À l’unisson, les Kasaïens conjurent les violences basées sur le genre qui freinent leur développement

Les participants à l’Atelier régional de réflexion sur « les violences basées sur le genre dans l’espace Kasaï » qui a été organisé du 1er au 3 février 2022 à Kananga, le chef-lieu de la province du Kasaï-Central, sont unanimes. Quelle qu’en soit la forme ou quel qu’en soit le type d’expression, elles empêchent la participation efficace de la femme et de la jeune fille à la reconstruction et au développement du pays.

Les participants réunis en groupes de discussions.

L’ESPACE géographique kasaïen qui comprend 5 provinces : Kasaï, Kasaï- Oriental, Kasaï-Central, Lomami et Sankuru, est la région du pays où l’on déplore plus d’atteinte aux droits des femmes. Selon les données disponibles, plus de 50 % des filles sont mariées précocement ou de manière forcée sous le prétexte des pratiques traditionnelles devenues aujourd’hui rétrogrades. Comme si cela ne suffisait pas, le Grand Kasaï est compté parmi les parties du pays les moins développées. Il est aussi considéré comme un foyer des pratiques néfastes à la femme et à la jeune fille. 

En effet, les femmes mariées y sont souvent victimes des pratiques allant jusqu’au viol, en cas de non-respect de certains préceptes. Par exemple, une fille qui n’a pas suivi ses études jusqu’au bout car contrainte de se marier et de faire des enfants, devient ipso facto un poids économique pour la société au lieu d’être créatrice de richesse. 

Pauvreté en dessous du seuil

Et ce n’est pas un hasard si la région du Kasaï a un taux de pauvreté bien en-deçà de la moyenne nationale. Selon le rapport sur l’Enquête 1, 2 et 3 de l’Institut national de la statistique (INS) publié en 2014, les provinces du Grand Kasaï avaient une incidence de pauvreté estimée jusqu’à 68,7 % en 2012. Dix ans après, la situation est loin de s’être améliorée positivement. Surtout quand l’on tient compte des effets négatifs du conflit Kamwina Nsapu entre 2016 et 2018. Ce conflit ethnique a exacerbé la pauvreté du fait des déplacements de plus d’un million de personnes et des violences sexuelles à l’égard des femmes et des filles. 

Plus de 27,3 millions de personnes sont touchées par l’insécurité alimentaire en République démocratique du Congo, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Programme alimentaire mondial (PAM). Et le grand kasaïen est sévèrement touché par l’insécurité alimentaire et la malnutrition. 

L’instauration de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes fait partie intégrante de chacun des 17 Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies. Selon l’ONU Femme, « ce n’est qu’en garantissant les droits des femmes et des filles dans l’ensemble des objectifs que nous parviendrons à assurer la justice et l’inclusion, à développer des économies qui bénéficient à toutes et tous et à préserver l’environnement que nous partageons, aujourd’hui et pour les générations futures ». L’égalité des sexes n’est pas seulement un droit fondamental à la personne, elle est aussi un fondement nécessaire pour l’instauration d’un monde pacifique, prospère et durable, pour cette organisation onusienne. Tout cela a été rappelé lors de l’atelier de réflexion qui vient de se tenir à Kananga.

Il a été également rappelé que l’économie congolaise est essentiellement informelle et entre les mains de plus de 60 % des femmes, selon des estimations dignes de foi. Par conséquent, les violations faites aux femmes dans cette région les privent de jouer leur partition dans le développement. 

On se souvient que lors de sa récente tournée dans le Grand Kasaï, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, a conscientisé la population sur la pratique des mariages forcés et précoces. Dans le cadre de sa campagne « Tolérance Zéro » contre les violences sexuelles lancée en juin 2021, le président de la République a engagé le gouvernement à lutter efficacement contre les violences basées sur le genre. Il a mis en place le fonds de réparation pour les victimes des violences sexuelles et des crimes graves ainsi que la Commission nationale pour la justice transitionnelle. En outre, il y a l’adhésion de la RDC à l’engagement continental des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine (UA) sous la présidence tournante de Félix Antoine Tshisekedi afin de promouvoir la masculinité positive. Engagement pris à Kinshasa en 2021, et qui a valu au président de la République le titre d’ambassadeur de lutte contre les violences sexuelles, lors du transfert de mandat à la tête de l’UA à Macky Sall, le président sénégalais, le 5 février 2022 à Addis-Abeba.

Soutien des partenaires

Les violences basées sur le genre est un « fléau qui a des conséquences dévastatrices sur les femmes et les filles en particulier, et au-delà des individus, sur les familles et les communautés », rappelle Dr Eugene Kongnyuy, le représentant résident du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA). Aux côtés du gouvernement, les partenaires internationaux essaient depuis plusieurs années d’apporter leurs efforts dans la lutte contre les violences basées sur le genre (VBG) dans l’espace kasaïen. 

Plusieurs actions sont déjà menées dans la région parmi lesquelles la prise en charge médicale et psycho-sociale assurée par Médecins Sans Frontière (MSF) sur une large couverture géographique. Il y a aussi le projet conjoint JAD (UNDP, BCNUDH, UNFPA) financé par le Canada, des allocations du Fonds humanitaire CERF ainsi que des financements sur fonds propres et autres des agences des Nations Unies. Depuis 2019, le Grand Kasaï a été identifié comme « région prioritaire » pour l’adoption et l’application de l’approche en Nexus Humanitaire-Développement-Paix (HDP), qui vise à réduire d’au moins 10 % la prévalence des violences basées sur le genre d’ici 2024.