Personne en République démocratique du Congo n’ignore l’étendue des dégâts que peut causer un incendie suite à une mauvaise manipulation des produits pétroliers. Pour éviter cela, le gouverneur de la Province-Orientale, Jean Bamanisa Saidi est formel : « Tout produit pétrolier sera désormais stocké au dépôt SEP-Congo ». Il réagissait à la suite de l’incendie qui s’est déclaré au début du mois dans un quartier de Kisangani, le chef-lieu de la province, et qui a occasionné des dégâts matériels importants. Cette mesure vise la réglementation du secteur, à savoir l’entreposage, la commercialisation et la distribution des produits pétroliers. Le ministre provincial des Hydrocarbures, Paulin Odiane s’adressant aux opérateurs du secteur, a mis l’accent sur le fait que, en plus de l’entreposage SEP-Congo aura également la mission de contrôler la qualité et la conformité de ces produits. Cette société dispose d’assez d’espace pour cela. Avant d’indiquer que l’implantation de dépôts de fortune illicites en plein quartier résidentiel augmente les risques de propagation du moindre incendie. Les opérateurs du secteur ont reconnu la pertinence et l’opportunité de la décision du gouverneur de la Province-Orientale à qui ils ont promis leur soutien total, notamment en ce qui concerne les heures d’ouverture et de fermeture des stations de vente de carburant. Etant donné que ce qui s’est passé à Kisangani n’est pas loin de ce que les autres agglomérations du pays peuvent craindre, une réflexion là-dessus n’est pas de trop. D’autant que, si nous nous en tenons à certaines informations, la RDC pourrait devenir d’ici peu un pays pétrolier. Il faut donc, pour ne pas être pris au dépourvu, prendre les mesures qui s’imposent pour prévenir les risques. Outre les mesures liées aux conséquences de l’exploitation du pétrole sur la gestion de l’environnement, il y a aussi celles, plus urgentes, concernant les dangers que représentent le transfert et l’entreposage des produits pétroliers par des mains inexpérimentées. Qui a oublié le drame de Sange, au Sud-Kivu, dont les victimes continuent jusqu’à ce jour à réclamer des dédommagements ? C’était le 2 juillet 2010. Dans cette localité située à 70 km de Bukavu, des villageois voulaient tirer du carburant d’un camion citerne, qui s’est ensuite renversé à cause d’un excès de vitesse. C’est le drame : plus de 250 personnes, dont une soixantaine d’enfants, trouvent la mort dans l’incendie qui s’ensuit. Deux ans auparavant, dans la nuit du 30 décembre 2008, du dépôt de marchandises et des bâtiments prennent feu au marché Mariano, au quartier Kimbangu, dans la zone de Kalamu. Il n’y a pas de mort, mais les dégâts sont importants, comme vont s’en rendre compte les conducteurs des véhicules anti-incendie qui n’arriveront que le lendemain. A Tshikapa, au Kasai-Occidental, le 8 juillet 2013, trois enfants périssent calcinés dans un dépôt de carburant où ils passaient la nuit. Dans toutes ces tragédies, une raison saute aux yeux : le transport et l’entreposage des produits pétroliers par des personnes irresponsables. Doit-on continuer à exposer la population à des dangers réels alors qu’il existe des structures appropriées ? A quoi sert donc la Société d’entreposage des produits pétroliers (SEP-CONGO) qui a reçu de l’Etat, entre autres missions, l’entreposage, le transport et la distribution des produits pétroliers, à travers tout le pays ? SEP-Congo s’était acquittée de sa mission avec satisfaction jusqu’en 2007, année où elle a perdu son monopole. Pour mémoire, quand SEP-Congo était seule dans ce secteur, cela procurait de nombreux avantages à l’Etat et aux sociétés commerciales et pétrolières. Le volume exact des produits pétroliers était déclaré à la douane et les différentes taxes correctement payées. Les produits acheminés à Kinshasa par pipe-line, à partir d’Ango-Ango, sur la côte Atlantique étaient entreposés selon les normes exigées, dans des infrastructures appropriées, et gardés sous la supervision d’un personnel formé à cet effet, sous le contrôlé régulier de l’Office congolais de contrôle (OCC). Cela, jusqu’à la distribution à Kinshasa ou à l’acheminement à l’intérieur du pays par des unités flottantes, par train ou par un charroi automobile sécurisé et conçu pour cette tâche. Grâce à ce circuit, les risques d’incendie étaient minimisés, l’Etat recouvrait ses droits et était informé à temps de la quantité de tout produit entrant. Aujourd’hui, avec l’irruption dans le circuit d’innombrables privés guidés par l’appât du gain et insouciants des risques pour la population, la rigueur n’est plus de mise. On note une sous-évaluation du volume des produits qui entrent aux postes frontaliers, du transport et de l’entreposage non sécurisés. Cela entraîne la pollution de l’environnement, la destruction de l’écosystème et l’exposition des personnes préposées aux maladies. Sans parler de la spoliation de certains dépôts SEP-Congo. Face à ce tableau peu reluisant, il est temps pour que l’Etat lance des campagnes de sensibilisation et d’information sur cette question.