L’entreprise chargée d’assurer la sécurité aérienne aura attendu dix ans pour calibrer les instruments d’aide à la navigation qui datent de 2004. Il a fallu un rappel à l’ordre de l’Organisation de l’aviation civile internationale pour qu’elle se réveille. L’OACI a demandé, ni plus ni moins, à la RVA de « coupler la calibration des instruments d’aide à la navigation au sol qui existent depuis 2004 avec une calibration aérienne ».
Tirant la leçon de cette recommandation, une compagnie aérienne, Korongo Airlines a décidé, depuis lundi 2 juin 2014, de réduire au strict minimum ses activités en RDC. Korongo justifie sa décision en se référant aux prescrits de l’OACI qui a recommandé la prudence à toutes les compagnies aériennes qui exploitent l’un ou l’autre des aéroports congolais qui se caractérisent par une carence criante en systèmes d’atterrissage aux instruments ou Instruments landing systems (ILS), en anglais, un moyen de radio-navigation d’une grande précision.
Cette décision est une suite logique au vu de l’enchainement des incidents intervenus ces derniers dans l’espace aérien congolais. C’est le cas de l’accident évité de justesse par un avion d’Air France, dimanche 18 mai, obligé de remettre les gaz à la suite d’une panne d’électricité à l’aéroport de N’Djili. Le pilote de la compagnie française avait quant même fini par poser l’aéronef au sol, après la mise en service du générateur de l’aéroport plusieurs dizaines de minutes plus tard. Ce générateur, obsolète, était devenu la principale source d’électricité à cause de coupures intempestives et récurrentes de la fourniture assurée par la Société nationale d’électricité (SNEL). Toujours au mois de mai, un aéronef de FlyCAA, une autre compagnie desservant Kinshasa et l’intérieur du pays connaissait un incident similaire.
Un véritable trou noir
Ces incidents sont révélateurs des grands maux qui rongent la RVA depuis plusieurs années. L’espace aérien congolais est devenu un véritable trou noir mal géré qui place la République démocratique du Congo dans le peloton de tête des pays à hauts risques. La fiabilité des aéroports et de l’espace aérien national est régulièrement remise en cause par le régulateur international. Mais Abdallah Bilenge, l’Administrateur délégué général de la RVA, se veut rassurant. Selon lui, « il n’était pas question de suspension de la RDC de l’OACI, contrairement aux rumeurs. « Pour preuve, tous les vols internationaux sont programmés, notamment Kenya Airways, Turkish, et SN Bruxelles». Il affirme que la RVA devait seulement effectuer quelques réglages de ses équipements : « Nous sommes en programme avec l’OACI pour la calibration en vol des équipements d’aide qui existent. Les équipements installés aujourd’hui qui datent de 2004 sont réglés, calibrés au sol et l’OACI nous demande de coupler cette calibration au sol avec une calibration aérienne. C’est ce qui est en train de se faire. Une feuille de route vient d’être tracée par le ministre des Transports pour ce faire ». C’est dans ce contexte qu’est prévue une visite des responsables de la RVA au Sénégal où ils vont solliciter le concours de ce pays pour la calibration aérienne des équipements.
Crashes à répétition
Depuis une vingtaine d’années, l’aviation civile congolaise est dans le collimateur de l’OACI avait inscrit toutes les compagnies aériennes sur la liste noire des sociétés interdites de vol sur le territoire occidental. En 2003, l’OACI avait accordé un moratoire à la RDC pour recalibrer ses équipements de navigation aérienne pour réduire les risques d’accidents. Le crash de l’avion de la CAA à N’Djili en 2010, ceux de Goma en avril 2008 et mars 2013, ou celui d’un appareil d’Hewa Bora à Kisangani en juillet 2011, de Bukavu en février 2012 et bien d’autres sont encore frais dans les mémoires. Tous ces accidents qui ont fait plus d’une centaine de morts s’expliquent, en partie, par des défaillances du régulateur aérien de la RDC. Ils auraient pu être évités si la RVA, gestionnaire des aéroports, était dotée d’équipements adéquats d’assistance à la navigation aérienne. D’après une source interne la RVA ne disposerait pas de radars, une situation inimaginable sous d’autres cieux. Cela rendrait plus incertain le survol de l’espace aérien congolais. Jean-Marc Pajot, l’ancien directeur général de FlyCAA, avait fait état de nombreux dysfonctionnements dans le secteur aérien. Lors des premières assises de l’aéronautique civile en RDC en avril 2013, il avait affirmé que le problème de la sécurité de la navigation aérienne concerne toutes les structures impliquées dans la chaine de sécurité et de contrôle. A cet effet, il suggérait l’organisation d’un audit de l’aviation civile congolaise par l’OACI. Selon lui, la RDC ne répondrait qu’à 16 % aux recommandations de l’OACI. Aussi, préconisait-il une amélioration des services de la RVA ainsi que celle de la qualité des infrastructures et la sensibilisation des passagers au respect des normes de sécurité.
Au cours des mêmes assises, Justin Kalumba, ministre des Transports et vois de communications, avait pointé du doigt tous les intervenants. Après avoir dénoncé « les carences de normes au plan interne et l’irrespect de la réglementation internationale, le déficit des infrastructures les problèmes de compétence, l’absence d’une culture de sécurité. Face à ses problèmes qui pèsent sur l’aviation en Rdc, le numéro un des transports, a appelé à la barre l’Etat congolais, non seulement pour n’avoir pas initié à temps, toutes les reformes requises tant par l’OACI, l’Union européenne que par la Banque mondiale, dans l’optique d’amener plus de sécurité dans ce secteur, mais aussi pour avoir négligé l’importance du facteur humain dans la crédibilisation du secteur aérien congolais. Il a par la suite interpellé l’autorité de l’aviation civile congolaise (Aac) pour n’avoir pas pris la mesure de sa mission pourtant décisive dans la sûreté et la sécurité aérienne. Pour l’amélioration de la qualité de ses infrastructures, la RVA a bénéficié, outre des revenus qu’elle génère dans la gestion quotidienne des installations aéroportuaires, de financements additionnels, dont celui du Projet de prioritaire de sécurité aérienne (PPSA) pour 159 560 000 dollars), du Projet de transport multimodal (PTM) pour 10 millions de dollars), de l’Infrastructure Developement Fund ou IDEF (jusqu’en février 2014, le go pass a produit plus de 80 millions de dollars), d’Eximbank of China (60 millions de dollars) et de la Banque Africaine de développement BAD (150 millions de dollars). Transformée en société commerciale, la RVA avait prévu l’acquisition et l’installation d’un système de gestion et de surveillance moderne de l’espace aérien, depuis 2007.Des voix s’élèvent pour préconiser la séparation des activités de gestion du trafic aérien des activités