Télécoms: l’ARTAC face aux enjeux du numérique et de l’innovation technologique

L’Assemblée des régulateurs des télécommunications de l’Afrique centrale, qui a fêté ses 19 ans le 15 juin 2023, a vraisemblablement progressé sur la voie de l’intégration. Certes, petit à petit, les organes se mettent en place. Mais dans les domaines des infrastructures et de la bonne gouvernance, il y a encore des verrous qu’il faut faire sauter, des initiatives à prendre, des projets à promouvoir et des politiques communes à mettre en place.

Une vue des participants et invités à la 8è session ordinaire de l’ARTAC à Kinshasa.

LA VEILLE des travaux de sa 8è session ordinaire, l’Assemblée des régulateurs des télécommunications de l’Afrique Centrale/ARTAC a organisé, les 20 et 21 juin 2023, deux ateliers autour de trois thématiques d’actualité suivantes : la gestion du spectre de fréquence 5G, le SU et la connectivité rurale, le démarrage et la gestion des start-ups. Il a été plus question de faire le point sur les rapports entre l’innovation technologique et le continent africain en général. En tout cas, l’’ARTAC sent le vent tourner, car, aujourd’hui, la gestion des équipements des télécoms est devenue une question de géopolitique, créant ainsi les risques d’accroître les disparités de déploiement entre le Nord, riche, et le Sud, pauvre. 

Avancées technologiques

Aujourd’hui, les experts sont à peu près unanimes que le réseau 5G va grandement améliorer les avancées technologiques dans de nombreux domaines, qu’une connectivité de classe mondiale est essentielle pour atteindre cet objectif, sans laquelle il est très difficile de combler le déséquilibre économique. 

En consacrant l’un de deux ateliers à la gestion du spectre de la fréquence 5G ainsi qu’au service universel/SU et à la connectivité rurale, en marge de la conférence des régulateurs des télécoms, l’ARTAC a vu juste. C’est d’ailleurs une préoccupation immédiate. En effet, fréquences, spectre/gestion du spectre sont des termes pour désigner aujourd’hui « le spectre ou la gamme de fréquences radioélectriques pouvant être utilisées pour la communication, pour les besoins de l’industrie ou à d’autres fins ». 

Des bandes ou segments de fréquences sont attribués à diverses catégories d’usagers à des fins spécifiques, telles que la radio et la télévision commerciales, les liaisons hertziennes terrestres à hyperfréquences, les satellites et les activités de la police. Sur le plan international, c’est le Comité international d’enregistrement des fréquences (IFRB) de l’Union internationale des télécommunications/UIT qui les attribue. Différents organismes réglementaires nationaux surveillent l’occupation du spectre radioélectrique et attribuent les fréquences à des usagers individuels ou à des groupes d’usagers, pour faire en sorte qu’un grand nombre de services soient assurés dans des limites de brouillage déterminées.

Le service universel/SU n’est rien d’autre qu’un concept selon lequel « tout particulier à l’intérieur d’un pays devrait pouvoir accéder à des services de téléphonie de base à un prix abordable ». Ce concept varie d’un pays à l’autre, allant de la présence d’un téléphone dans chaque foyer et entreprise dans les pays riches, à la possibilité pour la plupart des habitants de trouver un téléphone public à moins d’une certaine distance ou d’un certain temps de trajet dans les pays en développement. 

À Kinshasa, les échanges lors de l’atelier organisé par l’ARTAC ont porté principalement sur la neutralité technologique. Un concept selon lequel il ne peut y avoir de discrimination quant à l’accès à une technologie. L’application de ce principe devrait permettre le déploiement d’une nouvelle technologie, favorisant ainsi l’innovation. Quant à l’utilisation des bandes de fréquences 5G (bandes basses <1GHz, bandes moyennes 3.5GHz et bandes hautes <26GHz), il y a donc nécessité d’une harmonisation des positions des États membres de l’ARTAC sur le spectre en prévision de la CMR-23. Mais aussi de planifier le spectre en vue de préparer l’introduction d’une technologie de future génération.

