Un chèque de 5,2 milliards de dollars. Voilà ce que s’apprête à signer le laboratoire pharmaceutique irlandais Shire pour acquérir la biotech américaine NPS Pharmaceuticals. Inconnu du grand public, ce laboratoire est spécialisé dans les maladies rares.
Contre toute attente, cette niche est devenue l’une des plus lucratives du secteur pharmaceutique. Décryptage de Nadège Penhaleux, directrice de mission chez Alcimed, société de conseil en innovation et développement de nouveaux marchés.
Pourquoi les laboratoires pharmaceutiques s’intéressent-ils aux maladies rares ?
Grâce aux mécanismes incitatifs mis en place aux États-Unis comme en Europe, c’est devenu un marché très lucratif. Un médicament ayant obtenu la désignation orpheline bénéficie d’un accès plus rapide au marché et d’une exclusivité de 10 ans (7 ans Outre-Atlantique). Cette sanctuarisation permet aux laboratoires de rentabiliser leur investissement avant l’arrivée de médicaments concurrents.
L’autre élément déterminant est le prix généralement élevé accordé à ces traitements : jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’euros par an et par patient pour des médicaments comme Soliris (Alexion), des thérapies de remplacement enzymatique comme Fabrazyme (Sanofi), Replagal (Shire) ou encore Kalydeco (Vertex Pharmaceuticals).
Enfin, les recherches sur les maladies « rares » – qui touchent moins d’une personne sur 2 000 selon la définition européenne, ou moins de 200 000 patients aux États-Unis – peuvent aussi être très précieuses pour développer des traitements pour des maladies bien plus courantes.
En 2014, l’Agence européenne a donné son feu vert à un nombre record de médicaments orphelins, qui représentaient 17 des 82 autorisations de mise sur le marché. Cette tendance va-t-elle se poursuivre ?
On recense environ 7 000 maladies rares et il n’existe des traitements que pour 2 % d’entre elles. Le potentiel de ce marché – estimé à un peu moins de 100 milliards de dollars en 2014 – est donc gigantesque. Selon Evaluate Pharma, il faut s’attendre à une croissance annuelle des ventes de 10,5 % par an entre 2014 et 2020.
Les grands laboratoires investissent tous dans ce créneau. Le suisse Novartis détient le plus grand portefeuille de médicaments, le français Sanofi a acquis Genzyme, une biotech pionnière dans ce domaine, l’américain Pfizer dispose d’une unité de recherche dédiée et le britannique GSK a créé son propre fonds de capital-risque pour investir dans les biotechs du secteur.
Moins connu du grand public, Celgene a aussi acquis une grande expertise dans ce domaine.
Quelles sont les limites de ce business model ?
Les payeurs commencent à s’inquiéter de l’inflation des prix. Plusieurs laboratoires ont dû revoir leur prix face au refus des autorités de payer le montant initialement demandé. Les associations de patients sont cependant très mobilisées pour faire avancer la recherche et garantir l’accès aux traitements.