DGI : la TVA déçoit

Cette régie financière a réalisé, pour les sept premiers mois de l’année, un écart négatif dans la mobilisation des recettes collectées à travers ce système fiscal, instauré au pays en 2012. Plusieurs obstacles sont à la base de cette énième contreperformance. 

Siège de la DGI, à Kinshasa. (Radio Okapi)
Siège de la DGI, à Kinshasa. (Radio Okapi)

Du 7 au 9 août à Kinshasa, lors du séminaire de ses directeurs centraux et provinciaux, la Direction générale des impôts (DGI) a établi un déficit dans la collecte de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA), au courant de sept premiers mois de l’année. Cette régie financière a mobilisé 341.432.118.73 francs, sur les prévisions de 425.030.868.371,79 francs. Ce résultat représente un écart négatif de l’ordre de 83.598.750.189,06 francs, soit un taux d’exécution de 80%.

Il réalise un gap de 20%, alors que les recettes hors TVA ont connu une performance positive, avec un taux de réalisation de 99%. Le directeur général de la DGI, Dieudonné Lokadi, a justifié cette contreperformance par le faible taux de recouvrement de cette taxe. Les directeurs centraux et provinciaux ont signé un contrat de performance pour absorber, comme le souhaite, le vice-ministre des Finances, Roger Shulungu, ce gap, d’ici à la fin de l’année, de manière à rencontrer les attentes du gouvernement.

La TVA en RDC ne s’est pas débarrassée de ses tares que sont la faiblesse de l’administration, la culture anthropologique, l’étroitesse du budget, le manque d’une confiance légitime.

Athanase Matenda Kyelu

Une fois de plus, ce système fiscal moderne, instauré au pays avec optimisme en 2012, déçoit les attentes, dans la maximisation optimale des recettes publiques. Déjà en 2013, les recettes cette taxe sur la consommation, par rapport aux prévisions nettes de remboursement se sont situées à 583, 6 milliards de francs, sur des prévisions de 663, 9 milliards de francs. Par contre, le remboursement des crédits TVA, sur des prévisions annuelles arrêtées de 459, 7 milliards de francs, a été assuré à hauteur de 487, 7 de francs.

Les obstacles 

«L’introduction de la TVA en RDC s’est caractérisée par les obstacles classiques liés à l’assiette, aux taux, au seuil et tout naturellement à l’énigme constituée par l’incertitude d’assurer les remboursements de la TVA en amont, à travers les mécanismes de déduction en aval. Des processus de dépassement de ces obstacles ont été appliqués, mais têtue comme une mule, la TVA en RDC ne s’est pas débarrassée de ses tares que sont la faiblesse de l’administration, la culture anthropologique, l’étroitesse du budget, le manque d’une confiance légitime… », a relevé Athanase Matenda Kyelu, dans sa thèse soutenue en décembre 2013, à l’Université Panthéon-Assas, en France. Ancien ministre des Finances, il est, pourtant, l’un des artisans de cette réforme fiscale au pays, qui a pris dix ans de préparation, avant sa mise en œuvre en 2012. «Si la TVA a gagné l’Afrique, l’Afrique a-t-elle gagné avec la TVA?», s’est-il interrogé, constatant que cette taxe a produit des résultats mitigés dans le continent.

Les préoccupations de ceux qui estimaient qu’il était prématuré d’instaurer ce système fiscal moderne « made in France », dans un pays où l’environnement fiscal n’est pas encore à son aise, continuent à se justifier jusqu’à présent.

Précipitation 

La Fédération des entreprises du Congo (FEC) proposait le report d’une année, avant son application, pour permettre de proposer la meilleure alternative fiscale, devant garantir les recettes de l’Etat.

Albert Yuma, son président, soutenait alors que « l’ impréparation des administrations fiscale et douanière, le foisonnement des textes d’ application poussant au tâtonnement dans la mise en œuvre, le recours à un taux unique de 16 % sans tenir compte de la nature des biens ou services, et l’absence de prise en compte de la culture de facture dans une économie largement informelle et peu structurée » ne favorisaient pas la mise en place rapide de la TVA.

Malgré toutes ces propositions, le gouvernement est resté ferme dans sa volonté de rendre effective cette réforme, dès le premier jour de l’année 2012. C’était « une précipitation », pour d’aucuns. « Ces réformes sont belles, théoriquement, mais dans la pratique, il y a trop de faiblesses », indique un analyste fiscal, qui estime qu’il fallait d’abord évacuer ces difficultés structurelles à la mobilisation de recettes fiscales au pays, avant la mise en œuvre de la TVA.

Ces défaillances, personne aujourd’hui ne les ignore. Au terme de leur atelier, les directeurs généraux et provinciaux ont, entre autres, résolu de concevoir et de renforcer la sécurité du système informatique et l’acquisition d’un logiciel intégré de gestion de l’impôt, des missions de contrôle mixte en matière de suivi de la TVA, d’intensifier des missions pédagogiques et de sensibilisation en faveur des opérateurs économiques, des agents, d’élargir le répertoire des contribuables avec l’appui de l’Institut national des statistiques (INS) et de suivre des cas de défaillance en déclaration en paiement. Collectée par les assujettis au profit de l’Etat, la TVA occasionne d’importantes fuites des revenus au moment de sa collecte. Dans un système fiscal qui se recherche, la maîtrise de plusieurs paramètres s’avèrerait indispensable et primordial, avant son lancement. Ce qui n’a pas été le cas.

La TVA est venue remplacer l’Impôt sur le chiffre d’affaires (ICA). Les personnes physiques ou morales sont assujetties à la TVA lorsqu’elles réalisent un chiffre d’affaires annuel égal ou supérieur à 80.000.000 de francs.

INFO BOX

  • Selon la législation nationale, la TVA en RDC vise à
  • Moderniser le système d’imposition indirecte de l’ICA
  • Améliorer la compétitivité des produits de fabrication locale par rapport à ceux importés 
  • Améliorer la rentabilité du système fiscal congolais 
  • Améliorer l’attractivité du pays à l’investissement ;
  • Faciliter l’intégration du pays dans les regroupements économiques sous régionaux.