Mi-septembre 2015, un atelier a réuni à Kinshasa, les experts de la Banque africaine de développement et leurs homologues congolais. À l’ordre du jour : faire le point sur les actions prévues de 2013 à 2017, tirer des enseignements et s’assurer que les performances macroéconomiques se traduisent par l’amélioration du quotidien de la population.
La stratégie nationale pour le développement (2013-2017) n’a pas encore atteint la vitesse de croisière. C’est le constat qui se dégage de sa revue à mi-parcours faite conjointement à Kinshasa par les experts de la Banque africaine de développement (BAD) et leurs homologues congolais. Au cours de cette rencontre sous forme d’atelier, il a été question de faire l’évaluation des progrès réalisés dans la mise en œuvre du DSP 2013-2017 et des performances des opérations de la Banque africaine de développement; mais aussi de jauger la pertinence de la stratégie de la BAD à la lumière de la revue des cadres stratégiques et des programmes d’actions du gouvernement, des besoins émergents du pays, d’en proposer les ajustements éventuels et enfin définir les priorités pour le programme de coopération 2015-2017.
Pour le représentant-résident de la BAD en RDC, Sylvain Maliko, le secteur public ne peut pas à lui seul couvrir tous les besoins de développement. D’où, la nécessité d’ouvrir les portes à d’autres intervenants. Il a plaidé pour un schéma d’inclusivité de tous les intervenants. C’est sans doute pour cette raison que l’équipe d’experts de la BAD a fait le tour d’horizon de la situation avec la Fédération des entreprises du Congo (FEC), la société civile et le gouverneur pays auprès de la BAD, le ministre des Finances, Henri Yav Mulang. Selon ce dernier, l’accompagnement du secteur privé est nécessaire parce qu’il crée des emplois et de la richesse. D’autres secteurs prioritaires comme le renforcement des capacités dans différents domaines ont été également examinés pour procéder aux ajustements nécessaires.
Dialogue nécessaire
Les experts de la BAD ont en outre donné la liste des instruments pour profiter des services de cette banque. Aux opérateurs économiques, on a dévoilé que le fil conducteur de l’intervention de la BAD en RDC est de soutenir les investissements du secteur privé. Mais aussi d’appuyer le gouvernement en matière d’infrastructures et de désenclavement du pays, sans oublier le secteur de l’eau et de l’assainissement et les réformes. Les participants ont reconnu la nécessité de l’implication de tous les intervenants qui devront s’attaquer aux contraintes pour que l’État joue effectivement son rôle et pour qu’il mobilise davantage de ressources et crée un environnement propice à la création des entreprises.
Les rapports entre la RDC et la Banque paraissent sur la bonne voie. La revue à mi-parcours et la performance du portefeuille pays de la BAD en font foi. En effet, le ministre des Finances Henri Yav Mulang et le représentant-résident de la BAD, Sylvain Maliko, ont circonscrit le cadre de cette réunion de travail, notamment en termes de renseignements sur les engagements pris entre parties. Des temps forts ont marqué cette rencontre : la présentation des principales conclusions de la revue à mi-parcours et la présentation du portefeuille de la BAD. Du contexte et des objectifs de la revue à mi-parcours du DSP, il sied de retenir qu’il était axé sur la revue des cadres stratégiques et des programmes d’actions du gouvernement (2012-2015) ainsi que sur le lancement de la préparation du Plan national stratégique de développement (PNSD 2016-2021); l’environnement économique extérieur particulièrement difficile caractérisé par la baisse des cours des matières premières, l’urgence d’accélérer la diversification de l’économie; et les implications stratégiques et opérationnelles pour le DSP.
Rappel des objectifs
L’objectif global poursuivi par la BAD consiste à accompagner la RDC dans ses efforts pour sortir de son état de fragilité et créer les conditions d’une croissance forte et inclusive. Pour atteindre cet objectif, le DSP s’articule autour de deux piliers: développer les infrastructures afin de soutenir l’investissement privé et faciliter l’intégration régionale; et renforcer les capacités de l’État à accroître les recettes publiques et créer un cadre incitatif pour l’investissement, l’ancrage autour d’une approche spatiale (régions, grands centres) et intégrée.
Présentant cette exécution à mi-parcours du DSP, la BAD estime une exécution globalement satisfaisante du programme opérationnel et la mise en œuvre satisfaisante du programme des opérations programmées dans le DSP (11 opérations approuvées). Des progrès dans la réalisation des résultats du DSP ont été également signalés, même si on a noté des lenteurs dans la mise en œuvre des opérations. En ce qui concerne les résultats à mi-parcours du pilier I, on a signalé des performances moyennement satisfaisantes dans le domaine des infrastructures et des progrès plus mitigés dans celui de la gouvernance sectorielle; la réduction du délai de transport entre Kinshasa et la zone centre du pays (de 3 à 2 jours); l’accès de 120 000 personnes supplémentaires à l’eau potable, 60 000 à l’assainissement et 15 600 personnes à l’énergie. À ce sujet, les cibles à mi-parcours n’ont pas été atteintes en matière d’énergie, de transport, d’eau et d’assainissement. Quant aux résultats en matière de renforcement de la gouvernance (infrastructures de transport, énergie), ils ont été plus lents que prévu.
