LES EXPERTS sont à peu près d’accord que les coopératives agricoles jouent un rôle capital dans la réduction de la pauvreté, l’amélioration de la sécurité alimentaire et la création d’emplois. Depuis l’année 2012, qu’elles leur ont dédiée, l’organisation des Nations Unies (ONU) sensibilisent le monde entier à l’important apport des coopératives agricoles au service du développement socio-économique.
Pour bon nombre de Congolais en provinces, le Programme dit de développement local des 145 territoires (PDL-145 T) qui constituent l’État congolais, est « la recette-solution » à leur état de pauvreté endémique. Le succès de cet ambitieux programme sera incontestablement le marqueur le plus important dans l’évaluation du mandat présidentiel de Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo. Les défis à relever sont multiples. S’ils n’y ressemblent pas fort, en tout cas, ils ont sans doute l’air des douze travaux d’Hercule, au regard du temps court, deux ans, qui reste encore de son quinquennat.
Les données du terrain
L’analyse du contexte de développement des territoires ruraux faite par les experts du gouvernement met en relief multiples défis structurels auxquels le milieu rural demeure confronté, notamment « le déficit d’accès à des infrastructures socioéconomiques de base, l’absence d’opportunités économiques, et l’important gap accumulé en capacités de gestion du développement local ».
Selon le rapport national sur le développement humain du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), en 2017, près de 20 provinces, principalement rurales, sur les 26 que compte le pays affichaient des niveaux de pauvreté supérieurs à la moyenne nationale. C’est pour cette raison et bien d’autres que le président de la République a décidé de mettre en œuvre le PDL-145 T, qui doit être réalisé avec des financements publics et des appuis des partenaires techniques et financiers. Le coût estimatif global du PDL-145T est d’un peu plus de 1.6 milliard de dollars.
En filigrane, la volonté politique affichée de Félix Antoine Tshisekedi est de « vaincre la pauvreté et les inégalités territoriales, pour remédier aux inefficacités des politiques de croissance pro-pauvres engagées depuis des décennies en République démocratique du Congo ». Ce programme spécifique orienté essentiellement vers le milieu rural, concocté après un processus consultatif et participatif des acteurs de ces 145 territoires, est adossé au Plan national stratégique de développement (PNSD 2019-2023), au Programme d’actions du gouvernement (PAG 2021-2023) et au Programme présidentiel accéléré de lutte contre la pauvreté et les inégalités (PPALCPI).
Il est destiné à « promouvoir l’émergence des économies des territoires et d’améliorer les conditions et cadres de vie des populations rurales », mais aussi de « permettre une convergence rapide des revenus et des conditions des vies des populations rurales vers ceux des populations urbaines ». Le président Tshisekedi est convaincu que « cette nouvelle approche de développement centré sur le monde rural permettra certainement d’accroître l’efficacité des politiques publiques et de réduire rapidement la pauvreté et les inégalités spatiales dans notre pays ».
Du concret, tout de suite !
Ce que les Congolais attendent de la mise en œuvre du PDL-145 T, ce sont des effets immédiats et à impact visible sur la réduction de la pauvreté
et des inégalités sociales, le développement de l’entreprenariat rural, la sécurité alimentaire, l’accès des jeunes et des femmes aux activités génératrices de revenus des populations rurales, etc.
Pour corriger les déséquilibres sociaux et spatiaux, explique Christian Mwando Nsimba Kabulo, le ministre du Plan, le gouvernement a opté pour un développement endogène « en s’appuyant sur une approche décentralisée qui partirait du bas vers le haut et qui associe les communautés de base non seulement comme des bénéficiaires, mais aussi comme des acteurs dans les dynamiques de leur développement et dans l’amélioration de leurs conditions de vie ».
La stratégie de mise en œuvre du PDL-145T est fondé sur quatre composantes dont deux sont plus importantes. La première concerne l’amélioration de l’accès des populations des territoires ruraux aux infrastructures et services socioéconomiques de base. Elle vise à « mettre en place des routes de desserte agricole, des microcentrales photovoltaïques, des lampadaires solaires, des forages et des mini réseaux, des écoles, des centres de santé, des marchés, des bâtiments administratifs des secteurs et des territoires, ainsi que des logements du staff dirigeant du territoire, dans l’objectif de désenclaver les territoires et de contribuer à l’amélioration des conditions de vie et d’éducation des populations ».
La seconde concerne la promotion du développement des économies rurales et des chaînes de valeur locales. Elle vise le « développement des
activités de production et de services dans les territoires en vue de mettre en place les conditions nécessaires à la relance des économies rurales et locales afin de les revivifier et de les redynamiser pour les inscrire sur la trajectoire de l’émergence ». L’objectif est d’améliorer la productivité, d’augmenter le revenu des ménages ruraux et d’assurer la sécurité alimentaire.
De l’avis des experts, le secteur agricole (agriculture, foresterie, pêche et élevage) est le moteur du développement local. C’est lui la source principale d’emplois et de revenus dans le milieu rural où vivent la majorité de ceux qui frappés par la pauvreté et ses corolaires. Et incontestablement, il n’y a pas de développement local sans les coopératives agricoles. Elles ont un grand rôle à y jouer, en aidant les paysans ou les petits exploitants agricoles, notamment les jeunes et les femmes.
Aujourd’hui, la contribution des coopératives agricoles au développement économique et sociale de leurs membres est une réalité d’évidence. Elles donnent du travail en milieu rural en recourant à des modèles d’activité capables de résister aux chocs économiques et environnementaux. En outre, les coopératives ouvrent des perspectives aux petits exploitants agricoles et leur offrent une vaste gamme de services, notamment en améliorant leur accès aux marchés, au crédit, aux ressources naturelles, à la formation et à l’information.
Elles facilitent également la participation des petits producteurs à la prise de décision à tous les niveaux, tout comme elles les aident à sécuriser leurs droits fonciers, à négocier dans de meilleures conditions leurs contrats et à obtenir des intrants agricoles à meilleur prix, notamment les semences, les engrais et l’équipement. Grâce au rôle des coopératives, les petits producteurs arrivent ainsi à améliorer leurs conditions d’existence et jouer un rôle accru pour répondre à la demande croissante de denrées sur les marchés locaux, nationaux et internationaux, contribuant ainsi à la lutte contre la pauvreté, à la sécurité alimentaire et à l’éradication de la faim.
En ce qui concerne la productivité agricole et le développement des chaînes de
valeur, la RDC est dotée d’un potentiel agricole immense : 80 millions d’ha de terres arables, 5 millions d’ha de pâturage et une réserve halieutique importante. Dans ce contexte, le succès du PDL-145 T dépendra, principalement et aussi du rôle que l’on veut y faire jouer les coopératives agricoles. D’où les questions : est-ce que le programme fait suffisamment des coopératives agricoles des acteurs du premier plan de sa réussite ? Est-ce que l’État est attentif au travail des coopératives agricoles et à leurs préoccupations ? Combien de coopératives agricoles existent-elles dans le pays ? Quel rapport entretiennent-elles avec l’État ?
Toutes ces questions et bien d’autres ramènent à une même problématique : la gouvernance agricole pour une mise en œuvre efficace des politiques locales et provinciales de développement. L’une des hypothèses en faveur du secteur agricole comme principal pilier de la relance du développement national, recommande la définition d’une politique agricole qui tient compte des réalités socioéconomiques du pays, protège le mouvement paysan et favorise l’initiative locale. Suite…