Dans la conduite de la politique monétaire pour garantir la stabilité du niveau général des prix, la BCC paraît jouir d’une réelle autonomie. Cependant, la Banque centrale reçoit toujours en permanence les ordres du gouvernement via le ministère des Finances.
Depuis plusieurs années, le FMI insiste sur l’indépendance effective de la BCC, recommandant une coordination de la politique budgétaire et de la politique monétaire. D’aucuns pensent que la Banque centrale doit maintenant malgré les obstacles. Comment ?
Des observateurs pensent que la recapitalisation de la Banque centrale est le passage obligé. « L’autonomie ou l’indépendance de la Banque centrale s’entend comme la liberté de se gouverner ou de s’autogérer au moyen de ses propres règles dans un environnement où elle se trouve confrontée à d’autres agents économiques, tel le pouvoir public. » Cependant, cette indépendance n’est que relative : les dirigeants des Banques centrales sont nommés par les autorités politiques, et les modalités de l’exercice de cette indépendance n’excluent pas une concertation interinstitutionnelle. « D’une manière générale, l’indépendance d’une Banque centrale s’apprécie à travers quelques critères, lesquels sont essentiellement statutaires. »
Bref, « l’indépendance politique traduit l’absence d’interférence du pouvoir politique sur les décisions prises par la Banque centrale mais aussi l’absence d’influence de celui-ci sur l’organisation institutionnelle de la Banque centrale, notamment sur la nomination et la révocation des dirigeants, sur les statuts de la banque… La garantie d’indépendance à l’égard des objectifs est donnée par une Banque centrale qui s’affranchit de toute pression politique lorsqu’elle définit ses objectifs et ses préférences de stabilisation (inflation, écart de production, taux de change…). » À suivre.