Réformée et bien gérée, la Société des droits d’auteur et droits voisins (Socoda) est capable de générer beaucoup d’argent et aider les artistes à sortir de la précarité dans laquelle nombreux se trouvent. Sujet d’espoir au départ, la Socoda n’arrive pas à maximiser ses recettes.
Une cellule d’études est en pleine élaboration des lois dans le souci de dissiper la crise pérenne qui y a élu domicile. Une assemblée générale et l’élection de nouveaux administrateurs suivront au terme du travail en cours.
Certes l’aspect légal est important pour résoudre le problème de légitimité de ses mandataires, mais la rentabilisation de cette structure passe par la réforme de ses méthodes de recouvrement. De l’avis de Maïka Munan, l’un de ses administrateurs, ces méthodes sont jusque-là empiriques. Cela explique le fait que certains artistes ayant des responsabilités au sein de la société mettent leur célébrité en jeu pour collecter les redevances. L’un d’eux, ayant en charge le recouvrement a, en 2013, convaincu les deux sociétés brassicoles de la place de payer l’une cent-vingt mille dollars et l’autre soixante mille, en deux tranches. C’est aussi grâce à l’aura de ces artistes que la direction provinciale de la Socoda au Katanga a pu, avant l’éclatement de la crise, transférer à Kinshasa 350 mille dollars.
Avec des bureaux de représentation à travers toutes les provinces, la Socoda n’arrive pas toujours à mobiliser des ressources. Notre interlocuteur déplore : « pour le moment, nous n’avons pas un service de monitoring capable de dire que, rien qu’à Kinshasa, voici les chansons qui ont été diffusées ».
Maïka Munan fustige le fait que les chaînes de télévision et les stations de radio émettant sur la bande FM n’aient pas de playlists. « Si les chaînes de télévision et les stations de radio avaient des playlists, nous serions capables d’évaluer dans le mois et de savoir quelles sont les chansons qui ont été diffusées et à qui appartiennent les droits parce que, dans un titre, on peut avoir trois ou quatre ayants droit », explique-t-il.
Le fait générateur des droits
De nombreux chanteurs, danseurs et instrumentistes ne sont pas passés par un conservatoire. Du jour au lendemain, quiconque le veut devient musicien. Cette entrée par effraction dans le métier ne facilite pas la répartition des modiques droits perçus. Personne ne veut être classé du côté des laissés-pour-compte. Pour Maïka, la société des droits d’auteur est un problème d’intérêt. «On peut avoir écrit mille chansons, on peut avoir dessiné cent tableaux, si vos tableaux n’ont pas généré des droits, vous ne toucherez rien. », argue-t-il. Avec les droits d’auteur, quelqu’un qui n’a écrit qu’une chanson peut gagner dix fois plus que celui qui a deux mille chansons mais qui n’ont rien généré.
« Donc, il ne suffit pas de se teindre les cheveux, de baisser un peu la culotte pour qu’on voie le slip, de faire pousser la barbichette, comme c’est le look du moment, pour prétendre que la Socoda a détourné tes droits d’auteur », ironise-t-il. Les œuvres qui génèrent des droits sont celles qui sont jouées dans les médias ou sont reproduites sur des supports commerciaux. « Ce n’est pas le cas de tout le monde. Il y a des artistes qui peuvent prétendre à cela et d’autres qui le disent parce que ça fait joli cinéma », précise Maïka.
Confier la gestion aux étrangers
La restructuration de la Socoda s’impose. Maïka Munan suggère de garder le conseil d’administration de la Socoda et de confier momentanément sa direction générale à une société sœur. Cette société étrangère qui a déjà fait ses preuves et qui a de l’expérience, pense-t-il, pourrait être la Sabam ou la Sacem. « Comme ça, on formera des cadres et il y aura transfert des connaissances de telle manière que nous puissions nous-mêmes gérer notre société des droits d’auteur », indique-t-il.
On le voit : le fantôme de la Société nationale des éditeurs, compositeurs et auteurs (Soneca), dont la Socoda hérite le lourd passif, est encore présent. La dotation de 220 mille dollars libérée par le gouvernement pour permettre à la jeune société de fonctionner, était comme venue réveiller les démons d’alors. On crie à la mauvaise gestion, au détournement des droits des artistes, à l’incompétence, etc. Dernièrement, l’un des responsables, Verkys Kiamwangana, a dénoncé l’utilisation d’une partie de cent mille dollars à des fins autres que celles pour lesquelles œuvre la Socoda.
La révocation de Jacques Mondonga, Blaise Bula et Gérard Mwaka, respectivement président du conseil d’administration, vice-président chargé des finances et directeur général, n’a rien changé de positif. Par contre, la désignation de Paulin Mukendi comme PCA a.i. n’a pas non plus dénoué la crise. Mukendi n’est pas reconnu par le ministère de la Culture et des Arts, acte désapprouvé par les sociétaires qui brandissent l’autonomie de leur structure.
Devant le chaos qui règne, les veuves et orphelins des artistes décédés observent. Organisés dans une association dirigée par Mme Théthé Mumbata, veuve de Djo Poster Mumbata, ils attendent leur heure. « Nous avons l’occasion d’asseoir notre propre structure pour protéger les œuvres de nos parents », explique Yannick Mumbata, le fils de Mumbata. Le désordre qui règne au sein de la Socoda pousse à la réflexion. Déjà, certains artistes optent pour la proposition de l’écrivain Gabriel Sumaili Ngaye, selon laquelle le gouvernement doit éclater la Socoda en plusieurs sections. Pour Sumaili, en le faisant, les droits des artistes congolais seraient plus protégés, comme en France où coexistent la Société des auteurs, compositeurs de musique (Sacem) et la Société civile des auteurs compositeurs.
Le retour à la normale, tranche Maïka Munan, ne viendra que lorsque les problèmes de gestion, de la liquidation et de l’amélioration des moyens de perception des droits des artistes auprès des assujettis seront réglés.