Concernant les résultats à mi-parcours du pilier II, on note la performance moyennement satisfaisante en matière de renforcement des capacités institutionnelles et de promotion du secteur privé; le renforcement des capacités de la Fonction publique à travers l’appui à l’École nationale d’administration (formation de 60 cadres) et à la Faculté polytechnique; la construction et la réhabilitation des locaux des trois régies financières dans les provinces du Kongo Central, du Maniema et de l’ex-Province orientale, et l’assistance technique au Comité pour la réforme des finances publiques (COREF) pour le pilotage de la réforme du secteur. Des résultats satisfaisants n’ont pas encore été atteints dans le domaine statistique (prestations en cours) et en matière d’amélioration du climat des affaires et de promotion du secteur privé (projet approuvé en juin 2015). De même, on observe une envergure limitée du portefeuille d’opérations du secteur privé.
À propos de l’esquisse de la stratégie de la BAD pour 2015-2017, les principaux enseignements à mi-parcours du DSP sont de renforcer le soutien à la mise en œuvre du portefeuille (diligenter le rythme d’exécution des opérations); d’accélérer les réformes au niveau de la gouvernance des infrastructures, et du climat des affaires; renforcer le partenariat avec le secteur privé-secteur financier ; la nécessité d’une approche spéciale pour les grands projets intégrateurs comme Inga III; la nécessité de renforcer l’appui au secteur agricole, etc.
De même, il sied de signaler l’esquisse de la stratégie pour 2015-2017, le maintien du cadre stratégique global du DSP et des ajustements proposés. Les experts ont retenu les orientations stratégiques de l’engagement de la Banque en ligne avec les priorités et les défis du pays (PNSD 2016-2021); les thèmes principaux du DSP restent pertinents : les infrastructures (énergie, transport, eau et assainissement) et le renforcement des capacités (Finances publiques, Fonction publique, statistique et climat des affaires).
Dans le même ordre d’idées, il a été question des ajustements proposés sur base de leçons tirées à mi-parcours, des conclusions du Document de stratégie de croissance pour la réduction de la pauvreté (DSCRP II) et des consultations avec l’ensemble des parties prenantes : le réajustement du soutien au secteur énergie (microcentrales, réhabilitation de centrales hydroélectriques et renforcement des réseaux de transport et de distribution); le renforcement du sous-secteur de transport aérien; le renforcement du soutien au secteur agricole, le programme de promotion de l’entrepreneuriat axé sur l’emploi des jeunes; et le renforcement de l’appui de la Banque au développement des PME et du secteur financier (inclusion financière).
Une place a été réservée aux travaux d’analyse et de conseil. À cet effet, il convient de retenir les études de préparation de projets (agricoles notamment); la mise à jour des études sur la situation de fragilité de la RDC; et la poursuite de l’assistance technique liée aux projets en cours. Pour sa part, la FEC a plaidé pour que la BAD mobilise des financements en faveur du secteur privé. De même, le patronat congolais a plaidé pour le développement de certaines infrastructures, préalable à une inclusion financière.
Les femmes, notamment celles du Comité national des femmes entrepreneurs (CNFE) n’ont pas été oubliées. Elles ont remercié la BAD pour ses interventions en leur faveur. Elles ont néanmoins fustigé le déficit de communication qui les préjudicie. Elles ont mis l’accent sur la formation et insisté sur un accompagnement financier pour des projets initiés par elles. Entre autres écueils, elles ont soutenu qu’aucune industrie agricole ne peut se développer sans financement extérieur. Joëlle Bile, membre de la FEC, a salué cette revue à mi-parcours qui permet un rapprochement entre la BAD et le secteur privé. Pour elle, il était temps qu’on s’arrête un peu, afin de rectifier le tir. Ces échanges devraient permettre à ce que le document stratégique 2013-2017 reflète la réalité sur terrain.
Rencontres préliminaires
Au siège de la BAD sur le boulevard du 30 Juin, la société civile est venue également répondre à l’appel de cette institution financière internationale, pour discuter du document de stratégie pays, évaluer ce qui a été fait et tirer les principales leçons qui s’imposent. Jean-Marie Dabiré, économiste en chef à la BAD a expliqué les deux piliers de la stratégie qui doit couvrir une période de cinq ans. Le premier pilier porte sur les infrastructures (énergie, transport, eau potable et assainissement) et le deuxième sur le renforcement des capacités de l’État pour lui permettre de renforcer les ressources internes, mettre en œuvre la réforme de l’administration et mettre en place un cadre incitatif pour les investissements privés. Pour lui, cet exercice vise à discuter avec les acteurs du secteur public et privé pour l’amélioration des conditions de vie de la population et permettre au secteur privé d’améliorer le quotidien des Congolais.
De leur côté, les membres de la société civile ont évoqué la nécessité d’impliquer les différents intervenants dans les projets pour leur appropriation. La société civile a constaté la lourdeur dans la prise de décisions, consécutive à la multiplicité de procédures. Sur la même lancée, elle a apprécié le désenclavement de certaines parties du pays, mais a déploré l’absence d’entretien des routes de desserte agricole. Elle s’est intéressée également à la politique de la BAD pour promouvoir les PME et les emplois de jeunes. D’autres membres ont épinglé le problème du déficit de communication, avant de s’informer sur la stratégie pour la protection de l’environnement.