À propos du SU et de la connectivité rurale, un état des lieux de la connectivité mobile en Afrique centrale a été fait, comparativement aux autres sous-régions d’Afrique subsaharienne. Selon l’indice de connectivité mobile/ICM ou MCI, il y a un fort besoin d’investissement dans les infrastructures numériques haut-débit car, 29 % seulement de la population adulte sont connectés à l’Internet mobile, tandis que 33 % n’utilisent pas les services d’Internet mobile alors qu’elles vivent dans des zones couvertes (écart d’utilisation), et 38 % vivent dans des zones non couvertes (écart de couverture). Pour rappel, l’ICM ou MCI est un outil de mesure de la performance de 170 pays par rapport à l’adoption d’Internet mobile. Il permet aux décideurs politiques de prendre des décisions fondées sur les données du marché et d’identifier les domaines qui nécessitent des efforts et une attention soutenue des gouvernements. 

Recommandations

Afin d’accélérer la connectivité mobile en milieu rural, il est recommandé aux pays membres de l’ARTAC l’implémentation des solutions innovantes, le partage d’infrastructures, les subventions ciblées telles que la défiscalisation des terminaux et des équipements de télécommunications, des mesures incitatives fiscales, ainsi que la mise en place d’un fonds de service universel/FSU) qui doit être géré en toute transparence.

Les Agences de régulation des télécoms/ARN sont donc encouragées à adopter des politiques qui soutiennent la connectivité en milieu rural, comme l’allègement de la fiscalité à l’instar des droits sur l’utilisation du spectre et l’élimination des droits d’importation pour les terminaux et les équipements de télécoms destinés à être utilisés en milieu rural. Mais aussi de collaborer avec les autorités gouvernementales pour le développement d’infrastructures de soutien (routes et l’électricité) dans les zones rurales, et de simplifier le processus d’approbation des sites ruraux et le déploiement du réseau en général. Elles sont également encouragées à réduire les droits de passage pour faciliter le déploiement de la fibre optique, de la connectivité du dernier kilomètre et le transport des données. 

Le groupe de travail des radiocommunications est chargé d’élaborer les directives sur le SU au sein de l’ARTAC en vue d’engager une réforme du FSU au niveau de sa gouvernance et de son opérationnalisation. Il devra aussi préparer les directives sur la mise en œuvre de la neutralité technologique, conformément à la recommandation 003-0 de l’UIT et de l’UAT. De même, élaborer un modèle de planification du spectre pour les pays d’Afrique centrale, qui prévoit la disponibilité du spectre contigu, intégrant les tendances et les facteurs technologiques futurs, y compris les recommandations de la CMR-23. Enfin, il devra appuyer l’identification et l’attribution des fréquences supplémentaires pour les IMT, conformément aux positions communes africaines pour la CMR 23. Par ailleurs, le groupe de travail sur les cadres réglementaires et les politiques de régulation des communications électroniques devra proposer l’introduction d’un régime d’autorisation harmonisé sur la neutralité technologique.

En ce qui concerne l’atelier sur le démarrage et la gestion des start-ups, les discussions ont tourné autour de l’expérience dans le domaine de l’entrepreneuriat. Il y a été relevé que pour créer une start-up, il faut procéder à l’étude du marché du pays concerné, car cela constitue un indicateur clé de succès. Au final, il a été retenu que la meilleure stratégie de création d’une start-up est l’association avec une plus forte que soi. Dans ce cadre, la stratégie du Doing Business semble la mieux adaptée, car elle fournit essentiellement des mesures comparatives sur la réglementation des affaires. Ainsi donc, les ARN ont été encouragées à mettre en place un cadre réglementaire pour assurer l’évolution des start-ups, doter l’écosystème entrepreneurial des mesures d’accompagnement qui favorisent leur développement.