À l’heure du Covid-19, les chiffres inédits des denrées sur le marché kinois

Depuis le mois de mars, à la suite des mesures liées à l’état d’urgence sanitaire et de confinement, l’offre de principaux produits alimentaires a diminué dans la capitale. Les prix de vente de riz, sucre, semoule de maïs, lait, poissons, fruits, légumes, margarine, œufs, savons, etc. explosent. Ils ont progressé de 50 % à de 90 % dans l’ensemble.

À LA mi-mars, les ménages s’étaient rués dans les principaux marchés kinois (marché Central, Zikida, Gambela, Matete et marché de la Liberté) ainsi que magasins et supermarchés de Kinshasa pour s’approvisionner en produits alimentaires. À l’origine de ce mouvement de panique, la décision de l’exécutif urbain de confiner pendant trois semaines la capitale, estampillée « épicentre de la pandémie de Covid-19 » en République démocratique du Congo, de limiter les activités économiques et les déplacements de la population, ainsi que de fermer les points d’accès à la ville pour lutter contre la propagation du Covid-19. 

À l’avant-veille de l’entrée en vigueur de ces mesures, Gentiny Ngobila Mbaka, le gouverneur de Kinshasa, a décidé de reporter la mesure de confinement, à la suite d’un constat amer dès l’annonce de la mesure de confinement de Kinshasa : une valse effrénée des étiquettes sur le marché comme jamais vue au auparavant. On s’est cru en situation de guerre. Mais aussi dans la ville se répandait la rumeur des pillages éventuels des domiciles, commerces et services. 

Cependant, le fait d’annuler cette mesure de confinement pour ne l’applique que pour la seule commune de Gombe, le centre des affaires, considérée comme l’épicentre de la pandémie à Kinshasa, tout en maintenant les autres mesures de fermer les points d’accès, même pour le transport de marchandises et vivres, n’a rien changé à la situation. Les prix n’ont pas baissé à leur niveau d’avant mi-mars. Au contraire, on assiste, depuis, à une hausse continue des prix dans les marchés et les magasins, chaque semaine. 

Il faut dire que la demande de consommation de produits alimentaires a progressé dans la seconde quinzaine du mois de mars pour se tasser à la mi-avril car les ménages étaient encore dans la crainte du confinement. Mais les prix, eux, n’ont pas suivi la même tendance. La dévaluation de la monnaie nationale mais aussi la baisse des importations sont mises en avant pour justifier cette situation.

Enquête de confiance

On peut mesurer l’ampleur du phénomène grâce une brève enquête de confiance que vient de réaliser Business et Finances dans les principaux marchés de Kinshasa, avec ancrage sur le marché de Matete. Globalement, le confinement de Gombe, pendant plus d’un mois maintenant, et les barrières routières ont eu des retombées négatives sur les marchés des denrées alimentaires au niveau des volumes écoulés et des prix. Les chiffres figurant ci-dessous concernent l’évolution des ventes en prix de produits alimentaires depuis la mi-mars. 

Vivres frais : les ventes de viande rouge ont augmenté de quelques poignées de francs congolais. Le kilo de la viande de bœuf fraîche est toujours à 10 dollars, tandis que celui de la viande surgelée importée est passé de 12 000 FC (mi-mars) à 13 000 FC. Le kilo de la viande de porc est passé 12 000 FC (mi-mars) à 15 000 FC la semaine dernière. La viande de chèvre produite localement est désormais hors portée de beaucoup de ménages. Les prix sont passés du simple au double.

En ce qui concerne les autres produits surgelés d’importation et de grande consommation, le poulet (1 200 g ou poids 12) se vend à 6 000 FC, contre  5 000 FC auparavant. Le kilo de « Mipanzi » (côtes de bœuf) se vend à 7 000 FC, contre 6 000 FC précédemment. Le kilo de « Makoso » (sabots de porc), lui, se vend à 3 500 FC, contre 3 000 FC auparavant. Dans le pavillon de poissons, la flambée des prix du fameux « Thomson » (chinchard) effraie les ménagères. Tenez : un seul poisson (moyenne) coûte 2 000 FC actuellement, soit le prix de 3 ou 4 poissons à la mi-mars. Il en va de même pour les autres poissons, tel le Dorade.

