Sur les places financières fortes, le rythme est au son du violon

La crise sanitaire due au Covi-19 impacte conjointement l’offre et la demande. Des experts estiment que cette semaine et celles à venir permettront sans doute de répondre à la question de savoir si cette phase historique constitue une récession cyclique ou un choc sectoriel.

L’ÉCONOMIE rouvre à petits pas. Et comme l’explique le fameux proverbe bien connu des opérateurs, le « son du violon » incite les prises de bénéfices à l’inverse du « son du canon ». Malgré cette récente alerte des indices, deux forces continuent de s’opposer avec, d’un côté, la forte dégradation des conditions macroéconomiques, à l’image de la chute des petites et moyennes industries (PMI) et, de l’autre, les interventions sans limite des Banques centrales et des gouvernements.

Les mesures de soutien favorisent une allocation plus risquée mais très ciblée chez les investisseurs, même si les escarmouches sino-américaines resurgissent et viennent rajouter de la volatilité au prix des actifs. Malgré le début du déconfinement dans plusieurs pays, lequel laisse espérer une reprise progressive de l’activité économique, les places financières ont été chahutées la semaine dernière, subissant pour la plupart de lourds dégagements. 

Les opérateurs ont, en effet, réduit leur exposition aux actifs risqués, sur fond de craintes d’une nouvelle vague de contaminations au Covid-19. La dégradation des perspectives économiques ainsi que le regain de tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis constituent deux autres motifs pour justifier cette désaffection provisoire pour les actions.

Du côté des indices, sur la semaine du 11 au 17 mai, toutes les zones géographiques ont cédé du terrain. En Asie, le Nikkei a perdu 0.7 %, le Shanghai composite 0.9 % et le Hang Seng 1.8 %. En Europe, malgré le rebond de la fin de semaine, les pertes sont plus significatives. Le CAC40 a enregistré une perte hebdomadaire de 5.1 %, le Dax a reculé de 3.5 % et le Footsie de 1.8 %. Pour les pays périphériques de la zone euro, le Portugal a décroché de 4.8 %, l’Espagne a cédé 2.5 % et l’Italie 2 %. Aux États-Unis, les indices ont limité la casse à la clôture. Le Dow Jones a perdu 2.9 %, le S&P500 2.6 % et le Nasdaq100 a confirmé sa résilience, avec un repli de seulement 1.4 %. L’indice des valeurs technologiques a conservé un gain de plus de 4 % depuis le 1er janvier.

Marché actions

La performance du Nasdaq 100 depuis le point bas du 23 mars restera dans les annales : 2 600 points de hausse pour aller rejoindre les 9 300 points. Toutes les résistances psychologiques des retracements de Fibonacci n’ont pu s’y opposer. Le mouvement ascensionnel se caractérise par son dynamisme avec une moyenne positive de 80 points par jour sur la trentaine de séances qui sépare le creux du zénith. 

En effet, les GAFAM ont continué de participer activement à la remontée de l’indice technologique. Sociétés gagnantes en situation ordinaire mais aussi en temps de crise, ces dernières (Apple, Alphabet, Microsoft, Amazon et Facebook) représentent près de 50 % de la composition totale de l’indice diffusé à Times Square. À elles seules, c’est près de 6 200 milliards de dollars, soit 50 % de la totalité des capitalisations des 100 plus grosses valeurs technologiques. Le PER du club des 5 se situe à 42 fois les BN A contre une moyenne indicielle de 30, représentant une prime à la qualité et à la croissance.

Marché obligataire. Si les taux se négocient globalement sur des points bas hebdomadaires, les marchés obligataires sont dans une tendance latérale. Ni les taureaux, ni les ours n’ont réussi réellement à prendre le dessus ces derniers temps. En Europe, les principales références restent recherchées par les investisseurs, le Bund se traite sur une base de -0.54 % alors que l’OAT conserve de peu son rendement négatif à -0.04 %. 

En Italie, la pression se dégonfle sur l’emprunt à dix ans (1.80 %), ce qui profite également à l’Espagne (0.20 %). Suite aux diverses publications pessimistes sur les projections du PIB britannique, la demande pour les obligations gouvernementales à 2 ans a fortement augmenté poussant ainsi le rendement de cette échéance dans le négatif. L’obligation d’État concernée est passée de 0.35 % début mars, à -0.03 % de rendement, alors que la référence à 10 ans produit un taux de 0.20 %.

Pour des observateurs, cela pourrait être un présage de l’évolution des taux aux États-Unis. Malgré le discours de Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale (Fed), qui a assuré que son pays n’envisageait pas un tel scénario, le marché a semblé de plus en plus préoccupé par cette tendance la semaine dernière et l’on peut déjà observer une détente à la fois sur la partie courte de la courbe des taux ainsi que sur le 10 ans américain à 0.61 %. Moins impactée par le stress, la Suisse de son côté conserve de bonnes conditions pour emprunter, son rendement se stabilisant à 0.57 %. En parallèle aux marchés des emprunts souverains peu rémunérateurs, le crédit se porte bien car les titres « Investment Grade » et « High Yield » conservent des rendements attrayants malgré les risques sectoriels.

Marché des changes

Par ailleurs, le marché des devises a conservé la semaine dernière sa structure actuelle avec le renforcement des monnaies fortes, les trois valeurs concernées (dollar, yen et franc suisse) se neutralisant dans leurs échanges. Le couple USD/JPY s’est équilibré sur 1.07 alors que la parité USD/CHF a dupliqué le mouvement à 0.97. Le différentiel de taux quasi inexistant entre l’euro et le franc suisse pousse, malgré tout, les cambistes vers la devise helvétique plus robuste. La monnaie unique a donc touché un plus bas de 5 ans contre le franc suisse à 1.05 CHF. La dégradation est graduelle depuis deux ans.

Face au dollar, la léthargie continue. En effet, la parité majeure évolue entre deux bornes resserrées (1.098 et 1.077 dollar). La peur d’un éclatement de la zone euro après le jugement de la Cour allemande la semaine du 4 au 10 mai n’a, en effet, pas eu d’impact sur le taux de conversion, la semaine dernière. Outre-manche, la livre s’affaiblit contre les monnaies fortes : 1.22 face au dollar ou 1.19 contre le franc suisse, faisant perdre environ 200 points de bases à chacune des parités.
Du côté de la zone émergente, c’est la devise brésilienne qui a encore subi la pression et a cédé du terrain face au billet vert à 5.90 BRL. Cette même parité se traitait sur une base de 4.1 BRL en début d’année.

La semaine dernière a été peu fournie en termes de statistiques européennes.
Les indices CPI et PPI en Allemagne sont ressortis contrastés, à respectivement +0.4 % et -0.7 % (contre +0.3 % et -0.6 % attendu). Le PIB allemand était quant à lui conforme aux attentes à -2.2 %, faisant entrer l’Allemagne en récession, en raison du coronavirus. Pour la zone euro, la production industrielle chute de 11.3 % (consensus -12.3 %), le PIB a reculé de 3.8 % tandis que la balance commerciale était meilleure que prévue (23.5B contre 17.2B anticipé).

En Chine, les données étaient mitigées. Les ventes au détail ont chuté de 7.5 %, le chômage a remonté à 6 % mais la production industrielle a grimpé de 3.8 % alors que le marché attendait +1.5 %. Outre-Atlantique, les inscriptions hebdomadaires au chômage sont ressorties à 2 981K (2 500K attendu).
Les ventes au détail ont chuté de 16.4 % (consensus -12 %), la production industrielle de 11.2 % et l’indice Empire State manufacturier à -48.5 (-65 attendu). L’élément marquant de la semaine dernière concerne l’intervention de Jerome Powell, qui a indiqué que la Fed n’envisageait pas le recours aux taux négatifs dans l’immédiat, confirmant néanmoins le maintien/renforcement des mesures de soutien.