Le plateau d’œufs (30 pièces moyennes) est passé de 6 500 FC (mi-mars) à 7 000 FC actuellement. Malgré une forte hausse de la production locale, qui par ailleurs ne parvient pas à couvrir les besoins, le pays importe encore des tonnes d’œufs. Les prix de produits laitiers (lait de consommation, crème, yogourt, fromage, etc.) enregistrent également une croissance. La boîte de lait Nido de 2 500 g est passée de 45 000 FC à 52 000 FC. D’ailleurs, cette marque prisée par les ménagères est actuellement introuvable sur le marché. Sur le marché, on observe une rareté des produits alimentaires qui entrent à Kinshasa par Lufu en provenance de l’Angola. Selon les vendeurs interrogés, la fermeture de la frontière est à la base de cette situation de pénurie. Désormais, l’approvisionnement à partir de l’Angola se fait par la contrebande.

Le sachet de sucre de 5 kg produit par la Sucrière de Kwilu-Ngongo coûte actuellement 11 000 FC, contre 8 000 FC à la mi-mars. Dans la mouvance du confinement, les ventes de fruits, toutes catégories confondues, ont connu aussi une flambée des prix. Les citrons, particulièrement, ont vu leur prix passé du simple au triple. Et dans leur foulée, les oranges, les mandarines, les pommes, les pastèques ou melons et les bananes. Un régime de bananes plantain est passé de 2 000 FC à 3 000 FC-5 000 FC.

Quant aux légumes, ils ont affiché une hausse dans des proportions relativement importantes. Une botte (quelques tiges) de « biteku-teku », « matembele », « bilolo », etc. est passée de 1 000 FC à 2 000 FC, tandis que celle de « pondu » (feuilles de manioc) se vend à 2 000 FC actuellement, contre 1 000 auparavant. Encore que la saison sèche arrive, le produit se faisant rare. Les ménages redoutent encore une hausse pour le prix du « pondu » …

La flambée des prix des épices surprend les ménages plus que tous les autres produits alimentaires. Oignons, tomates, céleri, « ndembi » (ciboulette), muscade, ail, poivron, aubergine, poireau, cubes de cuisine, feuilles de laurier, piment… ont vu leurs étiquettes changer : du simple au double, carrément.  

Les prix des pommes de terre de table, des carottes ont également explosé de plus de 50 %. Par exemple, un sachet de 1 kg de pommes de terre est passé de 4 500 FC à 4 000 FC auparavant. Les prix du pain et d’autres articles de boulangerie n’ont pratiquement pas bougé mais le grammage a été sans doute réduit, dénoncent les consommateurs interrogés. Les prix des huiles de table, margarines et des graisses ont progressé aussi. Un bidon de 5 l d’huile de table (Avena) est passé de 13 000 FC à 17 000 FC. Les produits Marsavco sont devenus rares sur le marché à la suite de l’arrêt de travail. C’est le cas notamment de la margarine Blue-Band. Ceux qui en ont en stock, l’écoule à 2 8000 FC-3 000 FC, contre 1 800 FC à la mi-mars.

Quant aux céréales, riz et maïs, le prix du sac de semoule de maïs de 25 kg coûte actuellement 35 000 FC, contre : 25 000 FC précédemment. Le sac de riz de 25 kg se vend à 45 000 FC, voire 50 000 FC, contre 33 000 FC à la mi-mars.Le sac de « fufu » (cossettes de manioc) de 50 kg coûte entre 80 000 FC et 100 000 FC (« Bas-Kongo »), contre 120 000 FC à l’annonce du confinement de Kinshasa. Tandis que le même sac (Bandundu) revient à 50 000 FC-55 000 FC actuellement, contre 100 000 FC à l’annonce du confinement. Le sac de « makala » (braises) essentiel pour la cuisson des aliments coûte entre 35 000 FC et 40 000 FC, alors qu’il avait monté jusqu’à 80 000 FC à la mi-mars.